X.

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Axel.

Il n'a pas répondu. Il sentait, au fond de lui-même, qu'il était préférable de réfléchir à une réponse sensée et cohérente, à quelque chose de surprenant, quelque chose qui le définirait, qui refléterait la richesse de son esprit, plutôt qu'une vague phrase impersonnelle et dépourvue d'intérêt.

Il a passé son jour de congé à arpenter la campagne derrière la ville. Un vent marin parcourait les champs d'herbe brulée par le soleil, vaste étendue ocre qui s'étendait jusqu'à l'horizon.

Les plantes rases et sèches râpaient ses mollets découverts en cette chaleur d'été. Le soleil brillait haut au-dessus de lui. Il faisait lourd et moite. Sans le vent qui venait le rafraîchir comme une caresse, il ne serait pas sorti. Les nuages, gros et lourds, parcouraient lentement le ciel, pachydermes massifs qui bientôt exploseraient en un orage puissant.

Il rentra pour manger, s'endormit et se réveilla à la nuit tombée. Il contempla le coucher du soleil, rouge et flamboyant, depuis la fenêtre du salon. La grand-mère qui l'hébergeait lui demanda de faire le repas, en ajoutant avec un sourire ridé :

«Tu cuisines si bien, mon grand ! Il faut bien qu'on profite de t'avoir, avant que tu repartes.»

Il répondit qu'il restait encore pour deux mois, et la vieille femme haussa les épaules sans cesser de sourire.

Mais plus tard, alors que les autres locataires débarrassaient la table et faisaient la vaisselle, la grand-mère s'éloigna. Axel la suivit.
Elle s'assit dans le grand fauteuil où autrefois s'asseyait son mari, sortit une cigarette d'un paquet qui trainait sur la table basse, l'alluma et la fuma. Il s'assit près d'elle, dans un canapé immense qui pouvait tous les contenir sans qu'ils ne soient serrés.

Il attendit qu'elle parle, habitué à attendre parfois longtemps pour qu'elle n'ouvre la bouche et en sorte une de ses vérités placides, souvent amères, sur la vie. La cigarette se consumait inlassablement. À la cinquième bouffée, elle murmura :

« ー La vie est éphémère, mon grand. Deux jours, cinq mois, vingt ans, tout est relatif. Fais attention en traversant la route. Mon mari ne l'a pas fait et regarde où il en est maintenant.

ー Je serais prudent. C'est promis. »

Ses lèvres craquelées se sont étirées d'un sourire morne, un sourire résigné, un sourire fatigué, où l'on percevait les regrets et la rancœur qui l'animaient encore parfois, lorsqu'elle se rendait sur la tombe du seul homme qu'elle ait jamais aimé.

Le temps répare tout,
mais le temps est long.

Les InvinciblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant