Il hantait mes pensées. Je me levais en pensant à lui, je mangeais en pensant à lui, je travaillais en pensant à lui, je me douchais en pensant à lui, je dormais en pensant à lui, bref, je vivais en pensant à lui. Et je ne pouvais pas me le chasser de la tête. Et je m'en voulais pour ça! Argh, comment j'aimerai juste qu'il me laisse tranquille!
« Hey Els', ça va? Tu tires une de ces tronches!– Nan. Ça va pas.
– C'est encore Jonas c'est ça?
– Putain Célia, ça me soûle tellement toute cette histoire! Je me sens vraiment pathétique si tu savais... J'ai l'impression qu'il y a un truc qui s'est enclenché dans mon cerveau ou je ne sais quoi, mais ça tourne à l'obsession! Et je ne peux rien faire pour ça! Toi même tu me vois bien en cours: il suffit qu'il ait besoin d'un simple stylo rouge pour que je me mette à farfouiller dans ma trousse comme une folle furieuse pour être la première à le dépanner, dans un ultime espoir qu'il me remarque! J'essaye de me contrôler pourtant, je t'assure! Et tout ça pour quoi? Pour rien du tout! Regarde-le là-bas, je pourrais faire un malaise qu'il ne m'accorderait pas le moindre regard! »
Effectivement, il était en train de parler avec ses amis, mettant un point d'honneur à ignorer tout ce qui pouvait bien se passer autour de lui.
« Ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée... De simuler un malaise je veux dire. »
Je lançai un regard noir à mon amie. Depuis quelques temps je me sentais vraiment mal, et j'en avais assez de plaisanter sur le sujet.
« Roh et puis, pourquoi est-ce qu'il t'obsède autant le Jonas? Le prends pas mal mais il a vraiment rien de particulier... Il se croit tellement supérieur aux autres, personnellement il m'horripile. Bon certes, il a de beaux yeux, mais c'est bien la seule chose qu'il a pour lui! »
Je me laissai glisser le long du mur pour m'asseoir par terre. J'étais fatiguée de me battre continuellement avec mes propres pensées. Mais je savais que je n'avais pas le choix; déjà qu'en essayant de les contrôler elles partaient dans tous les sens, alors je ne voulais même pas imaginer ce que cela pourrait être si je lâchai prise. Je répondis d'un ton las à mon amie:
« Si seulement je savais ce qu'il a de si particulier comme tu dis, je serais bien avancée figure-toi. Et puis tu sais, à cause de ce rêve... Je ne sais pas vraiment quoi penser de lui. Tu vois, dans mon rêve, il n'était pas le gars prétentieux qu'il est: il était gentil et attentionnée, timide même, comme si... Comme si au lycée il jouait un rôle... »
Un silence flotta quelques instants, pendant lesquels nous méditions mes propos en le fixant. Il ne sembla d'ailleurs pas le remarquer: il avait l'habitude d'attirer tous les regards.
« Un peu comme Vincenzo tu sais. »
Car oui, c'était comme ça que ce garçon m'avait fait craquée: je l'avais d'abord pris pour un bout-en-train, un genre de m'as-tu-vu, mais il avait rapidement voulu me prouver le contraire, me dévoilant un côté vraiment adorable et réservé que je ne lui aurais jamais soupçonné au premier abord. Je l'avais jugé trop vite.
Et quelque part, si Jonas me perturbait autant, il se pouvait bien que ce soit parce que peut-être qu'au fond de moi, j'aimerai lui aussi l'avoir jugé trop vite.
« C'est pas le moment de repenser à lui Els'. Jonas n'est pas comme Vincenzo, tu le sais aussi bien que moi. "
– Malheureusement... »
Les yeux dans le vague, je regardai Jonas sans vraiment l'apercevoir, me replongeant de nouveaux dans mes pensées.
« Bon t'as pas bientôt fini de me mater? Je sais que je suis beau mais y a des limites quand même! Qu'est-ce que tu me veux encore? »
Surprise, j'écarquillai les yeux en revenant sur la terre ferme. J'avais clairement reconnu la voix de Jonas. Ébahie autant par le fait qu'il m'adresse la parole que par ses paroles en elles-mêmes, je le fixai durement. Cependant, personne autour de nous ne semblait s'en préoccuper, comme si personne ne l'avait entendu. Quand il croisa mon regard froid, ce fut son tour d'être surpris.
« Merde, elle m'a entendu? Putain c'est pas possible! Nan calme toi Jonas, elle peut pas lire dans tes pensées quand même, à moins que tu ne penses à voix haute! »
Cette fois-ci, ma mâchoire se décrocha. J'avais entendu sa voix aussi nettement que s'il s'était adressé à moi. Sauf que ses lèvres n'avait pas bougées, et il était certain qu'aucun son n'était sorti de sa bouche. En voyant ma réaction, lui qui était pourtant d'habitude très nonchalant se crispa.
« Attends, euh... Tu m'entends là? Si oui, replace ta mèche derrière l'oreille. »
Sidérée, ne comprenant vraiment pas ce qui se passait, je remis simplement ma mèche à sa place, comme il me l'avait dit.
« Oh putain! Nan nan nan c'est pas possible! Après tout c'est qu'une coïncidence, non? Elle a très bien pu avoir envie de replacer sa mèche au même moment, ce n'est que le hasard! »
Cette fois, je sentis bel et bien que cette voix, sa voix, résonnait à l'intérieur même de mon crâne. Je pouvais même très nettement sentir la panique qui pointait dans cette voix. Bien que de l'extérieur Jonas avait simplement l'air extrêmement tendu et ne me lâchait pas du regard, je ne l'avais jamais senti si désemparé. Je pouvais le sentir à travers cette voix dans ma tête.
Pour ma part, toujours assise à même le sol et adossée au mur, je crois bien que j'étais simplement en état de choc. Je fermai d'ailleurs fort les yeux, comme quand j'avais l'habitude de le faire lors de mes "rêves éveillés". Mais quand je les rouvris, rien n'avait changé: ce coup-ci, ce avait de n'être rien d'autre que la réalité.
Puis, prenant conscience de la dernière phrase qu'il avait dite, je le fixai encore plus intensément en pensant:
« Je t'entends Jonas. »
La couleur quitta le visage du garçon qui devint blême. Mais avant que sa panique ne devienne plus visible, il tourna les talons et disparut rapidement sans un mot à ses amis.
Cette fois-ci, je crois bien que je suis vraiment dans le pétrin.
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Elsa's Dream
Fiksi Remaja« Jonas, aime-moi! - Dégage de ma tête bordel! » ✴✴✴ Au début, je ne lui prêtais pas vraiment attention. Il n'était qu'un autre garçon misogyne parmi tant d'autres, cherchant comme il pouvait à attirer l'attention. Ce genre de gars m'exaspérait. Pui...