Je finis de remplir quelques papiers lorsque l'on sonne à la porte. Je devrai passer au cabinet pour les déposer ce soir. Mais aujourd'hui est un jour important : Emma passe devant le comité d'admission pour intégrer les Beaux-Arts. J'ai donc pris ma journée pour l'accompagner dans cette épreuve. Je veux qu'elle sente ma présence à ses côtés je ne veux pas qu'elle affronte ça toute seule.
Je n'ai même pas peur d'être vu, d'être reconnu. Il était évident pour moi d'être avec elle.
J'aurais voulu aller les chercher chez elle mais... c'est toujours le même problème.
Je quitte l'appartement et la rejoint près de nos voitures. J'attrape sa main et elle est gelée. Elle m'a fait un très faible sourire avant de monter dans la Jeep. Je ne lui pose aucune question, je la laisse gérer seule ses émotions. Inutile de lui demander comment elle se sent. C'est comme une première journée de boulot pour nous mais avec une anxiété multipliée par 1 million.
Elle tient son book contre elle et se perd dans les paysages qui défilent. Je pose une main sur sa cuisse et elle me regarde enfin, elle prend ma main.
Je me gare dans le parking devant l'école. Il n'y a pas grand monde. Emma a sonné chez moi vers 13 heures alors que son rendez-vous n'est pas prévu avant 15h30. Elle regarde le bâtiment, elle anticipe. Je la détache sinon je devine qu'elle ne le fera jamais. La ceinture de sécurité glisse sur elle. Ses jambes commencent à trembler, ses genoux cognent l'un contre l'autre. Je voudrais pouvoir faire quelque chose mais je me sens impuissant.
Je passe une main sous ses cheveux et je masse sa nuque longtemps. Je la sens se détendre un tout petit peu. Elle relâche la pression des dessins sur sa poitrine et ferme les yeux. Elle baisse la tête et à un moment donné elle se penche et bascule contre moi. Je l'accueille dans mes bras est embrasse sa tempe.
"Ça va aller mon cœur."
Un gémissement pour simple acquiescement. Les minutes passent mais nous ne sommes pas pressés. J'essaie de la serrer assez fort pour faire cesser ses tremblements.
« Peut-être que je pourrais revenir pour la session de janvier ? » Elle tente.
« Et en janvier tu me trouveras quelle excuse ? »
Elle me sourit franchement cette fois. Parfois Emma croit ressentir des choses qui ne sont propres qu'à elle. Mais cette angoisse même si elle est exagérément amplifiée chez elle nous la ressentons tous.
Elle se calme et respire doucement alors que j'effectue des va et vient sur son bras. Je suis très heureux et fier de pouvoir l'accompagner. Je voudrais exprimer ma joie de la voir retrouver le chemin de l'école mais ça serait une pression supplémentaire sur ses épaules. Bien que je ne doute pas de son talent j'envisage tout de même qu'elle ne soit pas admise.
Je souhaite que l'école accepte sa candidature car en plus d'être certain de son don j'y vois également l'opportunité pour nous de commencer à vivre une vie normale.
J'y vois la consécration de notre travail en thérapie, de l'assurance qu'elle a gagné grâce a notre relation. Je lui annonce alors :
« Il serait grand temps d'y aller. »
Elle regarde par la fenêtre anticipant chaque pas qu'elle devra faire jusqu'à la porte. Elle garde ma main dans la sienne alors que j'ouvre sa portière. Avant de descendre elle capture mes lèvres dans un long baiser et j'essaie de lui insuffler un peu de ma force. Je pose ma main libre sur sa joue et elle appuie davantage sa bouche sur la mienne avant de se reculer comme un ressort. Elle quitte la voiture et ferme la portière.
Elle prend la direction de l'entrée, son sac à main sur l'épaule et son book devant elle.
Elle n'aura pas un regard pour moi jusqu'à disparaître dans l'enceinte de l'école.
Les minutes sont longues et je ne sais pas si c'est son stress ou finalement le mien. Je reçois un message de Sarah qui me propose de la rejoindre ce soir dans un club sympa du centre-ville. Après cette épreuve nul doute que cela nous détendra.
J'accepte en lui répondant rapidement. Je ne veux pas quitter la porte des yeux. Je fixe sans sourciller et je ne fais pas attention aux gens qui défilent, mon regard n'attendant qu'une seule personne : Emma.
Elle sort un peu après 16 heures. Elle se mord les lèvres en fouillant dans son sac. Elle n'a plus son book. Est-ce bon signe ?
Elle attrape son paquet de cigarettes et en allume une tout en revenant à la voiture. Machinalement je sors trop pressé de la rejoindre. Je fais les derniers pas qui nous séparent et elle m'offre un large sourire. Je me sens si heureux pour elle. Elle fait glisser le pendentif autour de son cou :
« C'est officiellement mon porte-bonheur. » Elle dit, l'air malicieux.
Je la félicite en prenant sa main libre et en la tirant à moi d'un coup sec comme pour une danse. Elle jette la cigarette et passe son autre bras autour de mes épaules. Je l'embrasse fougueusement au milieu d'un parking froid et désert. De mon bras disponible j'entoure sa taille pour la lever de terre. C'est comme si je ne l'avais pas vu depuis des semaines. Je veux sentir sa chaleur tout contre moi. Elle entrecroise les doigts de nos mains avant de s'éloigner.
Je l'invite à revenir au chaud dans l'habitacle de la voiture.
Je lui ouvre la portière elle s'assoit du côté passager.
Alors que je la rejoins elle se tourne vers moi de profil sur son siège.
« Alors ?, J'ai fini par demander.
- Is ont bien aimé mon book. Ma technique est à parfaire et je n'ai d'après eux pas le matériel suffisant pour faire de meilleurs croquis. Il me faudra une mallette à dessin professionnelle et ils disent aussi que je dois apprendre la peinture, que je ne dois pas me concentrer uniquement sur le crayon. Ensuite...
- Ensuite ?, je continue.
- Ils m'ont demandé ce que j'avais fait durant toutes ces années depuis le lycée."
C'est là-dessus que je m'attendais un refus de la part de l'école. Je me doutais que ça arriverait.
« Cependant ils n'ont pas insisté. »
Nous discutons alors quelques minutes avant que je lui apprenne que nous sortirons ce soir. Elle accepte à condition de pouvoir passer chez elle pour prendre une douche et se changer. J'accepte et la raccompagne à mon appartement pour qu'elle récupère sa voiture. J'ai tellement hâte de fêter avec elle cette première avancé dans la vie, dans sa vie.
Nous convenons de nous rejoindre ici même autour de 21h.
Elle m'embrasse une dernière fois avant de monter dans sa voiture et de partir.
Je laisse le moteur tourner, je dois retourner à mon cabinet rapidement donc je ne prends pas le temps de monter à mon appartement.
Sur place je ne fais pas attention aux voitures garées dans la rue. Je me stoppe devant la porte et distingue deux silhouettes. Je prends les quelques dossiers que j'avais déposé sur la banquette arrière, je descends de la voiture et verrouille les portières.
J'avance vers ces deux personnes qui attendent de pied ferme devant l'entrée et je me sens de plus en plus fébrile car je les ai reconnu. Ces deux personnes qui attendent semblent être debout dans le froid depuis un moment. Ils ont sûrement sonné de nombreuses fois à l'interphone. Ces personnes veulent des explications. Ils ne repartiront pas sans m'avoir parlé. Je me sens vraiment penaud face à ces deux personnes que sont les parents d'Emma.
![](https://img.wattpad.com/cover/115264363-288-k489213.jpg)
VOUS LISEZ
Thérapie illégale (sous contrat d'édition M.E.C)
RomanceMax, nouvellement diplômé en psychiatrie se voit confier le dossier d'une patiente fatiguée de vivre. L'éthique voudrait qu'il vienne en aide à cette jeune femme sans s'impliquer émotionnellement mais il ne peut rester insensible à sa détresse. Il v...