Chap XIX : BATAILLE D'EAU

276 35 2
                                    

Je ne vis pas Harry du reste de la semaine. Le lendemain, Lana nous apprit qu'il souffrait d'une terrible gastroentérite. Darerca ne m'adressa pas la parole une seule fois, se contentant de me jeter des regards noirs comme elle savait si bien le faire lorque j'étais avec Aslinn. Les choses entre Lana et Billy ne semblaient pas s'arranger, Lana passait tout son temps avec Aslinn et moi. Vendredi midi, alors que j'attendais pour remplir notre pot d'eau, je vis Darerca se diriger vers moi, sans cruche dans les mains. Je la regardai s'approcher du coin de l'oeil.

-Tu n'as toujours pas compris ? Demanda-t-elle en guise de bonjour.

-Compris quoi ? Fis-je en articulant bien.

-T'es vraiment trop naïve...me rigola-t-elle au nez.

Puis elle me tourna le dos et repartit au milieu de la cantine.

Que me voulait-elle bon sang ? Que lui avais-je fait ? Rien ! Je ne comprenais vraiment pas d'où lui venait cette rencune envers moi.

-Eh !

Une jolie fille à l'air gentil à côté de moi me tirait doucement par la manche tout en penchant la tête vers mon pot d'eau qui débordait. Trop absorbée par mes pensées, je n'avais pas surveillé notre cruche !

-Merci ! Bredouillai-je.

Alors que je marchais pour retourner vers Aslinn et Lana à notre table au fond de la cantine, je m'emmêlai les pieds dans je ne sais quoi. Je perdis l'équilibre, me ratrappai de justesse tout en me renversant la cruche dessus. Je me sentis devenir aussi rouge qu'une écrevisse. J'étais trempée, au beau milieu de la cantine avec quasiment tout le lycée qui me fixait. Darerca était là, assise sur sa chaise, avec un pied qui débordait nonchalament sur le passage. Elle dardait sur moi un regard amusé et un sourire plein de satisfaction. Je serrai les dents. Ma demi-chute n'avait vidé que les deux tiers de ma cruche. Il en restait donc encore un tiers... D'un geste rageur, je lui retournai le pot d'eau sur les genoux avant de le lui claquer sur son plateau. Sur le coup, je ne sais pas trop pourquoi je fis ça. D'habitude je n'étais pas rencunière et n'aimais pas me faire remarquer en public. Mais il y avait quelque chose chez cette fille qui m'exaspérait. Je crois qu'elle ne s'attendait pas à ça. Son masque impénétrable s'était fissuré pour afficher un air surpris et rageur. Je retournai à ma table, atrappai ma doudoune sans prendre le temps de l'enfiler ni de débarasser mon plateau. Je croisai les têtes hébétées de Lana et Aslinn.

Aussitôt sortie du self, je montai dans les salles 300. Le couloir de cet étage était toujours désert entre midi et deux, je n'avais envie de croiser personne. Assise contre un mur, les écouteurs dans les oreilles, je m'étais envelopée dans ma doudoune. Je frissonais sous mon pull mouillé. Alors que j'extirpai mon portable pour changer de playlist, je m'aperçu que j'avais cinq messages en l'espace de deux minutes du même émetteur : Aslinn.

12h46 : Claire

12h46 : tu

12h47 : es où

12h47 : ?????

12h47 : T où ??????????????????

Je glissai à nouveau mon portable sous les plis de mon épais manteau. Il s'inquiétait et je trouvais ça fort mignon, mais là j'avais vraiment envie d'être seule. Même à travers ma musique, j'entendis quelqu'un monter les escaliers. Quelqu'un de pressé et d'essouflé qui devait monter les marches quatre à quatre. Ce n'est qu'à moitié surprise que je reconnus le grand brun qui s'était arrêté sur le palier et qui maintenant tournait sa tête dans ma direction. Il vint vers moi puis se laissa glisser contre le mur.

-Tu regardes ton tél quand tu veux...dit-il doucement.

-Je pourrai te dire la même chose...

-Je t'ai cherchée partout...j'ai même demandé à Lana d'aller vérifier dans les toilettes des filles.

-Tu ne croyais pas que je m'étais enfermée pour pleurer ? Demandai-je en m'étranglant.

Il baissa la tête en se passant la main dans les cheveux.

-Je ne sais vraiment pas ce que je lui ai fait...je ne comprend pas ce qu'elle a contre moi, repris-je en soupirant. Ce n'était pas la peine que je mentionne son prénom, Aslinn savait très bien que je voulais parler de la "panthère".

-Claire, en fait, heum...murmura Aslinn.

Même s'il avait parlé la tête baissée, quasiment enfouie dans ses genoux, je l'avais entendu.

-Oui, Aslinn, l'encourageai-je à continuer.

Quand il prenait ce ton, je savais que c'était pour dire quelque chose d'important, aussi je l'écoutai attentivement.

Un joli triangleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant