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La mort de nos parents a freiné notre vie. C'était pendant la guerre en 1940 - cette stupide guerre mondiale - que nos parents ont perdus la vie. Nous vivions, ces jours-là, à la campagne, dans une maisonnette confortable, surveillée par un village à cinquante kilomètres plus loin - c'est papa qui m'a appris la distance du village à notre maison. Ma mère cultivait des fruits et des légumes dans le potager derrière la maison. Avec ça, elle arrivait à nous nourrir tous. Nous vivions bien. Nous avions une vie paisible : Ma mère était heureuse en temps qu'agricole, mon père était un fier bûcheron qui ramenait du bois tous les soirs pour que nous nous réchauffions devant notre micro-cheminée, mon frère était un innocent petit garçon qui ne connaissait encore rien sur la vie en pleine guerre et moi j'étais la grande sœur qui s'occupait des tâches ménagères. Nous n'allions pas à l'école pourtant nous savions lire et écrire.

Je m'occupais aussi de mon frère en lui faisant des bains, en jouant avec lui aux marionnettes, en lui racontant des histoires le soir pour l'endormir... Que de simples choses qu'une sœur ferait pour prouver à son frère qu'elle l'aime.

Puis, un jour, une bombe est tombée sur notre maison... C'est ce jour que j'ai adopté le rôle de mère. C'était une erreur, disait le village. C'est vrai que personne n'avait eu une bonne raison d'attaquer une petite famille de pauvre qui ne dérangeait personne...
Nous faisions une promenade avec Boxy, notre Berger Allemand, mon frère et moi, quand un missile a été lâché, par erreur sans doute, sur notre maison. Elle a explosé.

Après cela, personne n'a voulu adopter deux pauvres enfants désespérés qui n'avaient rien à manger. Personne n'a eu pitié de nous. Nous avions fini par nous habituer à dormir dans les champs et à manger des fruits trop mûrs que nous jetaient les villageois chaque deux jours. Nous n'étions pas malheureux pour autant. Nous aimions jouer à saute-mouton, chantonner des anciennes berceuses que nous chantaient nos parents avant de quitter la maison, cueillir des fleurs afin d'en faire le plus beau bouquet et jouer à cache-cache avec les autres enfants du village. Ils venaient très discrètement et en masse, se lier d'amitié avec nous.

Un jour, un de ces enfants nous a invité à passer la soirée avec leur village. Nous avions hésité, puis, accepté. Tous les villageois étaient regroupés autour d'un feu de camp. Certains d'entre eux nous dévisageaient d'un mauvais œil, mais nous avions ensuite étés accueillis et gâtés de bonne nourriture.
Quand la nuit est tombée, ils ont commencé à raconter d'étranges histoires. Chacun de leur récit revenait sur le même sujet, parlant toujours des mêmes personnes : une femme et un groupe d'enfants particuliers :

- Particuliers ? S'étonna un enfant.
- Oui, répondit le conteur, hochant la tête. Chaque enfant avait un don.
- Un don ? Répéta mon frère.
- Oui, s'exclama un vieillard, un second conteur. Il y avait une fille aux cheveux roux et elle pouvait faire jaillir du feu de ses propres mains !
- Et il y avait une fille qui savait voler ! ajouta une femme à ses côtés.
- N'oubliez pas le garçon invisible que l'on pouvait percevoir que par ses vêtements ! S'écria un autre.

Les enfants ouvrirent grands les yeux. Ils étaient émerveillés :
- Mais comment savez-vous tout cela ? Demandai-je.
- C'est parce que je les ai vu ! Hurla le vieillard.
- Vous les avez vu ?
- Oui. C'était de braves enfants, répondit-il, le regard perdu sur les champs. Tous des anges.
- Que leur est-il arrivé ?
- Oh vous savez, on a beau être gentil, mais quand il s'agit d'être différent personne l'accepte.
- Et donc le village les a chassés ?

Le vieil homme soupira, puis posant son regard vide sur les tiges d'herbes à nos pieds, avoua :
- Oui. Je faisais partie de ces personnes à mon plus grand regret. C'est pour cela que je raconte ces histoires à mes enfants : pour qu'ils les traitent bien le jour où ils les verront.
- Où sont-ils maintenant ? Demanda mon frère en s'approchant.
- Parti.

Un silence plana pendant une longue minute ; les chants des criquets s'étiraient au loin. Je le brisai :
- Qui était la femme qui les accompagnait ?
- Elle se présentait comme Miss Peregrine Faucon.

Ce nom se figea dans mon esprit.

Plus tard, quand les lumières du village s'éteignaient progressivement, nous nous retrouvâmes, mon frère et moi, couchés dans les hautes herbes. Les bras assemblés derrière nos têtes, nous contemplâmes la nuit étoilée :
- Tu sais, Ava, bailla mon frère, j'aimerais bien rencontrer ces enfants particuliers.
- Je l'aimerais aussi, Ethan.

Nous nous laissâmes transporter par les paisibles parfums de la nuit, habités par de doux rêves d'enfants...

La Pupille Ombrune De Peregrine FauconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant