Chapitre 23 : Chien

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Après quelques minutes de course, nous nous arrêtons derrière une murette de pierre, haletants. Je me stoppe, à bout de souffle, et les toise un par un. Quelle est la suite du plan ?

- Je n'ai vu aucun mutant, souffle William, apeuré. Et vous ?

-Non, répond aussitôt Karl en jetant un coup d'oeil furtif vers les bâtiments. À mon avis, ils se terrent un peu plus loin dans la ville.

Au signal de celui-ci, nous nous remettons à courir jusqu'à la prochaine ruelle. Puisque les mutants paraissent absents de cette partie de la ville, nous décidons, après réflexion, d'entrer dans un des bâtiment proches de la rue principale pour y chercher de quoi survivre pendant la semaine.

Lorsque j'entre dans la première pièce, la fraîcheur de l'atmosphère me fait pousser un soupir de soulagement. Quelle différence avec la chaleur étouffante de la rue !
Mes yeux scrutent les moindres détails de la salle, passant de la petite étagère poussièreuse où s'étalent des bouteilles vides, jusqu'aux tables circulaires rongées par le temps.

- Des provisions, là ! s'exclame Jim.

Je tourne aussitôt la tête. Sans aucune protection, Jim se rue au milieu des aliments surgelés et des boîtes de biscuits, puis les lève d'un air triomphal.

Au bout d'un moment, Karl déniche un sac-à-dos pour porter la nourriture trouvée, et William se dévoue pour porter le tout en premier.

Enfin, lorsque le lieu n'a plus pour nous aucun intérêt pour notre survie, nous ressortons à l'air libre et reprenons notre marche de trente-cinq kilomètres.

-Attendez ! je lance soudain.

Ils s'arrêtent sur le pas de la porte.

Je viens d'apercevoir un curieux éclat de lumière sur une des tables du bar. Je m'approche et pousse aussitôt une exclamation de surprise.

Sur la table, au milieu de débris divers, des armes n'attendant que notre utilisation. Je contemple, la bouche entrouverte, ce que je me souviens être une machette, deux pistolets, et un fusil à pompe.

Les garçons reviennent sur leur pas, et voient le trésor à leur tour. Mon cerveau fonctionne à toute allure : les juges du cycle ont donc prévu que nous portions des armes sur nous. Pour notre propre défendre ? Pour tuer les mutants ?

Soutenant l'idée que le choix de la première arme me revient et que je n'ai aucune expérience avec les armes à feu, je saisis la machette et l'attache à ma ceinture.

Nous ressortons, proies faciles à la chaleur. Je remarque que Karl a pris la meilleure arme : le fusil à pompe. Je n'ai toujours pas confiance en ses convictions, alors son choix me paraît menaçant.

Soudain, une ombre inconnue se met à bouger sur le mur adjacent. Jim l'a remarquée, et crie aux autres de se préparer. Karl a déjà mis son fusil à pompe en joue.

Une mince silhouette sort alors de la ruelle, et l'angoisse redescend aussi vite qu'elle est arrivée.

Ce n'est qu'un chien errant.

Jim ne peut s'empêcher de siffler un juron entre ses dents, tandis que le chien passe son chemin et disparait au détour d'une ruelle.

Après quelques instants de béatitude, nous reprenons notre marche. Je garde ma manchette en main, toujours sur mes gardes. Les rues sont absolument désertes.

Les juges auraient-ils oublié de libérer leurs mutants sur nous ? Ce manque d'épreuves me fait frémir.

Alors que Jim demande le mode de fonctionnement du pistolet à William, je peux constater avec effarement qu'ils sont tous en train de baisser leur garde.

C'est précisément ce que veulent les juges.

C'est précisément ce qu'il ne faut pas faire.

Brusquement, j'aperçois une forme couchée au sol, à quelques mètres de nous. Du sang s'écoule sur la route, parvenant jusqu'à mes baskets.

Karl la voit à son tour et intime William et Jim d'arrêter de parler. J'avance doucement.

Couché sur le flan, le regard inerte, la cage thoracique ouverte, le chien de tout à l'heure gise sur le sable.

Quelqu'un l'a tué.
Ou plutôt quelque chose.

Un mutant.

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