~III~

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- Ethan, aide-moi à grimper. Je veux réessayer.

Ce dernier s'exécuta. Cette fois, j'atteignis le sommet du pommier plus rapidement. Je jetai un rapide coup d'œil en bas et soufflai. « Pour autant que ce soit vrai », pensai-je.

Alors, je laissai glisser mes pieds de la branche sur laquelle j'étais posée et entrepris ma chute. Celle-ci s'accéléra, mes cheveux, repoussés par le vent, ne manquèrent pas de briser certains rameaux et je me retrouvai sens dessus-dessous.

Le sol se rapprochait et je pouvais apercevoir la mine de mon frère qui n'annonçait rien de bon. J'allais tomber, me disais-je.

C'est alors que quelque chose me propulsa en arrière. Des ailes. Ma chute se transforma en montée. Je n'arrivais plus à parler et, quand je regardai mes jambes, je vis deux palmes à la place de mes pieds :
- Tu as réussi Ava ! Cria Ethan.

Je me réjouis. J'avais réussi à me changer en un magnifique cygne à nouveau. Les rayons du soleil se faisaient plus denses, faisant paraître mes plumes peintes d'un noir brillant. Le vent s'agitait dans une excitation joyeuse qui m'accompagnait dans mon vol. Ethan sautait de joie et m'acclamait tandis que je lui répondais par des sifflements aigus pour montrer mon plaisir. Voler : Qu'y avait-il de mieux à cet instant ?

Ethan, pris d'une nouvelle vague de bonheur, se mit à rire. Ses rires se fondaient dans l'air avec mes cris en trompettes. Ethan me regarda monter toujours plus haut et c'est soudainement, qu'il sentit ses pieds se décoller du sol et un goût savonneux lui chatouiller la gorge. Plus il riait, plus il s'envolait, mais cela ne l'empêcha pas d'arrêter malgré tout.

C'est ensuite que commencèrent à jaillir de sa bouche, des bulles de savon, ce qui le propulsa encore plus haut. Il ne s'en aperçut que lorsqu'il se trouvât à la même altitude que moi:
- Ava, qu'est-ce qui m'arrive ? S'enquit-il.

Je gémis et m'exécutai à l'atterrissage. Aussitôt, je retrouvai mes membres et mon teint doré :
- Ethan ! L'appelai-je.
- Ava, aide-moi ! Hoqueta-t-il.

Je ne savais pas quoi faire, et encore moins vers qui chercher de l'aide. Comment avait-il fait pour s'envoler ? Cela ferait-il partie de ma particularité ?
Ou bien... mon frère était-il particulier aussi ?
Mais comment le faire descendre ?

Je courus vers l'arbre pour prendre mon élan et repris, plus rapidement, ma forme d'oiseau.
J'atteignis Ethan et attrapai son col de mon bec :
- Aïe ! Tu me fais mal ! cria-t-il.

Je le tins fortement pour le faire descendre, mais voilà qu'une pression dans l'air alourdissait ma prise sur Ethan et nous descendions plus vite.
Je ne contrôlais plus ma descente, nous chutions. C'est alors que je compris pourquoi ; Ethan avait cessé de rire.

Nous atterissâmes brusquement ; je ne manquais pas d'arracher une de mes plumes. Ethan n'avait rien.

Il fallait éclaircir la chose : qu'est-ce qu'il venait de se passer ? Ethan était peut-être aussi particulier, mais quel était le vrai sens de ses capacités ? :

- Il faut retenter ! Cria Ethan.
- Non, pas maintenant. C'est beaucoup trop dangereux, lorsqu'on ne sait pas comment agir avec sa particularité.

Ethan se plaignit :
- Ava ! Je suis particulier, ma particularité est celle de voler ! Vois clairement les choses !
- Non. Il reste quelques phénomènes à comprendre : Pourquoi des bulles sortaient de ta bouche et pourquoi nous avons chuté dès que tu as cessé de rire ?

Je réfléchis. Il n'y avait pas milles solutions différentes pour arriver au même fait qu'Ethan. Cependant, des choses n'étaient pas nettes et si les bulles et le rire avaient un lien avec sa particularité, je n'en voyais pas les utilités.

Il fallait demander de l'aide, se renseigner. Il fallait trouver quelqu'un qui puisse comprendre nos questions, qui puisse comprendre notre différence. Toutefois, je ne connaissais personne qui aurait avalé cette histoire sans nous maudire avant.

Ethan bondissait de tous les côtés, chantonnant fièrement :
- Je suis particulier ! Je suis particulier !
- Ethan, cesse d'hurler ! Tu vas nous attirer des ennuis !

Il se contenta d'hurler moins fort.

Je continuai à me poser des questions : qui serait la meilleure personne pour nous aider ? :

- Ethan, il faut percer ta particularité. Est-ce que tu saurais chez qui nous pourrions aller ?

Il s'arrêta, essoufflé :
- Le vieux du village ? Les enfants ? Peut-être, une dame ? Nous ne connaissons que les gens du village. Et si nous le disions à un étranger ? Le premier que nous rencontrons ! Oh, peut-être qu'il est préférable d'en discuter directement avec une sorcière...

Il continua à chercher en hurlant des noms, des métiers, des étrangers, et je continuai de chercher. Certes, dévoiler un secret pareil n'aurait pas été chose facile, d'autant plus que nous ne pouvions pas faire confiance à n'importe qui.

C'est alors, qu'Ethan attira mon attention. Il pointait le doigt vers les baies de blé qui cachaient quelque chose :
- Heu... Ava ? Je crois qu'il est tard pour réfléchir maintenant. La première personne est déjà au courant.
- Q..quoi ?

Je suivis son regard, me levai d'un coup, avançai de trois pas et aperçus un enfant caché entre les plantations :

- Ethan ?

L'enfant se leva, pris en flagrant délit, déstabilisé et pris de peur, et courut en direction du village.

C'était finit. Nous n'avions plus aucun choix que de faire face au village entier ; la nouvelle allait se répandre très rapidement et atteindre l'autre bout du pays.

Nous n'étions désormais plus en sécurité nulle part. Qu'est-ce qu'il fallait faire ?
Tenter de courir derrière l'enfant et le supplier, en espérant qu'il nous écoute, de ne rien dévoiler ? Fuir ? Mais où ?

Nous décidâmes de rester discret et de rentrer gentiment au village - avec un peu de chance l'enfant y avait repenser ou les adultes ne l'auraient pas cru.

Je n'ai pas dit mot sur le sujet et Ethan non plus ; peut-être il se sentait coupable d'avoir trop attiré l'attention sur nous. Cependant, je me sentais coupable de ne pas avoir remarqué la présence de l'enfant. Et pourtant, j'avais regardé.

*

Le soir arriva lentement et c'est à ce moment que nous décidâmes de rentrer.

Encore quelques cheminées étaient allumées, d'autres maisons étaient complètement plongées dans le noir. Il y avait très peu de personnes dehors : une boulangère qui rangeait ses pains, un mendiant de nuit, deux petits garçons qui jouaient à cache-cache.

Nous traversâmes la cour du centre et entendîmes du bruit de l'autre côté d'une maison. Un bruit de foule. Quand nous y allâmes, nous vîmes un groupe de personnes qui chahutait : certains lançaient des injures, d'autres étaient inquiets, d'autres encore avaient peur.

C'est alors que nous remarquâmes qu'ils entouraient quelque chose. Quelque chose qui parlait. Qui parlait de nous. Je m'avançai prudemment et vis, dans un petit espace dégagé, le visage du petit enfant qui nous avait espionné.

J'ai tout de suite compris que le village était déjà au courant.

Je pris la main de mon frère et, en lui faisant signe de se taire, je le tirai à l'extérieur :
- Il faut s'en aller au plus vite, chuchotai-je.

Alors que nous reculions silencieusement pour fuir, une voix s'exclama parmi les gens :
- Les voilà !

Tout le groupe cessa de remuer et tous levèrent leurs têtes sur nous.
Nous étions repérés :
- Il faut les attraper ! Cria un homme grand et fort. Où croyez-vous aller comme ça ?

Ils nous lancèrent des regards menaçants et l'un d'eux se mit à courir. Nous n'avions pas d'autre choix que courir aussi.

La Pupille Ombrune De Peregrine FauconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant