Jean.
Il pleuvait si fort dehors que c'était comme si le ciel tombait en torrents rapides et immenses. Les gouttes d'eau fendaient les nuages avec la lumière d'un éclair, et s'éclataient sur le sol dans une grande explosion silencieuse. Tout était sombre, et depuis sa fenêtre, seul le point lumineux et jaune du réverbère était visible dans l'obscurité.
Il était seul. Il n'avait pas lu aujourd'hui. La pluie durait depuis le matin, parfois elle s'arrêtait, laissait passer un rayon de soleil chaud et brillant, puis le recouvrait de nuages, faisait de lui un souvenir, et déjà les rues étaient trempées de nouveau, et déjà des flaques d'eau s'amoncelaient sur les trottoirs, et déjà tout redevenait noir.
Il avait peint un peu. Il aimait ce qu'il faisait, et même s'il ne le montrait à personne, il savait que ce n'était pas mauvais. Parce que ça venait de son cœur, et que son pouvoir était puissant. Et si ça n'était pas bon tout de suite, alors il recommencerait. Il n'avait peut-être pas le talent, mais il aurait la patience.
Il écoutait les bruits de la maison. Sa mère était dans le salon. Il entendait, comme si elle était très loin, le bruit de ses pas et des voix dans la télévision. Le raclement d'une tasse, le froissement de la couverture, un soupir sur un thé chaud, les mains qui se glissent contre la poitrine, le battement des cils, les yeux fermés, le souffle lent, le cou qui craque doucement en se reposant contre le dossier, la lutte invisible, un clignement, le dernier, et le frémissement de ses lèvres. Sa mère s'était endormie. Dehors il faisait nuit. Et le réverbère éclairait la rue et l'intérieur de sa chambre.
Et son téléphone vibra.
Il l'entendit tout de suite. Le son avait été étouffé par les draps, mais tout était perceptible dans l'empire du silence.
Il y avait un message. C'était Axel. Il avait répondu.
Jean l'attrapa d'une main fébrile. Il se sentit bête d'être aussi ému, puis il se dit que ce n'était pas si grave, et qu'il avait le droit.
Axel n'avait pas répondu à sa question. À la place, il avait marqué une simple phrase, et dans les ténèbres du soir, elle ressortait violemment sur l'écran bleu.
« Au royaume des aveugles, le borgne est roi. »
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Les Invincibles
RomanceIl a suffit d'un soir d'été, d'un serveur absent et d'un livre à la couverture bleue pour que deux âmes se trouvent.