- 4 - côté jardin -

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C'est jeudi.

Il fait beau.

Et j'ai congé.

Je ne sais pas comment Eric vit le fait d'habiter et de travailler au même endroit. Personnellement, d'être passée de deux ordinateurs intransportables et incompatibles, l'un au bureau et l'autre à la maison, à un portable que, conformément à son appellation, je (trans)porte d'un de ces lieux à l'autre, me pose déjà de grosses difficultés.

Au bureau, ça passe encore. Je reçois évidemment mes mails privés en même temps que je relève les messages professionnels, mais il n'y en a jamais beaucoup et ils ont rarement un caractère d'urgence. Je les parcours rapidement et j'y réponds le soir. Enfin, quand je n'oublie pas.

A la maison, c'est plus difficile. Je veux dire, quand il faut remplir sa déclaration d''impôts, ou écrire un énième courrier à l'assurance qui a oublié de rembourser trois factures, puis sur réclamation en a remboursé deux dont une ne vous concernait pas... il peut être tentant, par comparaison, de se plonger plutôt dans la rédaction d'un papier en retard, ou de vite jeter quelques idées qui vous sont venues impromptu pour un prochain numéro. Et chez moi, soit les idées ne viennent pas, soit elles viennent par cohortes.

Pour tout dire, depuis que mes week-ends s'étalent sur quatre jours pleins de vide, je m'embête. Je m'embête et je gamberge.

Bien sûr, je peux m'occuper du ménage. Bichonner mon jardinet. Aller me balader. Faire du shopping - non, pas faire du shopping, j'ai horreur de ça, oui ça existe, même chez les filles.

Le ménage, c'est une activité qui a l'avantage de devoir être constamment répétée. Cela dit, quand on vit seul, même avec trois grandes pièces, cuisine habitable, wc séparé et balcon, on a assez vite fait le tour. Ne souffrant pas d'accumulation compulsive - il paraît qu'il y a un terme savant pour pour ça: syllogomanie -, je n'ai jamais l'occasion d'avoir des quantités de choses entassées à trier, et je me vois mal exploser quelques sachets de sucre et de farine à travers l'appartement pour pouvoir m'occuper à nettoyer. De toute façon, passer l'aspirateur ne mobilise pas l'attention à l'extrême. Passer l'aspirateur ne m'empêche pas de gamberger.

Le jardinage, c'est plus varié, et puis on a l'occasion de se piquer ou de se faire un tour de rein, ça met du piment. Mais mon jardin, on en a vite fait le tour aussi; une fois que tout est désherbé taillé tondu il faut attendre au moins deux ou trois semaines que ça repousse pour pouvoir à nouveau désherber tailler et tondre. Et même sculpter un buis en boule ne mobilise pas l'attention à l'extrême. Jardiner ne m'empêche pas de gamberger.

Les balades, j'ai toujours aimé. Lorsqu'il fait plus frais, de l'automne au milieu du printemps, je marche dans la campagne, dans le vignoble, au bord d'un lac, ou je vais flâner dans une ville. En été, lorsqu'il fait chaud, je vais plutôt en montagne. Il faut alors souvent enchainer train, bus, téléphérique, et donc ça prend facilement la journée. Les parcours fléchés du tourisme pédestre sont parfois ennuyeux, le plus souvent agréables, mais le gros défaut des balades, c'est que ça n'empêche en rien de gamberger. C'est même sans doute l'un des exercices les plus propices à l'auto-psychanalyse et aux thérapies personnelles foireuses et contre-productives qui soient.

Et donc, en fait, la seule activité qui m'occupe suffisamment l'esprit pour m'éviter de penser à autre chose, c'est mon travail.

Or il faudra bien que je reprenne ce maudit conte. Et puis j'ai encore une interview à retranscrire et à mettre en forme. Un sujet délicat à débroussailler sans tarder, sur la question du genre et les religions. Des contacts à trouver pour divers articles prévus dans les prochains numéros.

J'ai congé, et je suis prête à faire de l'excès de zèle pour éviter de penser à ma vie sentimentale.

le prince charmant est sur www.rencontres.chOù les histoires vivent. Découvrez maintenant