Je gesticulai sur une chaise peu confortable, mal à l'aise. L'adrénaline était redescendue depuis bien longtemps et avait laissé place à de la culpabilité. Peut-être aurais-je dû fermer les yeux finalement ? Pourtant, c'était inacceptable de cautionner la violence et peut-être même le harcèlement.
Le harcèlement...
Je n'en revenais pas qu'il y en avait dans mon lycée. Tout le monde se connaissait, nous étions comme une famille. C'était ce que je croyais mais je m'étais lourdement trompée. Les trois garçons en face et qui attendaient comme moi, me jetaient des œillades menaçantes et haineuses. Il était difficile de rester fière et implacable. Je n'avais rien à me reprocher, j'avais fait le bon choix et peut-être même montré l'exemple. J'ignorais depuis combien de temps le calvaire de Raoul se profilait mais j'espérais y avoir mis un terme. Les témoignages sur le harcèlement scolaire m'avaient sans cesse révoltée. C'était intimidant d'y être confrontée en réalité. Fallait-il se taire par peur de représailles ou au contraire se soulever malgré notre terreur ?
Nous entendîmes un déclic et la porte du bureau s'ouvrit d'un mouvement brute, laissant dévoiler Yuriy, Laurent et un autre garçon. Lorsqu'ils passèrent près de moi, Laurent et l'inconnu me dévisagèrent avec rage tandis que Yuriy m'ignora royalement. Je restai pantoise devant son attitude et me retins de lui asséner une gifle qui avait déjà marquée la joue de son cher ami. Il m'avait plus que déçue. Ils s'en allèrent et les trois garçons qui n'avaient pas interrompu de me toiser, rentrèrent à leur tour dans le bureau. Je me retrouvai seule dans la salle d'attente, méditant sur mes actions et sur celles des autres. Pourquoi ne pas avoir attrapé les filles qui avaient participé ? Et ceux qui filmaient ? Je me demandai ce que mes amies était en train de faire. Je patientai, le cœur battant, pendant de longues minutes.
Et ce fut mon tour.
J'étais contente, je m'en étais sortie avec seulement une heure de colle. Enfin, mes parents allaient me tuer mais j'étais contente. J'avais expliqué la situation au directeur ; il avait salué ma bravoure mais m'avait avertie que ce n'était pas la bonne méthode à adopter. Je lui avais aussi fait part des filles et de l'humiliation filmée : il s'en chargerait, m'avait-il assurée. J'errai dans les couloirs et arrivée en face de la porte de la salle de classe, j'inspirai profondément et toquai.
« Entrez » Entendis-je.
Aujourd'hui, j'avais cours de Latin.
Alors que la prof était comme à son habitude, partie dans un monologue dont personne ne fit l'effort d'écouter, Jade me tapota l'épaule.
« C'était vraiment impressionnant ce que tu as fais, Dris' ! Cet idiot de Laurent l'a bien mérité.
-Oui enfin, elle a quand même eu une heure de colle...Rappela Laurine
-Ouais une gifle ne mérite aucune sanction mais le principal, c'est que le groupe soit exclu plusieurs jours. L'ambiance sera plus saine sans eux, ils me donnaient la gerbe. Je me demande qu'a fait ce pauvre Raoul pour les irriter. Dit Aminata.
-Je crois savoir...Souffla Jade.
-Raconte, la pressai-je, curieuse.
-Vous voyez Rachel en STD2A ? La meilleure amie de Catarina ? En fait, Raoul était amoureux d'elle et lui écrivait des lettres. Il a la fibre poétique vu qu'il est en L. Rachel ne connaissait même pas son existence, il y a quelques semaines. Quand elle a su que c'était lui son admirateur secret, elle s'est sentie comme...insultée. Il n'est pas attirant et est un peu...enfin comment dire...un "looser". Ça ne peut pas coller avec le statut populaire de Rachel. Elle a donc ordonné à Laurent et à toute sa clique de s'en charger.
-Evidemment, un groupe contre un parce que c'est trop facile. Et puis, je suppose qu'elle ne voulait pas se salir les mains alors elle a fait appel à Laurent. Déduisis-je.
-Exactement. De plus, Laurent était autrefois en couple avec elle. Leur idylle n'a duré qu'un jour, totalement ridicule, mail il considère encore être avec elle. Alors quand il a appris pour Raoul...»
La prof nous interrompit et nous pria de nous taire. Nous fîmes la moue et déterminées à ne pas être attentive à ce cours inutile, nous nous mîmes à dessiner. Nous réprimâmes un fou rire lorsque nous dessinâmes une peau de banane que nous surnommâmes Eurydice. Quand le cours fut fini, nous nous échappâmes. Pauvres de nous qui avions eu la sublime idée de prendre Latin au collège !
Je m'apprêtai à retourner dans ma salle de classe initiale quand soudain quelqu'un me retint par le bras. Raoul, la mauvaise mine et les yeux rougis me fit de la peine. Il était accompagné de Titouan, silencieux et en retrait.
« Merci...Merci pour tout ce que tu as fait Drisana. Prononça-t-il d'une voix éraillée. »
J'étais peu habituée à ce que les gens me soient redevables. J'avais envie de le prendre dans mes bras pour lui apporter une chaleur humaine mais je ne montrais que rarement des marques d'affection. Je ne me contentai que d'une simple main posée sur son épaule et un sourire. Il me sourit également malgré les traces de ses pleurs qui barraient son visage et il s'apprêta à partir quand Titouan me parla :
"Tu me fais flipper mais t'es cool."
Cela me fit bien rire et pour la première fois, je fus aimable avec Titouan. Je les quittai peu après et retournai à ma salle de classe pour un "splendide" cours de Français...
Il était facile d'imaginer à quel point je m'ennuyai et étais prête à somnoler, ayant décroché depuis bien longtemps du baratin du prof. Mais j'étais contrainte d'écrire tout ce qu'il énumérait; il le fallait bien pour le Bac. Je sentis une boule de papier se cogner à ma tête. Il était inutile de se retourner pour savoir que l'envoyeur était Helena. Je le dépliai et le lissai avec mes doigts car il était très froissé. Je pus y lire :
" Après l'incident, ça va être tendu pour le dialogue en Anglais... Je sens qu'ils ne vont pas reconnaître leurs torts d'aussi tôt. Enfin, peut-être qu'Octave réussira à les contenir mais je t'avoue que je ne lui fais ABSOLUMENT pas confiance. On trouvera une solution sur le tas, ok ? Sinon pour venger Raoul, j'ai une idée qui trotte dans ma tête...Je suis persuadée que ça va te plaire ! Valentina trépigne déjà d'impatience ;)
Je t'en ferai part sur Snap.
Kiss Darling~~
PS : On tournera le dialogue chez Valentina, sa maison est super grande. 'Tain, c'est trop la loose de vivre dans un appart' ! ;( "
Encore un plan d'Helena, j'appréciai son esprit machiavélique mais généralement ses idées étaient foireuses. Peut-être que cette fois-ci, cela fonctionnerait.
Il fallut que je supporte encore un bon bout de temps le cours avant de pouvoir me dégourdir les jambes dans le couloir. Quelqu'un passa devant moi et sa silhouette me parut familière , comme si je l'avais déjà croisée dans un autre lieu. Cette silhouette était celle d'un garçon, fin et pas très grand, comme celle du centre commercial où j'avais fait tout mon possible pour qu'elle ne remarque ni Yuriy ni moi.
Cette silhouette, c'était celle de Julien, un garçon de ma classe.
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La dame de Coeur
RomanceDrisana n'a jamais vécu une histoire d'amour comme ses consœurs, du fait de son visage disgracieux qui repousse les garçons de son âge. Mais alors qu'elle se résigne à terminer seule toute sa vie, elle reçoit à Noël un rouge à lèvres couleur sang, o...