Jean.
La lune est haute, ronde et brillante. Le ciel est dégagé ce soir. L'air est chaud. Peut-être qu'il y aura un orage demain. Il pense brièvement qu'il aimerait bien voir les gouttes de pluie s'écraser sur la fenêtre, en troublant le chaos qui rugirait dehors.
À côté de lui, près, si près, se tient Axel. Leurs mains se frôlent parfois, et personne ne dit rien.
La rue est vide. La ville aussi. Tout semble endormi, immobile, tapi dans l'ombre. Ils sont seuls, les deux garçons qui marchent dans les ténèbres jusqu'au prochain lampadaire, puis ils arrivent devant un porte, ils s'arrêtent, ils se regardent, les deux garçons ne bougent plus, bientôt ils se fondront dans le sol s'ils restent aussi statiques.
— C'est ta maison ?
Un hochement de tête. Il ne veut pas troubler le silence de la nuit. Pourtant, parce que ça lui paraît important, il souffle lentement de sa voix qui raconte :
— Merci pour aujourd'hui. C'était vraiment bien. C'était comme, tu sais, une rupture avec la réalité. Ça fait du bien au cœur.
Et alors, comme un miracle, Jean a dit les pensées d'Axel, calmement, posément, sans s'en rendre compte. Il sourit, ne répond pas. Il n'a plus rien à ajouter après des mots aussi beaux. Alors il laisse la nuit parler pour lui.
Jean est resté à ses côtés. Il pourrait monter les marches du perron, lui souhaiter une bonne nuit, rentrer, refermer la porte, disparaître. Mais il est reste, là. Leurs mains continuent de se frôler. Un souffle de vent caresse leurs bras nus, puis s'évanouit. Soudain, parce que même si Axel n'a pas les bons mots, il a les bons gestes, et il prend délicatement, comme une hésitation, une demande silencieuse, la main de Jean.Sa paume est chaude et sèche. Jean ne la retire pas. Il s'est tourné vers Axel, et il est troublé par son regard, si bleu, si grand, par ses yeux qui ne sont pas gênés, qui semblent s'illuminer, Jean a un sourire au coin des lèvres, il a l'air heureux, son pouce caresse une des phalanges de la main d'Axel, et il pense que c'est encore plus doux que le vent.
Puis, sans rien ajouter que son sourire, Jean le regarde une dernière fois, serre sa main, puis la relâche, s'en éloigne, gravit les deux marches, là il se retourne, il croise le regard d'Axel, ses yeux inquiets, alors il le rassure, il dit je serais là demain, sur le sable, vers le restaurant, puis il attrape la poignée, mais avant d'ouvrir la porte il ajoute merci, Axel, puis il disparaît, tandis que sa voix flotte encore dans la nuit.
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Les Invincibles
RomanceIl a suffit d'un soir d'été, d'un serveur absent et d'un livre à la couverture bleue pour que deux âmes se trouvent.