IX. L'impossible pardon

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Jeudi 11 avril 2013
14h26.

Yvette Daniel fixa le petit adolescent recroquevillé sur le matelas, caché sous sa capuche. Elle eut un petit sourire satisfait, un peu comme si elle s'y attendait.
– Oh, bonjour Mathieu.

Il y eut quelques secondes de silence, où les yeux terrifiés de l'enfant recherché se posèrent sur ceux d'Antoine, dans un appel à l'aide silencieux.

– Grand-mère... c'est p-pas Mathieu. Lui, c'est Martin. mentit-il maladroitement.

L'aînée regarda son petit-fils avec une expression lui faisant clairement savoir qu'elle n'était pas dupe.

– Antoine, j'ai la vue qui baisse et j'en suis consciente, mais j'ai encore toute ma tête.

À ces mots, elle se baissa et ramassa l'édition de La Une qui trainait sur le sol. Le visage du disparu y était imprimé en grand et elle le plaça à la même hauteur que celui du garçon en face d'elle.

– À moins que ce pauvre enfant ait un sosie parfait, ça ne peut être que lui.

Elle se tourna vers Antoine avec un petit sourire satisfait, celui d'une personne fière d'avoir raison. Après quelques secondes de silence, elle reprit, l'air soucieux:

– C'est toi qui l'a kidnappé ?

– Q-quoi ? Non ! répondit précipitamment Antoine, blêmissant.

Elle tourna le dos aux deux garçons et s'approcha de la fenêtre, passant ses doigts tremblants contre la vitre poussiéreuse. Constatant que le silence se poursuivait, Yvette Daniel se tourna à nouveau vers le disparu.

– Si ce n'est pas le cas, comment es-tu arrivé ici, petit ?

Mathieu continuait de fixer le vide, se persuadant peut-être que s'il faisait semblant de ne pas voir l'aïeule, elle disparaîtrait. Mais celle-ci se rapprocha de lui et le fixa plus longuement, le poussant à la regarder dans le blanc des yeux.
Antoine remarqua bien vite qu'elle se forçait à sourire, afin de ne pas effrayer le nouveau venu.

– Vous avez réussi à dénicher le chapeau de Grand-Père... soupira-t-elle, la gorge serrée.

Son petit-fils s'en voulut de ne pas avoir caché cet objet à son arrivée: difficile d'imaginer un Sommet porter le symbole même de ce qu'avait été son Grand-Père. Il craignit qu'elle le prenne mal, s'en offusque et l'enlève de la tête du disparu.

– Il te va bien. murmura-t-elle à Mathieu, les yeux légèrement humides, en le lui réajustant délicatement.

Yvette se redressa, passa sa main sur les étagères, son regard déviant furtivement vers leur contenu. Elle fit quelques pas vers Antoine et lui adressa un sourire compréhensif.

– Il faudrait que vous m'expliquiez comment il est arrivé ici.

Antoine regarda Mathieu qui se mordillait la lèvre, toujours reclus sur son matelas.

– Je l'ai trouvé avec les moutons samedi. Et je me suis dit qu'il serait mieux ici.

– C'est tout ? insista la grand-mère.

Le temps d'un sourire [Matoine]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant