XII.

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Axel.

Il est sorti devant le restaurant, là où le sable se répandait partout, grimpait sur les murs, s'échouait dans les coins, et parfois, quand les vents balayaient les grains minuscules, il semblait qu'un long rideau d'or glissait dans le ciel.

Il avait besoin de ces quelques secondes, de ces instants précieux, avant l'aube, lorsque tout est calme et avant que, bientôt déjà, le soleil se lève et entraîne avec lui les clients.

Le ciel était clair. Il se sentait seul et était triste de l'être. Il distinguait, tout au bout, un petit bout de soleil. L'aube était là. Nue, vulnérable, solitaire, et pourtant irrévocable. Il éprouva une grande mélancolie, et toujours en regardant la mer qui se teintait de jaune, pensa aux matins brumeux de sa campagne, quand les champs se parsemaient de gris et que son père disparaissait dans son tracteur.
Il soupira, s'appuya un peu plus contre le mur, le sentit craquer, et il se souvint, dans un dernier sursaut, les craquements du bois humide dans la cheminée, et le rougeoiement des flammes qui lèchent la vitre pour s'élever plus haut.

Alors qu'il se décollait du mur pour rentrer à l'intérieur et commencer son travail, il remarqua une silhouette qui se détachait de l'eau. Il la regarda longtemps parce qu'il pensait qu'elle allait se noyer. Mais la silhouette était sereine, et remontait tranquillement jusqu'à la plage en effleurant les vagues du bout du doigt.

Enfin elle sortit, se hissa hors des vagues avec une énergie inespérée, se retourna quelques secondes pour admirer le lever du soleil, sourit furtivement, et repris sa route. À chaque pas, de l'eau coulait sur ses jambes et mouillait le sable clair.

Ce n'était plus une silhouette désormais, mais un homme, un adolescent peut-être. Axel attendit encore qu'elle s'approche de quelques pas, et quand elle le fit, son visage s'éclaira d'un rayon inespéré.

C'était Jean. Et il ressentit un étrange pincement au cœur.

Soudain, alors qu'il était à quelques mètres de la mer, il releva la tête. Et ses yeux bleus, perçants, sauvages et indomptés, rencontrèrent la surprise de ceux d'Axel. Il détourna rapidement la tête, d'abord parce qu'il était gêné, et ensuite parce que son patron venait de l'appeler depuis la cuisine.

Il lui jeta un dernier regard, comme une excuse de partir si vite, de ne pas rester, de ne pas l'attendre, de refuser cette rencontre qu'ils attendaient tous les deux, et vit avec la douceur d'un mirage le sourire qui flottait sur ses lèvres.

Et quand il entra, souriant lui aussi, le corps gorgé d'une tendre émotion, il pensa à ces deux yeux bleus qui appelaient les siens.

Et son cœur, doucement, devient moins amer.

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