Jean.
Un matin de juin, alors que le soleil était levé depuis plusieurs heures déjà, sa mère est entrée dans sa chambre. Elle a froncé les sourcils, a regardé les livres ouverts qui s'étalaient jusque sur le plancher, a soupiré, puis l'a regardé lui, et a dit qu'il devrait prendre l'air.
« Ça te ferait du bien. Pourquoi ne lis-tu pas sur la plage ? Il fait beau aujourd'hui. »
Il a hoché la tête, a rentré les épaules, a jeté un œil terne à la fenêtre ouverte, a vu dehors les rayons qui traversaient les nuages, a refermé les yeux. Il a murmuré qu'il allait le faire, qu'il allait bouger.
Sa mère lui a souri, du même sourire triste qu'elle fait lorsque qu'elle parle de lui à ses amies. Une sorte de rictus résigné et contraint, comme une formulation d'usage, une façon de se justifier, de dire j'ai fait tout ce que j'ai pu.
Il a détourné la tête, a refusé de voir ce qui était là, sous ses yeux. Sa mère est sortie sans refermer la porte. Il est resté allongé encore un peu, le corps en étoile au milieu du lit, la tête vide, la tête pesante, la tête pleine de phrases abrogées, et le coeur pleurant dans un sanglot silencieux.
Il était triste de la vie.
Puis la musique a sonné comme un rappel à l'ordre. Il a regardé l'écran de son téléphone, éclair bleu sur ses yeux fatigués, et c'était Beach House qui jouait dans ses oreilles.
Il s'est dit qu'il était temps.
Il a pris Le Passeur, a caressé d'un geste doux sa couverture plastifiée, est descendu dans le salon, n'a pas vu sa mère au téléphone, l'a seulement entendue, est parti en refermant la porte sans bruit.
Dehors, la chaleur l'a happé. Le bitume ondulait comme un mirage le long de la route sans voiture ; et tandis qu'il avançait dans son quartier résidentiel, traversait les pelouses mystérieusement vertes, il inspira l'odeur chaude et pressée qui traînait partout.
Une odeur de métal fondu, d'herbe sèche et craquelée, de fleurs fanées, de crème solaire et de mer calme, juste avant l'orage.
Car il faisait tellement lourd qu'il n'en doutait pas : le tonnerre serait là avant la nuit.
VOUS LISEZ
Les Invincibles
RomanceIl a suffit d'un soir d'été, d'un serveur absent et d'un livre à la couverture bleue pour que deux âmes se trouvent.