20 - Route

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La main de Chanyeol est serré sur la mienne. Nous sommes assis, silencieux, à l'arrière de la voiture. Jongdae est à l'avant, il me parle de tout ce que j'ai raté dernièrement mais je n'écoute pas. Mes dents claquent légèrement; je tremble.

Quelques heures à peine se sont écoulés, mais je suis déjà hors de l'hôpital : j'ai eu une autorisation de la part du médecin pour sortir cet après-midi. À la radio, le nouvel album de Exo tourne en boucle. Entendre une chanson de mon groupe sans ma voix les accompagnant me ramène à la réalité : je suis restée dans le coma pendant trois mois. Un frisson me parcourt. Les doigts de Chanyeol se veulent réconfortant sur ma main.

Trois mois, et presque rien n'a changer. J'ai l'impression que tout n'était qu'un étrange rêve. Mais tout paraît trop réel. C'est marqué ici, au plus profond de mon âme; je n'ai jamais rêvé.

- Chanyeol ?

- Oui Baek ?

- Ça fait combien d'années qu'on se connait ?

- Mh... Cinq je dirais. Pourquoi ?

Dans ma tête, les mots de Jiae se percutent les uns contre les autres. Il y a huit ans, j'aurais dû disparaitre aussi.

- Pour rien oublie.

La voiture s'arrête. Je m'apprête ouvrir la porte mais Chanyeol m'en empêche. Seule la portière avant s'ouvre et seul Jongdae descend du véhicule.

- Bon le chauffeur va vous emmener tranquille, moi j'ai du boulot je dois vous laisser les gars ! À plus !

Il nous salue de la main et me glisse un petit clin d'œil. Putain Jongdae.

Nous roulons encore quelques dizaines de minutes. Je n'ose pas demander à Chanyeol où nous allons. Le trajet me semble interminable.

Interminable. C'est la sensation qui décrit le mieux ce que je ressens depuis mon réveil. J'ai peur. Et si je ne retournai jamais auprès de Jiae et Chanyeol ? Nous nous arrêtons enfin. Chanyeol descend en premier, je l'imite aussitôt. Un air frais envahit alors mes poumons. Nous sommes en dehors de Séoul, dans la campagne environnante. Je me tourne vers Chanyeol; il est là souriant, il savait que j'avais besoin de ça.

Tous deux, nous nous éloignons sur les petits sentiers. Le chauffeur nous attendra. Je le vois allumer discrètement une cigarette.

Nous marchons paisiblement. Cela fait tellement longtemps que je ne me suis pas promené aussi sereinement. Je reprends confiance; je vais réussir à retourner dans l'autre monde, coûte que coûte. Je trouverais une faille, une ouverture.

- Baek tu sais...

Chanyeol prend soudain la parole. Il cherche ses mots, je sens dans son pas incertain et son regard fuyant qu'il est sur le point de m'annoncer quelque chose.

- Je crois qu'on s'était déjà vu une fois avant.

- Comment ça avant ?

- Avant.. Avant de se rencontrer dans l'agence.. C'était deux ans avant je crois bien.

Mon silence l'incite à continuer. Une supposition commence à germer dans mon esprit, mais rien n'est sûr.

- D'ailleurs en vérité, continu-t-il, je crois que je suis tombé amoureux de toi ce jour-là.

Mes joues se teintent soudain. Il vient simplement de m'annoncer qu'il m'a toujours aimé, n'est ce pas ?

- Tu étais adorable.

- Je ne m'en souviens pas du tout..

- Ça ne m'étonne pas.. Moi je t'ai reconnu direct le jour où je t'ai vu à l'agence. Mais je n'ai pas osé t'en parler. Et depuis, je n'ai jamais trouvé le moment pour le faire.

J'ai beau me creuser la mémoire, je suis persuadé de n'avoir jamais rencontré Chanyeol auparavant. Mais il continue :

- Je me souviens... J'étais parti en vacances quelques jours à Busan avec mes parents. J'étais super heureux de voir la mer.

Busan ?

- Et je crois.. Que je t'avais dans le viseur dès le premier jour !

Il rigole, je rougis. Classique.

- En fait je n'osais pas vraiment venir te parler. J'étais plutôt timide au lycée.

Busan, au lycée..

- Mais j'ai eu ma chance le dernier jour avant mon départ. J'étais trop content putain..

- On avait parler de quoi ? Je demande, très curieux.

- De rien du tout en soi. Tu m'avais surtout remercié. Et demandé mon nom, mais tu l'avais oublié deux minutes après. Mais ça avait suffit au fragile que j'étais.

Une vache, dans le pré à gauche, nous regarde fixement. Je presse un peu le pas.

- Te remercier ? Pourquoi, t'as fais quoi de si respectable ?

- T'as vraiment zéro souvenir Baek ?

J'ai le souvenir qu'au lycée, chaque année, je passais trois semaines chez mes grands-parents à Busan. J'en ai des souvenirs d'ennui, de plage, de fruits frais et de mes oncles qui me jettent à l'eau. Mais pas de Chanyeol.

- Aucun.

- Je t'ai quand même sauvé la vie ce jour-là !

Chanyeol rigole, mais je me fige soudain en plein milieu du petit chemin.

- Mec il était 20 heures, t'étais le seul idiot qui allais te baigner à cette heure et t'as bien failli te faire engloutir !

Doucement, les images me reviennent. Je venais de faire mon coming out à ma famille. Mon grand-père m'avait viré de la maison. Personne ne l'avait accepté. J'étais une honte, qu'ils disaient. J'avais couru jusqu'à la mer et m'étais jeter dans l'eau glacée. Je savais à peine nager. C'était conscient.

- Si je t'avais sorti de l'eau deux minutes plus tard on serait pas là à parler aujourd'hui.

J'ai mal à la tête. Je vais m'effondrer. Il y a huit ans, j'ai tenté de me tuer.

- Baek ? Baek ça va ?

C'est de ma faute. Tout est de ma faute. Nous aurions dû mourir ensemble. Baekhyun ne s'est pas suicidé, c'est moi qui l'ai tué.

- Baekhyun !! Oh putain, put..

Mon ouverture est ici, maintenant. Je tombe. Je sais que maintenant, je ne me relèverai plus jamais.

Analogie [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant