Lundi 15 avril
9h32.Les produits défilaient, sagement emballés dans leurs cartons, étiquetés chacun de la même manière, jetés sans ménagement dans d'immenses caisses afin d'être ensuite transportés par les camions livreurs. Les employés s'attelaient à leur tâche, répétant des gestes mécaniques autour de la chaîne de production des denrées alimentaires. À la manière des Temps Modernes de Charlie Chaplin, chacun effectuait un travail précis et répétitif, à la différence qu'ils changeaient de poste toutes les semaines. De cette manière, chaque travailleur était polyvalent, et évidemment, interchangeable. Si l'un se faisait licencier, un autre pouvait le remplacer sans problème. Les groupes de travail étaient amovibles à volonté, évitant de cette manière de créer des liens trop forts entre les employés. Tout était méticuleusement préparé pour briser un quelconque mouvement syndical. La société S. Sommet fonctionnait ainsi.
– Mathilde !
L'interpellée releva la tête. Coiffée de sa charlotte transparente, obligatoire à cause des normes d'hygiène, la femme était plongée dans la correction de l'étiquetage d'un produit.
– Lucas ? lança-t-elle en reconnaissant un de ses collègues également syndiqué.
Le trentenaire accourut vers elle et vérifia brièvement si un supérieur ne se trouvait pas dans le hangar. Exceptionnellement, elle se trouvait seule dans cette salle, gérant la petite machinerie et ce qui y rentrait et sortait. Son collègue essuya la sueur qui perlait à son front et finit par lâcher:
– Les actions de SS ont chuté de 35% !
SS. C'était le nom que la plupart des employés donnaient à l'entreprise, peut-être parce que cela diabolisait un peu plus son patron.
– Comment ça ?
– La police a fait une déclaration publique il y a une heure. Franc est innocent, SS a menti sur toute la ligne. Les actionnaires se barrent les uns après les autres.
Mathilde leva les yeux, ne sachant pas si elle devait être exaspérée ou en colère. Elle était trop fatiguée pour s'énerver et poussa un long soupir.
– Et qui c'est qui va récolter la merde qu'ils sèment ? C'est nous ! Super... On peut s'attendre à voir notre salaire être amputé d'ici la fin du mois.
Son collègue la regarda, plissant les lèvres dans une moue de résignation.
– C'est que la première vague, hein ? demanda-t-elle. Les premiers actionnaires vont entraîner une panique générale et d'ici la semaine prochaine, on aura chuté sous les cinquante pour-cent...
Lucas hocha tristement la tête et passa son bras autour des épaules de sa collègue.
– Je suis désolé, Math'.
– Donc pas de manif et pas de grève à cause de l'enlèvement... chute des actions à cause des conneries de SS... j'ose même pas imaginer la prochaine étape.
Elle arrêta la chaîne automatique des produits qui circulait devant elle, n'arrivant plus à se concentrer. Elle s'appuya contre le poste de commandes, tête basse.
– Mais quel abruti s'est dit qu'enlever le fils de Sommet était une bonne idée... ?
– Certainement pas un des nôtres. Il aurait su que ça n'aurait eu que des mauvaises conséquences pour les employés.
Au moment où ils disaient ça, le son inhabituel de chaussures à talons résonna dans l'annexe de l'usine. Les deux collègues se retournèrent et firent face à la personne qui avait déclaré Arthur Franc innocent: l'inspectrice Vasquez, accompagnée de deux autres agents.
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Le temps d'un sourire [Matoine]
FanfictionLa nouvelle fait la une de tous les journaux : Mathieu Sommet, âgé de quatorze ans, fils du célèbre entrepreneur M. Sommet, a disparu. On parle déjà d'enlèvement, de rançon et de mafia du crime tandis que la police fait de son mieux pour retrouver l...