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Il y avait du monde autour de moi lorsque je me réveillai, les gyrophares lançaient leurs éclairs bleus dans la nuit, j'étais sur une civière, une couverture dorée était posée sur moi. J'essayais de dire quelque chose, je voyais du coin de l'œil deux pompiers et deux policiers en train de discuter en cercle mais ils ne m'entendirent pas. Je fis un effort surhumain afin de pouvoir lever le bras mais il ne bouge pas, je devais être sanglé à la couche, pour ne pas me faire tomber lors du transport et ainsi aggraver mes blessures. L'un des pompiers se tourna vers moi, j'essayais à nouveau de parler, émettre un son, peu importait lequel, un bruit pour que quelqu'un vienne m'expliquer ce qu'il se passait, où ils m'emmenaient et surtout prévenir Camélia mais rien ne sortit de ma trachée. Dans un dernier effort, je fis un nouvel essai de voix, alors qu'un policier approchait à pas lents, vieux et bedonnant, il aurait voulu se trouver n'importe où ailleurs à la façon nonchalante qu'il avait d'avancer sur moi, il s'arrêta, dit quelque chose au jeune sauveteur qui le suivait puis se remet en marche. Ils me regardaient tous les deux, le pompier confirma au flic qu'il avait fait lui-même la prise de sang et que tout était "ok".

"Vous m'emmenez où bon Dieu?"

la question éclata dans mon esprit mais mes lèvres restèrent scellées. Le jeune pompier se pencha sur moi, le visage si près du mien que je vis avec chaque détails les poils de sa barbe qu'il avait pourtant rasé, jusqu'à la petite cicatrice qu'il avait sous l'oreille, en forme de virgule, elle était si fine que seuls les intimes pouvaient la remarquer. Soudain ce fut le noir complet. On me déplaçai, je le sentais, sans ménagement, je me sentis tressauter quand la civière cogna contre le marche-pied du camion de pompier. Une question me travaillait inconsciemment pourtant je n'osais pas me l'évoquer clairement. Je finis quand même par le faire pourquoi avaient-ils rabattu la couverture sur mon visage? Dans les séries que Camélia adorait, du genre Grey's Anatomy, on ne recouvre totalement un corps que s'il est mort. Je ne suis pas un expert dans le domaine, je n'ai jamais cru à une quelconque existence après celle que nous vivons pleinement donc une fois mort, la machine s'arrête. Si j'étais mort, il me serait impossible de penser... de penser de manière cohérente en plus ! Le véhicule des secours se mit en mouvement, de ce que je pouvais en déduire, j'étais le seul à l'arrière, et il n'y avait aucun bruit de sirène, ce qui n'était pas très bon signe, je ne pus que me l'avouer. Je restais dans le noir, sans pouvoir bouger, ni même parler, pendant tout le temps du trajet qui me parût infini. Il se termina pourtant, et une nouvelle fois, je fus déplacé sans précautions. Tout comme je ne pouvais bouger mes membres, je ne sentais pas sur moi le poids de la couverture de survie, le fait de l'avoir sur le nez ne me gênait en rien d'ailleurs, j'eus tout le chemin pour réfléchir, à savoir si je respirais ou non. Aucun mouvement ne semblait venir troubler le fin film d'aluminium, je ne sentais pas non plus la sangle qui me retenait par la taille se compresser, pas plus qu'il n'y avait de condensation sur ce qui recouvrait mon visage. Lorsque la civière s'arrêta dans ce qui semblait, au bruit, être un ascenseur, j'eus la certitude d'être mort. Ernest (prénom horrible que m'avaient donné mes parents) venait de casser sa pipe, Nénesse (pour les connards de ma classe) avait tiré le rideau. Et ma pauvre Camélia qui m'attendais à la maison... 

"vas-y, m'avait-elle dit la veille. Ils verront que tu es celui qui s'en ait le mieux sorti. Tes anciens professeurs seront fier de toi alors que ces camarades que tu méprise te jalouseront. "

Elle avait toujours su trouver les mots pour me faire faire ce qu'elle voulait. Et ce soir, juste avant de partir, dans ma belle chemise blanche à manches courtes, la veste bien pliée sur le bras, elle m'embrassa juste après que je lui fis la promesse de ne pas traîner à cette réunion d'anciens. Elle me regarda monter dans la trois cent six, sans savoir que nous venions de nous embrasser pour la dernière fois. 

PROMESSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant