18 ~ Bêtes.

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Un meilleur ami dans le coma. Une fille super lourde qui contrôlait littéralement le moindre de vos faits et gestes. Ouais, il y avait de quoi perdre un peu le contrôle de soi...

Jonas s'était engagé dans le couloir d'un pas rageur, vers je ne savais quelle direction, mais la couleur de ses pensées me fit comprendre qu'il fallait mieux que je laisse tranquille, dans tous les sens du terme. Ainsi, je me rétractai dans mes propres pensées, avec une petite boule au ventre. Je voulais vraiment l'aider, mais honnêtement, je n'avais aucune idée de comment faire. Je me sentais si impuissante... Apparemment, s'il y avait une chose que j'étais désormais capable de faire, c'était de contrôler son corps par la pensée. Youpi, voilà qui était vraiment joyeux pour l'aider à surmonter le fait terrible qui était que son meilleur ami oscillait entre la vie et la mort!

Ainsi, je restai donc assise sur ma chaise d'hôpital, dans le couloir, seule. Après avoir remarqué que le wifi était malheureusement payant, je décidai tout de même de me dégourdir un peu les jambes et descendis dans le hall du bâtiment dans l'espoir d'y trouver quelque chose à grignoter. J'y aperçus en effet un truc qui ressemblait à un distributeur snack mais en m'approchant, je remarquai l'indication "Hors-Service" placardé dessus.

"Fais chier! pestai-je en envoyant un coup de pied dans l'engin.

— Euh excuse-moi? demanda une petite voix au même moment."

En me retournant, je découvris une fille élancée à la chevelure brune et aux yeux en amande. Son air totalement perdu ne gâchait en rien sa beauté évidente et naturelle.

"Tu es dans mon lycée non? m'interrogea-t-elle alors. Je suis Arielle, je cherche mon copain, Jonas. J'ai appris que son meilleur ami venait d'avoir un accident, je suis venue dès que j'ai pu et... Tu ne l'aurai pas vu par hasard? Tu sais, un brun pas très grand aux tâches de rousseur et aux yeux bleus..."

Je sais très bien à quoi ressemble ton petit-ami jeune fille. Et oui, j'ai vu cette triple andouille partir dans le couloir Nord comme s'il allait niquer des mères. Je serai toi j'irai pas trop traîner dans ses pattes, il est plutôt violent en ce moment.

"Hum, il me semble l'avoir vu au premier étage, mais je ne sais pas vraiment où est-ce qu'il est passé...

— Merci beaucoup!"

Et dans un tourbillon de cheveux, Arielle s'en fut. N'ayant pas vraiment envie d'assister à leurs retrouvailles, je décidai de ne pas la suivre tout de suite, et déambulai sans but dans la grande bâtisse à travers cette danse constante de brancards et brancardiers, de patients délirants et de femmes en pleurs. Quand cette ambiance m'eut encore plus foutu le moral dans les chaussettes qu'il ne l'était déjà, je finis par gravir les marches menant au premier étage. Arrivée sur le palier, je m'arrêtai quelques instants pour prendre la précaution d'ouvrir mon esprit à la recherche de la couleur de celui de mon Âme Jumelle, histoire de tâter le terrain pour voir ce qui m'attendait. Je compris rapidement que tout allait plutôt bien; Bayron Père et Mère étaient là, et Jonas était avec eux, aux côtés de son meilleur ami. Arielle, quant à elle, attendait à l'extérieur.

Quand le médecin pria la petite troupe de bien vouloir sortir afin qu'il puisse procéder aux examens, la jeune fille se précipita vers son amour. Elle le prit aussitôt dans ses bras, l'assaillit de questions et de caresses. Mais Jonas était sous le choc. Secoué. Toute la rage qui l'avait habité plus tôt avait disparut. Il n'en revenait tout simplement pas d'avoir vu son ami ainsi, étendu dans son lit d'hôpital, le teint pâle et des tuyaux de toutes sortes le reliant à des machines étranges qui semblaient le maintenir en vie tant bien que mal. Alors, il s'était laissé faire, s'asseyant aux côtés de sa copine tandis que celle-ci lui caressait affectueusement le crâne tout en essayant de lui arracher quelques mots, sans succès.

"Je te comprends tellement mon cœur, lui dit-elle, je suis avec toi, tu le sais n'est-ce pas?

— Tais-toi, répondit-il platoniquement.

— Pardon? rétorqua-t-elle doucement étonnée, pensant avoir mal entendu.

— Tais-toi! répéta-t-il plus fort. Tais-toi, non tu ne comprends pas, et même si tu es là, ça change rien bordel!

— Mais... Jonas... répliqua la brune, les larmes lui montant aux yeux."

Devant l'absence de réaction de son compagnon qui avait les traits fermés, elle se leva alors et partit d'un pas pressé, sans doute très blessée par ces paroles. Moi derrière ces paroles, je comprenais surtout que Jonas ne voulait pas être seul. Paradoxe?

Après quelques instants, je pris donc l'ancien siège de sa copine et m'installai à ses côtés en lui tendant une bouteille d'eau qu'il prit sans un mot. Il avait soif. Je le savais. Et il savait que je le savais. Ainsi, je n'avais pas besoin de lui demander si je pouvais rester. Je connaissais déjà la réponse.

"Elle comprendra?

Je pense. Après tout c'est pas si compliqué...

Parle pour toi!"

Comme précédemment, nous partagions de nouveau les mêmes pensées, nos émotions et sentiments se mélangeant pour former un tout confus. Je ne sais pas combien de temps nous restâmes ainsi avant que nous soyons de nouveau autorisés à rentrer dans la petite chambre exiguë. 

Elsa... Tu pourrais m'accompagner?

Sans un mot, je me levai et le suivis. Posté près du lit, la tête et les yeux baissés vers son ami, Jonas ne cillait pas. Pas même quand je posai une main sur son épaule. Pas même quand des gouttes salées commencèrent à cascader le long de ses joues.


Je ne savais pas vraiment comment on en était arrivés là mais c'était un fait: Jonas et moi étions tous les deux lovés dans une position fort peu confortable dans le fauteuil d'appoint. Peut-être était-ce dû au fait que nous partagions tous deux les mêmes pensées et donc que j'étais la mieux placée pour le comprendre en cet instant. Quoiqu'il en soit, ma main passait toujours dans ses cheveux d'un geste mécanique quand il déclara, alors que je le croyais endormi:

"C'est pas toujours facile de vivre avec toi. Là-dedans, ajouta-t-il en désignant son crâne devant mon air interrogatif. Mais je suis content que tu sois là. En ce moment."

Il avait prononcé ces paroles à voix haute, de peur de briser cette harmonie qui existait désormais entre nos deux esprits. Toute pudeur avait disparu. Ses souvenirs les plus profonds me venaient par vagues, et je savais qu'il en allait de même de son côté. À chaque image provenant de lui, ma mémoire répondait par un fragment, le tout formant un ensemble homogène non pas tumultueux comme précédemment mais au contraire, plutôt calme et posé. Les bêtes dans nos têtes s'étaient d'abord affrontées, et ce pendant longtemps, puis elles avaient finit par s'apaiser mutuellement.

Je me rendis compte que je m'étais assoupie uniquement quand Jonas remua dans le siège, ce qui me ramena à la réalité. Qui était que ce garçon, si rustre et fier, dormait comme un gosse torturé quasiment dans mes bras.

Mais pourquoi tu résistes ? Pourquoi tu luttes contre ça ? Contre cette attirance ?

Un grognement nous fit nous redresser tous deux. Péniblement, Logan ouvrit les yeux et contempla absent les visages désormais penchés sur lui:

"Jonas? identifia-t-il d'abord. Et... Elsa?!"

Je sentis alors le malaise s'installer, et préférai laisser mon Âme Jumelle seule avec son meilleur ami qui venait tout juste d'émerger. Mais à peine cette pensée m'avait traversée qu'une main me rattrapa:

"Reste."

Elsa's DreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant