Un joli triangle

Chap XXXI : COURAGE !

Cet après-midi fût un véritable calvers. Étant voisins dans tous les cours, nous n'avions pas le choix d'être côte à côte mais je sentais que s'il le pouvait, Aslinn serait parti à mille lieues de moi. Il ne me jettait pas un seul coup d'oeil ou bien, si par malheur nos yeux se croisaient, son regard n'était que lourd de reproches et me transperçait.

Lorsque 17h sonna, il se précipita dehors. Je vis Harry se dépêcher aussi et sortir à sa suite. Harry avait été voir Darerca à la récré. Il me raconta qu'au début elle niait totalement et disait ne pas avoir de quelle vidéo il s'agissait. Harry lui avait alors montré et elle avait malencontreusement échappé ces quelques paroles qui l'avaient trahies : "Aslinn a bien fait d'être mis au courant". Le jumeau Fitz avait alors insisté et elle avait finit par cracher le morceau. Maintenant, il s'était mis dans la tête d'aller voir Aslinn mais je craignais que cela ne dégènère comme la dernière fois. D'un côté je voulais que les deux garçons se parlent et je souhaitais de tout mon coeur qu'Aslinn écoute les explications d'Harry mais d'un autre, j'avais peur qu'Aslinn ne se ferme comme une huître -comme il savait si bien le faire...- et reste imperméable aux paroles d'Harry.

-Mademoiselle Claubert, les cours sont terminés ! Me tira soudain une voix de mes pensées.

C'était Madame Hopskins qui avait déjà rangé ses affaires et qui attendait à côté de la porte, sacoche sous le bras, que je sorte de sa salle. Je bredouillai un "excuse me" tout en fourrant mes affaires dans mon sac. J'enfilai alors ma doudoune -difficilement puisque je ne me rendis pas tout de suite compte que je l'avais enlevée sur l'envers. Après avoir bataillé pendant plusieurs minutes durant lesquelles j'avais pris une violente teinte rouge, je réussis enfin à sortir sous le regard amusé de la vieille professeur.

Alors que je traversais la cour du lycée, j'eus une vision des plus étranges. Je vis Aslinn qui était en train de remonter la rue en direction de son arrêt de bus d'un pas rapide, presque en courant. En effet, puisqu'il précédait un certain garçon qui ressemblait à Harry Potter. Le jumeau Fitz suivait Aslinn et, aux gestes qu'il faisait, je compris qu'il lui parlait mais qu'Aslinn n'avait guère envie de l'écouter.

Au moins cette fois ils ne s'étaient pas battus, pensai-je en allant rejoindre ma mère sur le parking.

-Ça va you ? Demanda ma mère alors que je m'attachais. Tu n'as pas l'air dans ton assiette.

-Non non, tout va bien mom ! Répliquai-je sur un ton enjoué.

Ma mère me jeta un coup d'oeil suspet puis démarra. Discrètement, je regardai mon reflet dans le petit mirroir du pare-soleil. J'eus un petit hoquet de surprise en constatant la mine que j'avais. Mes yeux étaient tous gonflés et mes traits tirés. Pas étonnant que ma mère me demande comment j'allais !

En rentrant, je pris une douche bien chaude dans l'espoir d'effacer les traces de cette dure journée. Même si mon visage retrouva quelques couleurs, à l'intérieur je n'en restai pas moins triste.

Un peu plus tard dans la soirée, quelques fissures de plus vinrent s'ajouter à mon coeur déjà en miette avec un sms d'Aslinn :

Bravo, félicitations. Tu as réussi à te remettre Harry dans la poche. Tu me l'as envoyé parce que tu n'as pas le courage de venir toi même ? Bien tenté mais ça ne marche pas, trouve toi quelqu'un d'autre.

Jamais je n'aurai pensé Aslinn capable de dire des choses pareilles. Derrière son caractère doux et attentioné, il était impossible de soupçonner qu'il puisse avoir ces paroles si tranchantes. Je ne sais pas ce qu'Harry avait bien pu lui raconter mais cela ne l'avait en aucun cas apaisé.

Je m'endormis en pleurant comme une petite fille, en serrant un coussin contre moi.

Le lendemain fût aussi une des pires journées depuis le début de l'année. Aslinn m'évitait soigneusement. Lorsqu'on se croisait dans les couloirs, il me toisait de toute sa hauteur. Ses deux azurs bleus s'étaient transformés en glace, froids et implacables. Je commençais à réaliser que j'avais fait une belle connerie, je n'aurais jamais dû laisser Harry me sauter dessus comme il l'avait fait, peu importe qu'il y ait du monde autour ou pas. Ce qui était fait était fait. Je ne pouvais pas défaire le passé. Je n'en voulais ni à Harry ni à Darerca, -un petit peu quand même...- et je ne pouvais pas non plus dire que j'en voulais à Aslinn. Mais quand même, de là à faire comme si je n'existais plus ! Il fallait que je fasse quelque chose.

Ce soir là, je pris mon courage à deux mains pour aller toquer à la porte des Mckellen. A côté de l'appréhension qui m'avait envahie avant d'aller voir Harry, ce n'était rien comparé à ce que je ressentais maintenant. Une espèce d'angoisse mêlée à du stress me tordait le ventre. Sur le chemin menant chez Aslinn, je tentais de trouver ce que j'allais bien pouvoir lui dire mais tout se mélangeait dans ma tête. Arrivée devant sa porte, il me fallut plusieurs secondes avant que je ne me résoude à toquer. L'attente -bien qu'extrêmement courte- fût insupportable. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir lui dire bon sang ? La poignée s'abaissa et la porte s'ouvrit sur un grand homme en jogging et en sweat et qui portait un petit anneau à son oreille gauche. Même si je ne l'avais jamais vu, je ne doutais pas que ce devait être le père d'Aslinn, même azurs bleus et même ossature. Il me dévisagea d'un air impénétrable avant qu'un sourire vienne éclairer son visage -et me rassurer par la même occasion.

-Bonjour, enfin bonsoir. Je...excusez-moi, je viens voir Aslinn, il est là ? bafouillai-je en me tordant les mains.

-Bonsoir, Carie, je vais l'appeler, me répondit le grand monsieur avec sa voix grave et un sourire en coin.

J'étais tellement anxieuse que, sur le coup, je ne remarquai même pas qu'il s'était trompé de prénom. Je restai plantée sur le paillasson et le vis traverser le salon et crier du bas des escaliers :

-Aslinn!! Carie est là, elle veut te voir!! Puis il se tourna vers moi toujours en souriant et disparût dans la cuisine.

Je déglutis tout en me passant mon écharpe sur le visage. Quand je l'enlevai, je vis Aslinn qui se tenait au bas des escaliers, avec l'écharpe que je lui avait donnée à la main. Il enfila une paire de chaussons genre charentaises de papi à carreaux rouge -en d'autres circonstances j'aurais pouffé de rire, mais à ce moment là, j'étais à des années lumières de la joie- et vint jusqu'à moi en refermant la porte d'entrée derrière lui.

-Tiens, j'ai quelque ch...

Je ne lui laissai pas le temps de finir, il fallait que je me lance maintenant car après, je n'en aurais plus le courage.

-Attend, laisse-moi parler, le coupai-je en retenant son poignet tendu dans ma direction. Tu as dit que je n'avais pas le courage de venir moi-même ? Et bien tu vois, je suis venue. Je suis là parce que... parce que...

Le grand brun darda des yeux insistants sur moi.

-Parce que je t'aime et que tu m'énerves Aslinn Mckellen !

Voilà, les mots étaient sortis. Je n'avais rien dit et en même temps c'est tout ce que j'avais à lui dire. Nous restâmes là, face à face. Je croisai les bras sur ma poitrine tandis qu'Aslinn baissait la tête sans rien dire. Ah non ! Il n'allait pas encore se mettre en "mode huître" ! Presque sans réfléchir, je l'attrapai par le col et l'attirai contre moi, le forçant à se baisser pour que son visage soit à la hauteur du mien. Mes lèvres carèssèrent les siennes, nos bouches se connectèrent un instant.

Lorsqu'il mit fin à notre baiser, je me retournai et partis en courant.