Chapitre 4 : Promesse

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C'est ma mère.

J'ai reconnu son étreinte remplie d'effroi. Cette preuve d'affection me fait frissonner la colonne vertébrale. Je n'ai pas l'habitude de connaître une telle effusion de sentiments.

Au bout d'un moment, je devine qu'elle pleure à chaudes larmes, et je vois mon père, debout, hésiter à bouger dans cette curieuse chambre.

L'attitude de ma mère me brise le coeur, pour elle je suis déjà morte. Elle sait qu'en temps que mère, elle devrait protéger sa fille de ce système cruel qui, pour la deuxième fois, met en deuil sa famille.

Mais je ne lui en veux pas, c'est évidemment impossible de se rebeller contre la politique.

-Ma chérie... Harmony...

Je l'incite à chuchoter, rien ne sert de se mettre les représentants de la politique à dos dès le premier jour.

- Mon enfant, oh mon dieu...Harmony...

Je la repousse avec gentillesse mais fermeté, son visage est brouillé par les larmes. Elle s'assoit sur mon lit et mon père la rejoint pour l'entourer de ses bras. Celui-ci est pire que ma mère. Son émotion reste renfermée à l'intérieur de son coeur, jusqu'à se qu'elle éclate.

Je reste debout, gauchement, ne sachant que faire à part regarder mes parents de façon maladroite.

- Harmony, viens...je t'en prie...

Ma mère a du mal à parler. Je vois qu'elle a envie de passer ses derniers moments avec moi dans la sérénité complète. Malheureusement, les événements la dépassent.

Elle a un hochet désespéré, alors j'obéis et m'assois à mon tour entre mes deux parents. Ils ont l'air d'avoir pris vingt ans en une minute.

Ma mère se met à caresser mes cheveux, comme quand j'étais petite et insouciante. Nous restons silencieux un instant.

Je veux graver ce moment à tout jamais dans ma mémoire. J'aimerais pouvoir dire à mes parents que tout va bien se passer, mais ce serait un énorme mensonge. Mon père murmure difficilement, la voix rauque :

-Il faut que tu nous promettes quelque chose...

J'attends la suite, soucieuse de faire bonne impression. La main de maman s'est arrêtée dans mes cheveux.

-Ton frère, Harmony. Ton frère est mort. Nous n'y survivrons pas si toi aussi tu meures...

Mon coeur rate un battement. Je ne sais pas quoi répondre à cela.

-Promets-nous au moins d'essayer de survivre, chuchote ma mère. S'il te plaît, je...

Elle s'arrête dans sa phrase, car la porte s'ouvre soudainement à la volée. Un garde entre, le dos droit, l'air ennuyé, et débite son texte tel un robot :

-Fin de la visite. Chaque proche doit sortir dans les prochaines secondes, sous peine de récidives.

Ma mère crie précipitamment, tout en sachant que le temps lui est compté :

-Promet-le nous ! Harmony ! HARMONY !

Je suis prise d'un élan de force psychologique :

-Je promets, hurlé-je à mon tour, les mains tendues vers eux.

Le garde oblige brutalement mes parents à sortir. Il prend en premier ma mère par le bras, la soulève et l'entraîne sans ménagement vers la porte. Mon père court derrière elle, apeuré. J'entends une dernière fois leurs cris, puis la porte claque férocement et se verouille d'elle-même.

À ce moment-là, je me rends compte que j'ai oublié de leur dire à quel point je les aimais.

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