aveux

63 2 0
                                    


De la liesse, il fallut toutefois passer aux choses sérieuses quand le vieux roi, affaibli par l'âge, annonça qu'il abdiquait en faveur de son fils. Les séances avec les conseillers, les ambassadeurs, les ingénieurs et les ministres remplacèrent les fêtes.

Les semaines passèrent. Le souvenir du village, là-bas, très loin dans la montagne, prit peu à peu le flou d'une douce nostalgie. Le prince continuait de s'y transposer en pensée le soir, au moment où il se glissait dans ses draps, et parfois cela lui permettait encore d'y passer le temps de ses rêves. Mais le doux sourire de sa compagne perdait de sa netteté, glissait doucement vers l'irréalité. On recommença à lui présenter des jeunes filles. Il était souhaitable qu'un futur roi se marie.

Toutes les prétendantes étaient jolies, élégantes, bien nées, et chacune avait quelque talent particulier. Plus d'une, venue à l'heure du thé, fut retenue à l'heure du souper.

Le prince prenait plaisir à leur conversation. Aucune cependant ne parvenait à retenir plus longtemps son attention.

Le vieux roi finit par s'en inquiéter. "Mon fils", lui dit-il, "je vois défiler dans ces salons des dizaines de jeunes femmes, dont la plupart sont fort belles et fort avisées; vous leur souriez, mais aucune ne parvient à toucher votre coeur. Aussi j'en viens à me demander... serait-ce que ce coeur est déjà pris?"

Alors le prince raconta tout ce que, de son séjour aux confins du royaume, il avait jusque-là gardé pour lui. 

Le roi fit "Hum, hum". Ce n'était certes pas là une femme de haute lignée... Mais il promit d'examiner la situation. Il avait assez vécu pour savoir que le coeur a ses raisons, et que ce ne sont pas forcément les plus mauvaises.

Il convoqua donc des spécialistes de l'étiquette, des généalogistes, des astrologues, des médecins, le ministre de l'intérieur et celui de la famille, ainsi qu'un portraitiste et des conseillers en communication. Une délégation fut envoyée là-bas, loin dans la montagne.

A leur retour, les conseillers en communication laissèrent entendre qu'un mariage avec une personne aussi authentique pourrait constituer une opération marketing intéressante pour renouveler l'image de la royauté. En revanche les médecins, s'ils louèrent la bonne santé de la paysanne, ôtèrent au vieux roi tout espoir de faire un jour sauter des petits-enfants sur ses genoux: elle n'était plus de première jeunesse. 

Les astrologues, mine pincée, se plaignirent d'avoir eu à faire une telle expédition pour rien - personne ne savait plus l'heure ni le jour exacts de la naissance de cette femme, et à vrai dire même le mois et l'année étaient sans doute sujets à caution. 

Les généalogistes se contentèrent de hausser les épaules. 

Le ministre de l'intérieur mit dans les mains du roi un épais catalogue de candidates de premier choix; la fiche de sa nièce figurait dans le tiercé de tête. 

Les psychologues s'inquiétèrent du fait que la paysanne ne se préoccupait pas de minceur, ni de mode, de diététique, de produits de beauté ou de la nouvelle coiffure à adopter; qui sait, disaient-ils, si l'absence de névroses ne constitue pas elle-même une névrose? 

Le ministre de la famille parla de mauvais exemple. 

Les spécialistes de l'étiquette se contentèrent de signaler que rien ne s'opposait à une telle union, mais... 

Le portraitiste posa devant le roi un petit tableau.

le prince charmant est sur www.rencontres.chOù les histoires vivent. Découvrez maintenant