Le temps d'un sourire [Matoine]

XVIII. Je vous protégerai

« Sortant enfin de la brume, quittant l'anonymat et les ombres dans lesquels il s'était jeté, il s'arrêta devant eux et enleva lentement sa capuche.
– Bonjour Mathieu. lança l'inspectrice Vasquez avec une voix émue.
Elle se tenait debout à une dizaine de mètres de lui, accompagnée de son collègue et d'Arthur Franc non loin derrière elle.
Mathieu prit une grande inspiration et hocha la tête en guise de salutation. Puis il s'avança vers eux, avec la détermination de quelqu'un qui n'a plus rien à perdre. »

Lundi 22 avril 2013
12h04.

Antoine était sorti à son tour de sa cachette, tout tremblant, les joues encore rosies par la gêne. Il n'osait pas regarder Mathieu et fixait le sol tout en se mordant les lèvres. Il relevait de temps à autre rapidement la tête pour observer rapidement les trois adultes avant de la redescendre tout aussi vite.

– On est tellement heureux de vous avoir trouvés. souffla l'inspectrice.

Elle avait une voix douce, sûrement plus qu'à la normale, pensa Antoine. Elle devait faire tout son possible pour ne pas les effrayer. Tout n'était pas non plus feint: elle avait un air sincèrement honnête, et la brillance dans ses yeux n'était pas simulée.

– Comment vous voulez vous y prendre pour changer le cours de l'affaire ? demanda Mathieu avec une froideur qui lui donnait un air plus âgé que ses quatorze ans.

Antoine observait le petit groupe du coin de l'œil, la tête toujours à moitié baissée, comme de peur qu'on ne l'interroge. À quelques mètres de lui, Mathieu se tenait bien droit et fier, le visage fermé. Il n'avait pas l'air d'avoir croisé le regard d'Arthur, concentrant son attention sur les deux policiers, et particulièrement l'inspectrice.
Le faisait-il intentionnellement ? Peut-être craquerait-il s'il regardait les yeux clairs et larmoyants d'Arthur. Ce dernier avait un visage si expressif qu'il aurait pu émouvoir n'importe quel insensible. Dans ce sens il ressemblait à Mathieu, une fois la façade de bravoure franchie.

– Il va falloir se rendre à la ville. C'est depuis là que tout se jouera: les témoignages, les rapports. À partir de ça, on pourra reconstruire ce qui s'est vraiment passé.

Les yeux d'Antoine se reportèrent sur Mathieu pour tenter de déceler une émotion sur son visage: impassible.

– Les Daniel vont-ils être chargés de quoi que ce soit ? demanda alors le fugueur.

– Normalement pas. Il est difficile de prévoir les décisions des juges évidemment, mais une fois les preuves collectées, ils devraient tous être innocentés.

La policière avait insisté sur tous, jetant un coup d'œil rapide à Antoine, comme pour le rassurer qu'il ne lui arriverait rien.

– Très bien. fit Mathieu. Nous vous suivrons avec notre véhicule.

Antoine aperçut la mine interrogative du rouquin derrière l'inspectrice, visiblement curieux. Il croisa les yeux de son ami qui lui intimèrent silencieusement d'aller chercher leur bécane.
Le garçon acquiesça et revint une minute après, poussant leur side-car avec précaution sous les yeux médusés des adultes.

– On vous suit. lança Mathieu.

Ces mots conclurent leur échange, et il ne leur fallut qu'à monter dans leurs véhicules respectifs pour entamer leur voyage vers la ville.

•••

12h26.

Perrin était au volant, cette fois-ci, puisqu'il avait été désigné comme le chauffeur le plus doux de leur groupe. Les deux hommes avaient surtout peur qu'avec la conduite de Vasquez, ils ne perdent les garçons. L'inspectrice s'était gardée de tout commentaire, mais ils étaient persuadés qu'elle le leur ressortirait dès que possible pour reprendre le volant au plus vite.
Arrivés à hauteur du paysage urbain, ils se rendirent compte avec souci que le trafic était perturbé. La radio locale leur indiqua qu'il s'agissait d'une manifestation, au centre-ville, et qu'elle avait eu des répercussions sur la circulation de tout le secteur urbain.