Chapitre 6

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Mon cœur battit anormalement et mon souffle fut saccadé. Mes mains devinrent complètement moites alors que Yuriy me fixait toujours. Puis avec douceur, il se rapprocha de mon visage et déposa un baiser sur ma joue. Je fus surprise, ne m'attendant pas à cela et ne sus pas comment réagir. Je devais paraître aussi vivante qu'un poisson mort. Il se rapprocha un peu plus près de mon visage et susurra délicatement à mon oreille :

« Ce n'est pas dans mes habitudes d'attendre mais pour cette fois-ci, je ferai une concession. Pas trop déçue, j'espère ? Interrogea-t-il tout en s'écartant de mon visage. Moi aussi, je suis "pudique", tu sais.» Se moqua-t-il en mimant les guillemets avec ses doigts.

Un peu sonnée, je ne lui répondis pas tout de suite. Qu'est-ce que je pouvais être stupide...Trouvant qu'il riait un peu trop, je lui assénai une tape à l'épaule en guise de vengeance. Il tentait de se défendre tout en rigolant alors que je continuais.

« Il n'y a pas de honte à être pudique, Monsieur ! M'écriai-je.»

Et je le poursuivis à travers la neige, plutôt compliqué et peu gracieux. Nous faisions tous les deux de grands mouvements de jambes pour nous en extirper et j'eus du mal à le rattraper tant je riais à m'en déboîter la mâchoire. Il n'hésitait pas à exagérer sa démarche et à pousser des cris aigus...ce qui était très gênant quand on croisait les quelques passants qui se promenaient malgré le froid et qui nous confondaient pour des échappés de l'asile.

Si je devais raconter ma vie, je pourrais la résumer à me lever, aller à l'école, être avec mes amies, et retourner chez moi pour manger et dormir. Ce train de vie me convenait parfaitement, mais ce que je voulais simplement dire était que les moments de pure joie et de tristesse se faisaient rare. Et à ce moment-là, je pouvais catégoriser cela comme un moment de pure joie puisque cela faisait bien longtemps que je n'avais pas autant rit. Une bouffée de sérénité m'envahit lorsque je le quittai, après nous être rendu compte que la nuit était devenue bien plus sombre. Je me sentis légère sur le chemin du retour et avait un sourire béat sur mes lèvres, qui s'affaissa quand je vis le visage fâché de ma mère qui m'attendait sur le pas de la porte, les bras croisés.

« Eh bien, j'ignorais qu'acheter une crème hydratante pour les mains prenait autant de temps ! D'ailleurs, où se trouve-t-elle ? Tu l'as oubliée ?

-Euh c'est-à-dire que...

-Aaah, soupira-t-elle. Ecoute, j'ai moi aussi été jeune et je comprends que tu veuilles rendre visite à je-ne-sais-qui mais au point de me mentir, non. Je ne t'embêterai pas pour cette fois-ci mais je tiens à ce que ce soit la dernière fois, tu m'entends ? Concentre-toi sur tes études, tu as le temps pour les garçons. Maintenant, rentre, je me demande bien qui a pu réussir à te faire sortir en plein hiver à 19h00, toi qui a toujours détesté avoir froid... »

Et elle m'adressa un sourire en coin et rentra. Je la suivis tout en me demandant comment elle avait pu deviner. Est-ce que les mères possédaient un sixième sens au sujet de leurs filles ? Un instinct féminin ? En tout cas, j'étais heureuse qu'elle ne m'ait pas hurlé dessus. Ma mère était quelqu'un de doux par nature, mais lorsqu'elle s'énervait, mieux valait ne pas être dans son champ de vision et il fallait prier pour que les dégâts ne soient pas trop conséquents. Je rejoignis le reste de ma famille à table et nous papotâmes. Après avoir festoyer, je fis mes devoirs et m'étalai sur mon lit. Je ne pus m'empêcher de repenser à ce court rendez-vous et je recommençai à sourire niaisement. Cela n'allait vraiment pas dans ma tête, c'était quand même Yuriy. Yuriy, le russe qui narguait le monde et changeait de copine comme de chemise. Yuriy et ses yeux glacés, qui sondaient ton âme. Yuriy et son sourire narquois qui se moquait de ta maladresse alors que lui était tout simplement parfait. Yuriy et son rire, qui n'était que passager...En énumérant tout ce qu'avait Yuriy, j'eus un flash, une illumination même. Il me voyait en tant que rousse aux yeux verts, je n'avais pas oublié cela, je l'avais vu de mes propres yeux dans le miroir de ma salle de bain. J'avais toujours des difficultés à y croire mais il y avait de fortes chances pour que ce soit réel, j'avais écarté l'idée que j'étais retombée comme en sixième. Il me l'avait fait comprendre lors de sa déclaration mais j'ignorais la cause de ce changement de perception. Il était devenu étrange après le malencontreux accident au parc...Pourtant un simple baiser ne pouvait pas provoquer cela, je n'avais pas de super pouvoirs, pas à ma connaissance en tout cas. Réfléchis, il devait y avoir quelque chose...de différent. N'y avait-il pas eu un élément suspect ? Un élément qui m'avait intriguée ? Une nouveauté dans ma vie ? Oh que oui, et ce n'était autre que le rouge à lèvres. Je me relevai et ouvris l'un de mes tiroirs où était soigneusement conservé le mot qui avait accompagné le cadeau et le relus.

La dame de CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant