Prologue

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Samedi 6 avril 2013.
10h00.

« (...) le fils de M. Sommet, âgé de quatorze ans, aurait disparu la nuit précédente. Les autorités suivent la piste de l'enlèvement, la plus plausible, selon le commissaire Leblanc. La famille Sommet s'est dite prête à payer une rançon pour récupérer leur fils, et prie à tous ceux qui auraient des informations de les contacter au plus vite. L'alerte enlèvement a été (...) »

L'inspectrice Vasquez éteignit le poste de télévision et alla se préparer un café. Tandis que la machine moulait les grains dans un vrombissement assourdissant, elle se perdit dans ses pensées, essayant tant bien que mal de rassembler ses idées.

– Vasquez, j'ai enfin obtenu le dossier complet. Je vous le pose sur votre bureau ? demanda un agent en faisant irruption dans la pièce.

La femme acquiesça et sortit de la cafétéria, tasse brûlante entre les mains, pour se diriger dans son bureau. Elle s'y assit, feuilleta brièvement le dossier tout en se massant les tempes. Elle savait d'avance comment allait finir cette affaire. Un enfant enlevé était retrouvé dans les plus brefs délais, ou ne l'était jamais. C'étaient dans les premières heures que tout se jouait. Malheureusement, les Sommet avaient tardé à prévenir les autorités, puisque l'adolescent avait disparu pendant la nuit. Vasquez s'arrêta sur une des pages agrafées et la lut en détail. Peut-être l'affaire s'avérait-elle plus intéressante qu'elle ne le pensait...
Un gosse de riches.
Finalement, si les ravisseurs avaient enlevé l'enfant pour l'appât du gain, ce dernier aurait bien plus de chances d'être retrouvé sauf. Les malfaiteurs avaient tout intérêt à ne pas le malmener, s'ils voulaient recevoir leur rançon.

L'inspectrice se mît à déambuler dans la pièce, dossier dans une main, café dans l'autre. Elle commençait à comprendre pourquoi on lui avait donné cette enquête: les enjeux étaient trop grands pour que le commissaire Leblanc ne s'y frotte.
Elle passa ses doigts sur les documents concernant la famille Sommet. Monsieur Serge Sommet, le père de famille: grand entrepreneur, il employait quelque mille personnes de toute leur ville et d'encore plus loin. La mère, Ève Sommet, ne travaillait pas, et leur fils aîné, Robin, avait un haut poste dans l'entreprise de son père. Quant au cadet disparu, de quatorze ans, il étudiait dans un collège privé et était apparemment prédestiné à travailler aussi pour le père. Une famille à qui la réussite avait souri, et qui se reposait sur ses lauriers.

« Circonstances de la disparition », lut l'inspectrice. Il devait être environs quatre heures du matin lorsque les caméras de surveillance avaient cessé de fonctionner dans toute l'enceinte de la demeure. Les ravisseurs avaient apparemment éteint les dispositifs de sécurité pour l'enlever, et l'alerte n'avait été donnée qu'à six heures, quand l'un des majordomes, -Vasquez croyait que ce genre de métier n'existait plus depuis plusieurs siècles: elle se trompait-, avait découvert la chambre de l'ado vide, les draps défaits. Le rapport affirmait que des traces de lutte avaient été retrouvées dans la chambre. L'enfant avait sûrement été endormi, probablement au chloroforme, et emmené dans un véhicule qui avait pris la fuite.
En ce moment-même, les chiens policiers et toute une brigade avaient été dépêchés pour retrouver le petit. Les parents espéraient une rançon, qu'ils n'hésiteraient pas un instant à payer, avait affirmé M. Sommet.

La brigade d'intervention du quartier sud se charge de remonter jusqu'aux ravisseurs grâce aux indices qu'ils ont déjà obtenu, les informaticiens essaient de localiser le téléphone du gosse, qui ne se trouvait pas dans la chambre... et moi, je suis chargée de découvrir l'identité des ravisseurs.
L'inspectrice appela son équipe et pria chacun de ses membres de se retrouver dans la salle de réunion au plus vite. Le temps de prendre tous les documents liés à l'affaire Sommet, de se refaire un café en vitesse, que tous étaient déjà dans la pièce quand elle y entra.
Ils réunirent les indices qu'ils possédaient: le relevé d'appels téléphoniques sur les portables privés et professionnels des parents Sommet, les lettres reçues au cours de ces derniers mois, les premiers témoignages des proches et une liste de tous les potentiels ennemis de la famille Sommet.
Quand leur débriefing fut terminé et que l'inspectrice sortit du commissariat pour prendre l'air, le commissaire Leblanc, qui semblait l'attendre, l'interpella.

– Les inspecteurs du quartier sud et la brigade canine ont remonté la trace jusqu'à un arrêt de bus. Le petit y aurait été emmené à pied ou en vélo. Ensuite, on perd sa trace.

– Plutôt risqué pour un enlèvement qui pourrait rapporter des millions... ne put s'empêcher la femme, fixant le fleuve qui passait non loin du commissariat.

– J'allais justement te dire qu'ils étaient futés. Les agents ont rapporté qu'ils faisaient tout pour brouiller les pistes. Impossible de savoir s'ils ont pris le bus, une voiture ou un taxi. Et tout ce qu'on sait, c'est que même le bus permet de rejoindre la gare en moins de vingt minutes. Ils ont pu prendre le train et partir n'importe où.

Elle tourna la tête vers le commissaire. Un homme dans la cinquantaine, avec des décennies d'expérience derrière lui. Au crâne chauve et à la mâchoire carrée, anguleuse. Personne n'osait discuter ses ordres.

– Ce serait stupide de leur part de prendre un train pour une destination lointaine. S'ils veulent une rançon, ils ne vont sûrement pas aller dans les grandes villes. Au contraire, il faut se cacher. Pas trop loin, si possible, à cause du risque de se faire attraper en route. Et puis, vous ne trouveriez pas louche, des hommes avec un adolescent endormi dans un train public ?

Le vent balaya les cheveux châtains de l'inspectrice, qui, mains dans les poches de son manteau, fixait le commissaire droit dans les yeux dans l'attente d'une réponse.

– Ce ne sont pas forcément des hommes. Il peut justement y avoir une femme pour la faire passer pour sa mère, ça s'est déjà vu. Mais qu'ils aient pris le train ou non, on sait juste qu'ils ont très sûrement quitté la ville.

– Je le sais, ça. Pourquoi êtes-vous venus me le rappeler ? s'enquit la femme, un demi-sourire aux lèvres.

– Toi et ton équipe avez grand intérêt à bien faire votre job. Il faut retrouver le gosse au plus vite avant que l'affaire ne soit trop médiatisée.

– ... et éviter que les amis hauts placés de M. Sommet nous tombent dessus en cas d'échec, je suppose.

– Je n'aime pas ton insolence, Vasquez. siffla Leblanc, la foudroyant du regard.

Elle eut un sourire malicieux et lui tourna le dos, marchant en direction du fleuve. Le vent claqua la photo qu'elle tenait entre ses doigts, où un gamin la fixait sans sourire, sans expression. Seuls ses yeux bleus semblaient appeler au secours.
Mathieu Sommet... lut-elle pour la énième fois sur la légende de la photo d'identité.
Vasquez rangea la photo dans sa poche, ses doigts continuant de caresser le visage de l'enfant disparu.


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Hey, je vous retrouve ici avec une nouvelle fanfiction, encore dans un nouvel univers. J'espère que l'ambiance de roman policier vous plaira.
Petite précision: J'ai appris qu'en France, le terme d'inspecteur avait disparu depuis 1995, et qu'ils ont désormais une nouvelle appellation, mais je préfère le nom inspecteur. Et n'oublions pas que cette histoire est une fiction, et que ce n'est pas forcément représentatif de la réalité ^^

En espérant que cette nouvelle histoire vous plaise,
Et à la prochaine !

Votre Étoile ~

Le temps d'un sourire [Matoine]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant