Chapitre 8 : Noyade

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Le spectre de la lumière blanche revient comme un flash aveuglant. Mes yeux mettent beaucoup de temps à s'adapter, et j'en viens à me demander si je suis bien présente physiquement. Après tout, je ressens mon environnement, mais je ne le vis pas.

Suis-je vraiment dans mon pire cauchemar ?

Je distingue une maison singulière, ou plutôt une cabane. Les pierres grisées des murs sont assez asymétriques, et quelques tuiles rouges sont sur le point de tomber de la toiture.

Je reconnais subitement la maison.

Puis, je me rends compte que mon corps est bel et bien présent dans le monde des cauchemars, et mes pieds me dirigent vers un cours d'eau, juste à côté de la cabane, à l'abri de saules pleureurs, la seule catégorie d'arbre toujours en abondance sur Terre.

Je n'en sais pas pas la raison, mais je suis en train de m'avancer dans l' eau. Petit à petit, j'entends des clapotis autour de moi, mes jambes marchent encore et encore, jusqu'à ce que l'eau atteignent mes genoux.

Je retiens un cri d'effroi : l'eau est glaciale.

Maintenant, le clapotis se fait de plus en plus rapide, plus dense à mes oreilles. Je n'arrive plus à bouger. Je lutte pour rester à la surface, mais ma tête tombe violemment dans l'eau verdâtre.

Alors, c'est le chaos.

D'abord je sens le froid m'envahir par tous les pores, tranchant comme un rasoir.

Je ne peux plus respirer. Dans un mouvement de panique, je lâche le peu de dioxygène qui demeure dans mes poumons. Ma peau a froid, mes poumons me brûlent.

Soudain, je me sens emportée par le courant. J'essaye de bouger les bras, les jambes, toutes les parties de mon corps, mais rien n'y fait. Tous mes muscles sont gelés. Je sens mon visage devenir bleu comme le givre, je suis ballottée dans tous les sens et mon seul espoir se raccroche à cette idée : ce n'est pas réel.

J'attends alors, les yeux fermés sous cette eau verte, pour que cela se termine.

Ce n'est pas réel.
Ce n'est pas réel.

Comme si j'avais jeté un sort avec cette phrase, le décor change. Je suis à présent à l'intérieur de la maison, les différents meubles me sont familiers. Tout ici me rappelle ma vie regrettée : la commode sur laquelle j'écrivais, le buffet décoré par le bouquet de tilleul, le tiroir cassé où je rangeais mes affaires scolaires...

Je remarque avec étonnement que je ne suis même pas mouillée par l'eau des saules pleureurs. Toute trace du cauchemar précédent a disparu.

Brusquement, j'entends des voix dans la cuisine, et mes bras ouvrent tous seuls la porte de bois.

À l'intérieur de la pièce, deux silhouettes se tiennent debout, le visage dur, et me fixent en train d'arriver.

Mon père. Ma mère.

Leur expression de visage est trop froide et distante pour être vrai. Leur attitude est différente.

Ma mère s'écrie, mais ce n'est pas sa voix habituelle qui sort de sa bouche :

-Ton frère était celui qui devait rester, il était beaucoup plus fort que toi. Il devait survivre, pas toi. Toi, tu dois mourir !

À ces mots, je vois mon père se ruer dans ma direction. Je ne suis pas assez réactive, et il se jette sur moi.

Il me heurte de plein fouet et nous tombons à la renverse sur le parquet. Ma tête cogne contre le rebord d'un placard et l'élancement de douleur qui en subvient me fait monter les larmes aux yeux. Nous roulons sur le côté.

Je vois flou.

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