Chap XXXII : BIG GIRLS (BOYS) DON'T CRY

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-Tu as rendu son livre à Aslinn ? Me demanda mon père alors que je rentrais, toute essoufflée et les joues rougies par le froid et le fait d'avoir couru.

-Hein ? Son livre ?

-Bah oui, le livre que tu devais lui rapporter, me répondit mon père.

Une lueur me traversa soudain l'esprit. Bien sûr ! J'avais pris ce prétexte pour aller chez lui ce soir ! Sauf que j'avais totalement oublié de prendre un bouquin lorsque j'étais partie. Devant mon air muet, mon père ne put s'empêcher d'ajouter :

-Je crois que ton trauma t'as grillé quelques neurones, dit-il sur un ton de rigolade.

Je lui souris d'un air absent avant que ma mère ne nous appelle pour dîner.

Cette nuit là, je crois que Morphée m'oublia car je ne dormis presque pas. À vrai dire, j'étais encore étonnée de moi même. Comment Aslinn allait-il réagir ? Cette fois, il devait pourtant bien avoir compris ce qu'il représentait pour moi !

Finalement Morphée ne m'oublia pas, elle passa juste un peu plus tard dans la nuit, le sommeil ne me gagna pas avant trois heures du matin. Je m'éveillai six heures plus tard avec encore les images de mon affreux rêve en mémoire : mes parents nous annonçaient qu'ils voulaient quitter l'Irlande pour la Finlande -allez chercher pourquoi- et que, lorsque je voulais aller lui dire adieu, Aslinn refusait de m'ouvrir sa porte qu'il gardait close. Je dû donc partir sans l'avoir revu une dernière fois.

Assise dans mon lit, je me dis que si cette situation devait arriver, je ne m'en remettrais pas. C'était le premier garçon que je rencontrais et pour lequel j'éprouvais vraiment quelque chose de fort.

Dans l'après -midi, je passai chez ma grand-mère prendre Jack, le terre-neuve pour aller me balader sur la lande. Le gros chien noir m'apporta un peu de réconfort, trottinant à mes côtés en secouant sa queue comme un ressort et me léchant les mains. Arrivé à la plage, il s'élança sur la bande de sable, pataugeant dans l'eau. Alors que mon regard le suivait, mes yeux s'arrêtèrent soudain sur une silhouette assise sur un rocher face à la mer. J'aurai pu la reconnaître entre mille. Capuche noire sur la tête, les mains dans les poches et le dos voûté. Mes pieds refusèrent d'avancer et restèrent ancrés dans le sol, comme deux morceaux de plombs. Comme s'il voulait me forcer à réagir, Jack dévia soudain de sa trajectoire et se dirigea en se dandinant vers Aslinn. Une fois arrivé à sa hauteur, il s'assit sur ses pattes arrières et colla sa truffe sur les genoux du grand brun tandis que celui-ci le grattouillait sous le cou et sur le haut du crâne. Jack, avide de caresses, se colla un peu plus contre Aslinn.

-Jack ! L'appelai-je, me faisant par la même occasion remarquer d'Aslinn.

Mais le gros chien noir ne daigna bouger son derrière.

-Jack, viens ici ! L'appelai-je à nouveau en faisant un petit pas en avant.

Tel un sourd, le terre-neuve ne réagit aucunement, toujours à se faire papouiller par Aslinn. Je n'avais pas le choix, je devais aller le chercher...et me confronter à Aslinn et à ses deux azurs transperçants.

Alors que j'étais quasiment arrivée vers eux et que je n'avais plus qu'à tendre le bras pour attraper Jack par son collier, celui-ci repartit comme une flèche direction la mer. S'amusant à faire de gros ploufs, il tourna sa frimousse avec sa langue pendante dans ma direction, comme s'il voulait dire "Maintenant tu n'as pas le choix, tu es face au mur..."

Effectivement, Aslinn avait rangé ses mains dans les poches de son sweat et le dos courbé, il ne m'offrait comme vision que le haut de sa capuche.

C'était affreusement gênant, j'étais debout, à quelques centimères de lui, tel un poteau ou une plante verte.

-Je suis désolée, je sais que tu m'en veux... Tu as sûrement dû me prendre pour une folle hier soir, à te sauter au cou...mais c'était sincère tu sais...Harry c'est un pote, lui même reconnait que l'autre jour il n'aurait pas du faire ça, tu sais comme il est spontané. Mais avec toi c'est pas pareil... Toi, tu es...enfin quand ça ne va pas c'est toi que j'ai envie de voir, c'est contre toi que j'ai envie de me blottir...

J'avais commencé à parler presque sans m'en rendre compte, poussée par un soudain élan d'origine inconnue. Je me sentais à la fois libérée d'un poid mais à la fois frustrée car je me retrouvais face à une huître. C'est à ce moment que Jack se décida à revenir vers nous, il s'assit à côté de moi et leva sa truffe humide en me regardant. "Tu vois ça n'était pas si difficile" semblaient me dire ses deux yeux doux.

-Aslinn, dis quelque chose...l'implorai-je d'une toute petite voix.

Lentement, comme si on avait appuyé sur le bouton ralenti, il releva la tête. Ses iris humides me fixèrent avec une intensité profonde. Il était magnifique, quelques mèches rebelles s'échappaient de sa capuche noire qui entourait son visage.

-Jamais personne ne m'a parlé comme tu viens de le faire, souffla-t-il.

-C'est plus facile quand le sujet nous parle, répondis-je en souriant et en réutilisant une de ses phrases.

Aslinn me sourit en retour, je m'assis alors sur ses genoux tout en calant mon visage contre le sien. Nos joues collées l'une contre l'autres, nos larmes glissèrent et se rencontrèrent, lui touché et moi émue.

Rien de plus touchant que de voir un gars pleurer.

Un joli triangleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant