XXIII. N'oublie jamais de sourire

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Vendredi 10 mai 2013
11h34.

Le vent soufflait doucement et avait balayé les nuages de pluie qui stagnaient sur la ville quelques jours auparavant. Un soleil radieux inondait les locaux de police du commissariat, où s'affairaient tranquillement ses agents. Beaucoup pensaient déjà à leur week-end, et une ambiance détendue, presque joviale, régnait dans les couloirs du poste.
L'orage était passé. L'affaire Sommet était classée depuis quelque temps, et on n'en parlait déjà plus. Finalement, on pouvait même douter des répercussions qu'elle était censée avoir: on avait annoncé la chute de la société S.Sommet comme un apocalypse certain, et pourtant, moins d'une dizaine de jours après la fin de l'affaire, les journaux n'en parlaient presque plus. Qui se souciait encore de l'avenir des employés licenciés avec la faillite précipitée de l'entreprise ? Il y avait tant d'affaires, tant de nouveaux faits divers, ici ou ailleurs, bien plus palpitants que la misère des petites gens. L'opinion publique s'en était occupée trop longtemps, jusqu'à se lasser.

Quand la fin de l'affaire avait véritablement avait été annoncée, l'inspectrice Vasquez avait failli remettre sa démission. L'enquête avait en effet mis en lumière tant de spéculations et de scandales, pour certains avérés mais d'autres non, qu'elle s'était sentie responsable de ceux-ci. Mais le commissaire Leblanc l'en avait empêché. Elle était un trop bon élément de leur équipe, avait-il assuré. Elle ne méritait que des honneurs pour ses actions, qui avaient mené au triomphe de l'enquête, d'après lui.
Le jour suivant, il l'avait réveillée à quatre heures du matin pour aller faire une patrouille dans un quartier agité. Chacun avait ses moyens de se montrer reconnaissant, et dans le cas de Leblanc, on était sur du très court terme.

– Et pour le gamin, ça va se passer comment en fin de compte ?

Vasquez releva la tête pour répondre à son collègue, le lieutenant Tullier. Ils étaient devant les machines à café, et, comme toujours, elle attendait le sien. Elle avait tenté de se défaire de la caféine, mais son addiction persistait. Sur les conseils de Perrin, elle se contentait d'une dose légère.

– C'est encore un peu flou. répondit-elle finalement, ayant attendu que le bruit de la machine se soit arrêté pour parler. Disons qu'il est censé être placé en famille d'accueil, mais la recherche d'un environnement adapté est assez difficile.

Si on pouvait éviter de le placer dans une famille fan de Christine Boutin, c'était déjà pas mal. Il lui fallait un espace où il se sentait en sécurité, libre d'être soi-même. Et où il pouvait apprendre à se remettre de ses traumatismes.
Comme la famille des Daniel, par exemple. Il était évident que c'était une idée que tous s'étaient imaginés, mais ils doutaient que les services de l'enfance soient enthousiastes à l'idée de laisser Mathieu dans une famille qui avait eu autant d'importance dans l'affaire.

– Ouais, on espère au moins qu'il ira mieux. soupira Tullier. Et sinon t'as vu ce qui s'est dit à l'assemblée générale des employés et des syndicats hier soir ?

Ils se tutoyaient, désormais. L'affaire en avait rapproché plus d'un.
Vasquez secoua la tête, curieuse.

– Ils ont décidé de fonder une coopérative grâce à leurs connaissances qu'ils avaient acquises en étant à S.Sommet. D'après ce que j'ai compris, ils vont continuer dans l'alimentation, en développant plein de petites boutiques en vrac, voire des petits restaurants qui seraient tous liés entre eux. Le tout sans patron. Enfin bon, ça a l'air vachement intéressant.

– Complètement ! C'est génial qu'ils décident de faire ça aussi vite. Tu as vu ça où ?

– À l'assemblée générale, justement. C'était ouvert à tout le monde. Sérieusement, ça m'intéresserait même de m'impliquer à un moment donné.

Le temps d'un sourire [Matoine]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant