IV.

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Axel.

L'air était frais et doux lorsqu'il sortit de la maison. Il partageait, chaque été où il venait aider au restaurant, la maison d'une vieille dame avec deux autres jeunes adultes. L'un était un garçon grand, musclé, athlétique, au regard sauvage et impétueux. L'autre était une fille à la peau si blanche qu'on voyait ses veines, aux yeux verts et aux silences respectueux.

Les gens changeaient souvent, et il s'en accommodait sans y porter une grande importance. Les choses étaient ainsi. Il avait un toit, était nourri, et écoutait quelques soirs les histoires de la grand-mère qui les contait de sa voix de parchemin.

Elle s'appelait Annie. Il avait trouvé que c'était un joli nom, le lui avait dit, et c'est peut-être à partir de là qu'ils ont réellement crée un lien.

Le soleil se levait au loin, et les nuages roses se déplaçaient lentement, cargo de coton et filaments, masses épaisses et fluides qui dévoilaient par un endroit un bout de ciel d'un bleu pur.

Il avait pris ses écouteurs cette fois-ci, et il écoutait Alt-J avec la sensation d'être seul et d'aimer l'être.

Il pensa à Adeline, celle de la chanson. Il ne comprenait pas vraiment les paroles, parce qu'il n'était pas très fort ni intéressé par les langues, et qu'il restait intimement persuadé qu'on n'était pas obligé de comprendre une chanson pour la ressentir. Lui, il aimait l'instrumental, les rythmes, les mots, les timbres, chaque particularité dans son ensemble. Il était attentif au moindre son, à la moindre alternance entre les notes ; si bien qu'il redécouvrait sans cesse les chansons d'une façon différente, et cela lui semblait la manière la plus belle de les écouter.

Quelqu'un était déjà dans le restaurant et avait allumé les lumières de la grande salle. Il entra discrètement et trouva, debout et une serpillère dans les mains, la serveuse qui avait fumé avec lui la dernière fois. Il la salua, elle aussi, et il partit se préparer.

Quatre heures plus tard, il criait dans la cuisine, coupait, éminçait, positionnait, replaçait, cuisait, chauffait, transpirait ; il donnait tout, chaque pensée, chaque instant de concentration allait vers sa cuisine et la façon dont ses plats seraient mangés.

Il ne resta pas longtemps, était dispensé du service de la soirée. En traversant la grande salle, la serveuse qui s'appelait Eléonore (il s'en rappellait maintenant, elle lui avait dit le premier jour) l'arrêta et lui dit que les clients avaient beaucoup aimé ses desserts.

Alors il a souri, d'un sourire grand, d'un sourire vrai, d'un sourire qui éclairait ses yeux et tout son visage, d'un sourire qui réconforte et qui donne envie de voir le soleil se coucher sur la mer en osant dire toutes les choses qu'on a pas le courage de prononcer.

Eléonore a souri aussi, avec ses dents de travers, elle a souri parce qu'il lui a semblé que l'instant était devenu plus beau, puis Axel l'a remercié, Axel s'en est allé, mais en passant, Axel a vu ce garçon qui marchait sur la plage, dos à lui et un autre livre à la main.

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