IX.

722 130 4
                                    

Jean.

Il relut le message seize fois, en apprit chaque mot et chaque ponctuation par coeur, le répéta à voix haute, à voix basse, dans un souffle, sous la douche, dans sa tête, dans son coeur sans que jamais il ne se lasse des mots qui tourbillonnaient sur l'écran.

« Je suis le serveur du restaurant.
Je suis ravi que tu sois mon Nicolas, Jean.
Axel. »

Et c'était tout.
Mais c'était déjà un message, une chance, une opportunité, parce que parfois certaines choses inattendues gardent une saveur d'inconnu et qu'on les remarque alors, sublimes, révélées par l'éclat fragile d'une rencontre.

Jean a souri. Il a posé le téléphone sur son coeur, et l'idée de retourner au restaurant, de croiser ce serveur l'a effleuré. Mais le courage soudain s'est effacé et l'idée s'en est allée. Il s'est rassît sur son lit défait, s'est laissé tomber en arrière, a regardé le plafond.

Il n'est pas retourné à la crique, n'est pas sorti de la journée, mais il s'est posté devant la fenêtre, le regard au loin, un pinceau dans les mains et le ciel comme compagnie. Quand il a jugé que ce qu'il avait fait lui plaisait, il a nettoyé le pinceau, a rangé la peinture, a contemplé la toile et s'est demandé quand savoir si une œuvre était finie.

Quelque part, loin de là, un jeune homme encore vêtu d'un tablier regarda son téléphone et n'y trouva qu'un message de son père.

Mais le ciel se voilait déjà, alors il a pris la toile, l'a accrochée sur son mur blanc avec les autres qu'il avait faites, a jeté un coup d'œil sur son bureau encombré.

Son téléphone était toujours allumé et il voyait sa lumière qui luisait dans la pénombre de sa chambre. Il le prit, écrivit rapidement en se mordant les lèvres, et envoya avant de regretter sa témérité brusque et insouciante :

« Qui es-tu ?»

Puis il se dit qu'il aurait lui-même bien du mal à répondre à cette question.

Les InvinciblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant