XXI. Quand la lumière renaît

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Mardi 23 avril 2013
18h00.

Leurs pas rapides résonnaient à travers les couloirs blancs de l'hôpital. Antoine sentait bien que sa mère était épuisée, il l'avait vu dans ses yeux, et il était étonné qu'elle réussisse à courir de la sorte. Elle était si heureuse de savoir que sa mère allait bien qu'elle n'avait pas attendu une seconde avant de foncer à l'hôpital. C'était un agent de police, un lieutenant collègue de l'inspectrice, qui les y avait conduits. Durant le trajet, il n'avait cessé de souligner à quel point il était soulagé que toute cette affaire touche à sa fin. Quand Mathilde lui avait demandé s'il ne craignait pas de conséquences après avoir aidé l'inspectrice à mettre en place cette conférence de presse, il avait ri. Et il n'avait rien ajouté.
Évidemment qu'il en avait peur, comme tous ceux qui s'étaient montrés solidaires de cette action, mais ils espéraient que tout allait se passer au mieux.

Perrin et l'inspectrice étaient rentrés dans l'appartement du premier, afin de soigner Vasquez de son agression. Le journal du vingt heures avait de quoi nourrir son fil d'informations, c'était certain.

Arrivé devant la porte de chambre correspondante, il s'arrêta un instant pour laisser le temps à sa mère de reprendre son souffle. Il croisa son regard et, s'assurant que Mathieu le suivait aussi, poussa la porte.
Les occupants de la chambre d'hôpital se redressèrent brusquement. Le visage d'Yvette s'illumina quand elle vit sa fille et elle lui ouvrit les bras en guise d'étreinte. Mathilde s'y jeta et ne retint pas ses larmes. Elle explosa en sanglots alors qu'elle serra sa mère alitée dans ses bras. Olivier rejoignit bientôt le câlin collectif, les yeux humides.
Derrière eux, la téléviseur affichait les informations en direct. Mathieu avait les yeux rivés sur celui-ci, et sa contemplation interpella Antoine. On n'y parlait pas de l'affaire Sommet cette fois-ci, mais d'un sujet qui y était lié indirectement: le Mariage pour Tous.
Les délibérations de l'Assemblée Nationale allaient bientôt être rendues publiques. On voyait des images de manifestants, d'un côté comme de l'autre, attroupés dans différentes grandes rues et places de la capitale. Le son était trop bas pour qu'ils entendent quoi que ce soit et cela ne faisait qu'augmenter la tension.

Olivier attrapa la télécommande et monta le volume. Mathilde, qui s'était entre-temps légèrement écartée de sa mère, regardait également l'écran du vieux téléviseur carré à la mauvaise résolution.
Antoine sentit le regard de son père se poser sur lui et eut un d'instant de frayeur qui se dissipa bien vite: le sourire réconfortant de celui-ci lui intima tacitement tout son soutien.

– Et si ça passe pas ? chuchota Mathieu, qui se cramponnait au bras d'Antoine comme à une bouée de secours.

– Ça va passer. Ne t'inquiète pas pour ça. le rassura son cadet.

Il y eut quelques minutes de bla-bla entre un journaliste et un représentant politique d'on-ne-savait quel parti, et aucun ne prêta attention à ce qui était dit. Il y eut une vue d'ensemble de la foule, celle des drapeaux bicolores d'un côté, contre celle au fameux arc-en-ciel.

« Avec 331 voix pour, 225 voix contre et dix abstentions, le texte du Mariage pour Tous est accepté par l'Assemblée Nationale et le Sénat. » annonça alors le journaliste, soutenu par les images des délibérations dans les différents parlements.

Mathieu se mit à trembler, des larmes de joie se glissant au coin de ses yeux. Antoine l'étreignit, et les caméras filmèrent les militants qui, comme les deux adolescents, s'enlaçaient en pleurant de soulagement. Les adultes se mirent à rire, soulagés de cet heureux dénouement. Ils ne purent s'empêcher de jeter des regards amusés et attendris aux deux garçons.
Personne n'écouta qu'il faudrait encore au texte de loi passer devant le Conseil Constitutionnel. Ce n'était pas important: elle sera acceptée le 17 mai suivant, ouvrant enfin la porte aux mariages homosexuels et à l'adoption par les couples de même sexe en France.

Le temps d'un sourire [Matoine]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant