Dossier Médical de Max

396 24 0
                                    

Aujourd'hui je suis psychiatre. J'ai ouvert mon cabinet il y a presque un an.

J'ai toujours voulu être psychiatre. La faute à Hannibal Lecter dont je ne me lassais jamais de suivre les aventures. Je m'ennuyais aux côtés d'amis « ordinaires ». Je savais qu'un autre monde existait et c'est dans celui-ci que je voulais évoluer au quotidien.

À trop regarder le silence des agneaux, mon esprit s'est façonné. J'ai toujours été fasciné par l'esprit humain, ses multiples facettes, les maladies mentales, l'hypnose, la suggestion. Je voulais tout savoir, je voulais moi aussi être quelqu'un de spécial.

Je ne rêvais pas de guérir les malades mais plutôt devenir le confident de ces personnalités singulières. Je voulais être le Watson d'un Sherlock, le Docteur Reid d'un esprit criminel, le Will Graham d'Hannibal. Je me sens passionné par mes patients, intrigué par la singularité de ces êtres, je souhaite être le complice de leurs réflexions.

J'avais tant lu, tant appris. Que ce soit dans les livres ou en cours. Je savais parfaitement ce qui risquait de m'arriver. Je me sentais prêt.

La première règle dans ce métier : Ne jamais s'attacher !

Nous ne devons, sous aucun prétexte nous lier à un patient, nous devons nous détacher de nos émotions chaque fois que nous prenons place dans notre fauteuil. Ce bureau est comme une zone neutre où les mots se perdent, où les conversations restent secrètes et où les aveux restent confidentiels. En dehors de ce bureau je suis Max.. et je n'ai plus rien d'un Docteur en psychiatrie. J'aime sortir avec mes amis dans des concerts et des bars, trainer pour passer le temps et rencontrer de jolies filles. J'ai travaillé dur pour obtenir mon doctorat et depuis, je profite de tout ce que j'ai pu manquer ces dernières années.

Un patient reste un patient, peu importe sa détresse, peu importe la gravité de son affection.

Une fois hors du cabinet, nous ne devons plus penser à lui.

J'ai eu à parfaire ma formation auprès de mes confrères et ils m'ont appris que les patients chercheront forcément à se lier à nous, se confiant intimement, ils estiment que cela fait de nous des amis. Nous leurs apparaissons comme un guérisseur, capable de soulager leur âme, de les libérer de leurs maux. Nous sommes le filet qui les sauvera du vide sidéral sous leurs pieds. Nous sommes la seule main tendue vers eux. Ils peuvent confondre notre aide avec de l'amitié.

On m'avait prévenu que ça risquait d'arriver. Mais je n'ai pas écouté. Je ne voulais pas y croire. C'était trop saugrenu et j'étais trop sûr de moi. Tellement pressé d'entrer dans la vie active, trop excité par les challenges.

Je ne me suis pas protégé et j'ai voulu la sauver.

En cherchant à tout pris à la guérir, à la rendre « normale ». Je voulais la faire intégrer mon monde et en route, j'y ai laissé mon âme. Sans m'en rendre compte, elle m'a vidé de toutes mes forces. Je me suis tant battu pour elle, oubliant tout ce qui gravitait autour de moi.

Elle est devenue mon univers. Je me suis mis à graviter autour d'elle. Je ne pensais lus qu'à elle, jour et nuit. Curiosité scientifique ?

Elle était mon Graal et je ne voulais pas abandonner.

Mon désir de la guérir s'est transformé en obsession. Dès lors, je n'ai plus été rationnel.

En voulant la sauver, je me suis perdu.

En tenant à la resocialiser, j'ai laissé de côté ma propre vie sociale. Elle m'a attiré dans ses ténèbres.

J'avais pourtant appris à me détacher de la souffrance de mes patients. Je ne peux pas jouer le rôle d'une éponge à émotions, cela serait bien trop dangereux pour ma propre santé mentale, mon équilibre.

A cette patiente, je n'aurais jamais du ouvrir la porte.

A cette patiente, je n'aurais jamais du ouvrir mon coeur.

J'étais là pour l'aider et j'ai failli à ma promesse. Elle comptait sur moi et ne m'avait rien demandé. Je n'ai pas été professionnel. J'étais si sur de moi, trop ambitieux et certainement pas assez clairvoyant sur son état de santé. Quoi qu'il en soit, je lui ai promis la lune mais je n'avais qu'un escabeau pour la décrocher.

Je lui ai tendue la main, je voulais tant la sauver. J'avais pourtant toujours refusé de voir mes patients comme des malades à traiter. Je voulais qu'ils vivent au mieux avec les spécificités de leur esprit. je leur enviais leur différence. J'aurais tant aimé ressentir comme eux, voir comme eux, entendre comme eux, être aussi créatif et sensible qu'eux.

Je me considère comme quelqu'un de parfaitement banal, un peu rêveur.

Quand est-ce que je suis devenu une espèce de savant fou, manipulateur et menteur ?

J'ai perdu toute éthique, mon professionnalisme mais comment se montrer rationnel quand l'amour passe notre porte ? De la curiosité scientifique (un peu malsaine) ou un coup de foudre ?

Je croyais fermement être en mesure de l'aider, de la ramener à la réalité. je me sentais fort, investi d'un pouvoir presque magique. Le Preux chevalier en moi voulait sauver cette jeune femme. Mais elle n'était pas la Princess Peach. Elle ne souhaitait changer. Elle vivait sa vie, elle était épanouie.

Et pourtant je lui ai promis ce qu'un psychiatre ne devrait jamais dire : Emma je peux vous guérir.

Thérapie illégale (sous contrat d'édition M.E.C)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant