XX.

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Axel.

Leurs rendez-vous n'ont pas cessé. Lentement, jour après jour, ce qui était une hésitation devient un rituel. Lentement, jour après jour, ils se parlent et s'écoutent, ils se voient et se rencontrent, ils se découvrent et se connaissent.

Mais, alors que l'ordre des choses est installé, stable et régulier, mais encore revigorant de la fraîcheur de la nouveauté, que leurs mains doucement se rapprochent, l'absence de Jean un soir perturbe l'équilibre, la fine ligne de confiance qu'ils bâtissaient ensemble, tous les deux, à la force de leur espoir.

Seul devant le restaurant, les yeux posés sur les vagues et le soleil qui disparaît, fouillant l'ombre, creusant l'obscurité, espérant dans les ténèbres, le corps en alerte, son visage se tourne vers chaque silhouette, puis les vacanciers disparaissent, s'éloignent, désertent la plage, il reste seul sur le sable, son cœur est lourd comme une pierre, et il le sent s'écraser à ses pieds, s'enfoncer dans les grains infimes et infinis, allant toujours plus au fond de sa peine.

Soudain, il y a une présence à ses côtés. Il relève la tête, ses yeux sont brillants, c'est lui ? Mais il ne trouve qu'Eléonore qui allume une cigarette, la flamme éclaire ses yeux, elle ne le regarde pas, elle ne le regarde plus, et elle souffle dans l'air paisible la fumée légère, qui s'évapore en un instant vers le ciel.

Jean n'est pas là.

Son cœur coule entre les grains de sable.

Eléonore ne lui parle pas. Parfois, ses yeux dérivent vers lui, mais il préfère contempler la mer, si tranquille, si calme, si indifférente à sa tristesse. Puis, lorsqu'elle a fini sa cigarette, elle expire une dernière fois, jette le mégot éteint dans un cendrier, pose sa main sur son épaule, souffle doucement parle-lui, Axel, qu'est-ce que tu attends ?, et son ombre s'évanouit dans la lumière de la salle.

Pourtant, il n'a pas le courage. Pas encore. Il n'a pas honte, non, ni de la nuit où leurs mains et leurs yeux se sont accrochés, ni des mots qu'il lui a dit. Mais peut-être, juste un peu, qu'il espère trop grand et que ça lui fait peur.

Alors il quitte la plage, rentre dans les cuisines, reprend le travail, ne pense plus à rien d'autre que ce qu'il doit faire, s'applique et fait de son mieux, avec dans son cœur le souvenir de la tiédeur d'une paume.

Les InvinciblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant