Lettre du 10 novembre 1937

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10 novembre 1937,

Clayton,

Des morts.

Des corps.

Des macchabées à n'en plus finir.

On se bat en Espagne sans que rien avance, on se bat en Chine — quand est-ce que cela a commencé au juste ? — on s'agite en Palestine, on condamne à mort en URSS, on massacre à Haïti.

Que s'est-il passé durant l'été ?

Je suis parti dans un monde agité, je suis rentré dans une tempête.

Helen, la maman de Claus, me dit que cela a commencé en août et elle hausse les épaules.

Elle a trouvé un travail ingrat de femme de chambre chez une riche famille qui la traite comme un animal. J'ai vu sa patronne, une femme au visage chevalin et au corps maigre, qui ne semble jamais satisfaite de rien. Les draps ne sont pas assez blancs, les lainages s'usent trop vite, le parquet est trop terne ou trop glissant. Elle confie la petite à ma logeuse qui, enfin, va mieux.
Joseph, lui, ne trouve rien de mieux que le marché et moi pour le moment je continue de compter chacun de mes sous tout en m'inquiétant pour Louise.

J'ai regardé dans un Atlas, les combats en Chine se déroulent loin de l'endroit où elle se trouve et, de toute manière, je ne pense pas qu'il soit possible de combattre dans ces montagnes. Mais je lui ai envoyé un mot pour l'avertir et lui conseiller de ne pas s'aventurer à l'Est, pour quelque raison que ce soit. Cela me semble un peu idiot, mais sait-on jamais, elle est bien capable de se sauver dans une autre expédition. Je l'ai avertie aussi du danger que représente l'URSS au Nord, pour le moment ils sont calmes mais ils ont des frontières avec la Chine et une grande puissance militaire, alors il vaut mieux qu'elle ne vagabonde pas trop par là-bas.

Claus a noté quelques lignes pour elle, dans mon mot, il veut savoir si elle n'aurait pas aperçu une créature étrange, une espèce de singe aussi haut qu'un ours qui hanterait ces montagnes.

C'est son ami, tu sais, le gamin dont je te parlais en juillet ?

Pourquoi est-ce que je te demande cela alors que tu n'es qu'un nom et non un correspondant ? L'habitude certainement.

Bref, le gamin, qui se nomme Hégésippe, un bien drôle de prénom si tu veux mon avis, non, bien que tu ne le veuilles pas, il faut que je me départisse de ces vieilles habitudes.

Vais-je réussir à terminer ces pensées ?

Hégésippe aime beaucoup les histoires de monstres et de fantômes. Il en connaît de tous les coins du monde et les collectionne comme d'autres les billes. Cela m'a semblé un peu étrange au début, j'ai même formulé quelques réticences à ce que Claus le voit, mais au final c'est un bon gamin. Il a une certaine tendance à la désobéissance, patiné sur une rambarde de Notre-Dame ! A plusieurs mètres du sol ! Heureusement que Claus ne l'a pas suivi dans ses pitreries ! Mais il est poli, bien élevé, studieux et ne pousse pas son camarade à ses effronteries.

Je vais bientôt commencer à leur donner des cours d'anglais, mais pour le moment les cours me prennent trop de temps.

J'aime bien t'écrire.

C'est agréable de sortir toute ces pensées de ma tête et encore plus de me dire que je peux noter tout et n'importe quoi sans aucun lien puisque personne ne le lira.

A très bientôt, et j'espère que la liste des macchabés aura cessé de s'allonger d'ici là.

Sean O.

Il faut aussi que je songe à arrêter de signer, cela n'a plus aucun sens, je sais bien que c'est moi qui écris.



Hello!

Je n'ai pas vérifié mais je pense que cette lettre doit être la plus courte que j'ai écrite...

J'étais obligé de parler de la merde absolu qu'était le monde à cette période....Et surtout de la dégradation qui c'est produite durant l'été 1937.   Je ne sais pas pourquoi mais tout est devenu pire durant cette période, la guerre en Espagne, celle de Chine qui a commencé, l'URSS et ses exécutions journalières et j'en passe.   Bref, pas un coin du globe où on pouvait se poser tranquillou.

Bref et puis un petit passage sur Claus et son ami parce que...Bah faut bien un peu de bonnes nouvelles et de trucs mignons hein.

Voilà voilà, j'aurais bien aimé vous laisser sur un gros suspense mais bon, on va se contenter de ça.  Je vous dis à dans deux mois, en espérant que vous n'ayez pas oublié ce roman d'ici là!

Hymne à nos masquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant