Jeudi 2 mai 2013
14h09.La voiture filait à toute allure sur une route nationale en bordure de forêt. Et même si la limite était à 90km/h, le véhicule la dépassait largement. Pied pilé sur l'accélérateur, son conducteur ne cessait de prendre de la vitesse. Il n'était plus si loin de sa destination. Sa vision était embuée et il aurait pu causer un accident à n'importe quel moment; heureusement, la route était peu fréquentée à cette heure-là. Le paysage défilait sous ses yeux: les arbres en fleurs étiraient leurs jeunes pousses vers le soleil qui scintillait haut dans le ciel, des oiseaux voletaient çà et là pour amener de la nourriture à leurs petits et même la végétation sur le bas-côté était bien garnie de feuilles et de fleurs colorées. Mais il n'y prêtait pas attention, seulement concentré sur le goudron qui filait sous les pneus et le compteur dont l'aiguille ne cessait de monter.
La route, qui partait du centre ville, s'étendait jusque dans la campagne avoisinante, pour finalement rejoindre, une trentaine de kilomètres plus loin, une autre agglomération. Elle serpentait durant plusieurs minutes dans la forêt, et longeait un ravin qui devenait de plus en plus abrupt au fil du temps.La voiture en croisa une autre dans un virage. La première allait si vite qu'il ne fallut que quelques centimètres pour qu'elle n'arrache pas le rétroviseur à la seconde. Le conducteur en excès de vitesse reçut un klaxonne qu'il n'entendit même pas. Il était déjà loin.
Il suait à grosses gouttes. Il y avait du sang sur le siège. Et sur le volant. Et encore sûrement ailleurs dans l'habitacle. Mais ce n'était pas important.
Il allait bientôt arriver. C'était tout ce qui comptait. Il continua d'accélérer, frôlant bientôt les 140km/h sur cette route en serpentins. Les troncs des arbres défilaient si vite qu'on aurait dit des barreaux qui ne cessaient de se rapprocher.
Le sang continuait de couler. Il ne pensait à rien. Il ne pensait pas. Il ignorait comment ses bras pouvaient continuer de tenir le volant avec des épaules si abîmées. Il ne voulait pas savoir. La seule chose qui comptait, c'était qu'il était sur le point d'arriver. Encore quelques virages...
Enfin. La voiture fila alors à toute allure hors de la route nationale, à l'endroit où le précipice était le plus abrupt. La barrière de sécurité explosa sous le choc et le véhicule sembla avancer encore plusieurs mètres dans le vide avant d'y plonger à la verticale.
Avant de fermer les yeux pour ne jamais les rouvrir, l'homme murmura un pardon au ciel.•••
Deux jours plus tôt, mardi 30 avril 2013,
11h43.Amélie Courtois s'affairait devant son miroir, concentrée à ajuster son rouge à lèvres écarlate. Il fallait qu'elle se dépêche si elle ne voulait pas louper le début de la séance. Elle n'était cependant pas stressée à l'idée de ne pas trouver de place: elle avait chargé un collègue de lui en garder une.
La semaine précédente avait été le festival des révélations en tout genre: entre l'annonce du mariage pour tous, qui avait mobilisé la presse pendant plusieurs jours consécutifs dans tout le pays, et les retournements de situation dans l'affaire Sommet, les journalistes n'avaient pas chômé.
Lundi, il y avait eu une mobilisation de la Manif pour Tous. Mardi, conférence improvisée de l'inspectrice, dans laquelle on apprenait que le couple Sommet avait fait subir des maltraitances à leur cadet, qui avait provoqué sa fuite, conférence qui s'était soldée par une agression que l'intervention d'Amélie avait fait arrêter. Sans oublier l'annonce de la légalisation du Mariage pour Tous dans la soirée.
Amélie se regarda une nouvelle fois dans le miroir et donna un nouveau coup de peigne à ses cheveux blonds.Mercredi, conférence de presse du Commissaire Leblanc, qui avait confirmé publiquement que Mathieu Sommet et Antoine Daniel avaient été retrouvés et étaient placés sous protection policière. Jeudi, Amélie avait été convoquée au commissariat afin de témoigner de l'agression dont avaient été victimes l'inspectrice et Arthur Franc.
Elle se remit une touche de mascara: elle devait être impeccable devant la caméra.
Vendredi, tous les journaux chargeaient le couple Sommet de violences graves, et les services de l'Enfance avaient placé le fils aîné des Sommet temporairement dans un foyer. Samedi, on filmait Yvette Daniel sortir de l'hôpital, saluant les caméras, qui ne comprenait visiblement pas pourquoi tant de monde s'intéressait à son rétablissement. L'entreprise de Sommet, elle, avait tellement dégringolé en bourse que tous les économistes s'accordaient à dire qu'elle ne pourrait jamais en ressortir indemne.
Faisant une grimace devant la glace, elle se sentit obligée d'ajouter de l'anti-cernes sous ses yeux. Cette semaine ne lui avait pas laissé une seule seconde de répit.
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Le temps d'un sourire [Matoine]
FanficLa nouvelle fait la une de tous les journaux : Mathieu Sommet, âgé de quatorze ans, fils du célèbre entrepreneur M. Sommet, a disparu. On parle déjà d'enlèvement, de rançon et de mafia du crime tandis que la police fait de son mieux pour retrouver l...