J'eus beaucoup de mal à arrêter de boire, les deux premières semaines furent les pires de toute ma vie. Je ne pouvais même pas m'habiller seul tellement mes mains tremblaient, sans parler des désordres gastriques et des maux de tête dues au sevrage. Chaque seconde de ces journées étaient un défi pour moi: Résister à l'envie d'aller chercher une bouteille, de boire un verre, même un fond de bonbonne du pire des vins de basse qualité. Je devais boire mon café à l'aide d'une paille le matin, puis je ne pouvais plus rien faire jusqu'au midi, restant assis, prenant mon mal en patience, attendant que tous les muscles de mon corps arrêtaient de s'activer sans raison, ensuite, Camélia me servait mon repas, prédécoupé car il m'était impossible de le faire moi-même. J'avais l'impression d'être invalide, un fardeau pour la femme qui s'occupait de moi. Vers quinze heures, les tremblement se calmaient, du moins assez pour que je puisse aller uriner sans arroser la peinture du mur, je profitais de cette accalmie pour faire ma toilette. Le soir, j'arrivais presque à manger seul, pas la première semaine, mais la seconde, mes mains étaient assez sûres pour couper mes aliments. Plu difficile encore que les tremblements, même si cela était dur à imaginer, fut que le sommeil semblait m'avoir déserté. Nous passions, Camélia et moi, un nombre incalculable d'heures à discuter dans le noir, alors que le lit semblait être massant sous l'activité nerveuse de mon corps qui atteignait à nouveau les sommets vers une heure du matin. Le premier jour de la troisième semaine, je ne savais par quelle lubie, je voulus boire mon café sans l'appui de ces maudites pailles colorés d'enfants, la tasse, qui n'était pourtant pas remplie, suivit un parcours normal jusqu'à mi-chemin de mes lèvres puis une crise me fit trembler si fort que la tasse se reversa, me brûlant les cuisses et les parties, puis cogna si fort contre mes dents que j'en perdis un morceau. Je la lâchai sous l'effet de la douleur, elle alla se briser en mille morceaux sur le carrelage de la cuisine, l'émaillant au passage. Adieu le beau mug que Camélia m'avait offert en arrivant. Cet événement fut à l'origine d'un déclic, j'avais besoin d'aide. Ma compagne prit donc rendez-vous pour moi avec mon médecin traitant, elle lui détailla tout ce qui m'arrivait, il lui répondit de passer dans l'après midi, il m'aurait ausculté entre deux patients programmé. Pour que le docteur Lassalle, un vieux toubib sympathique mais avec qui il fallait prévoir d'être malade une semaine avant, fit un tel geste, ma situation devait être assez grave. Je me souviens encore entrer dans son cabinet, peint en bleu tendre, rassurant, en tremblant de partout, ayant du mal à avancer, et même à m'asseoir sur l'une des deux chaises de plastique qui étaient installées devant son bureau remplit de cadeaux de divers visiteurs médicaux. Il me prit difficilement la tension, serrant et desserrant le brassard a plusieurs reprises, il me dit qu'elle était basse. Il avait beau faire de son mieux, tous les toubibs du monde ont la même tête quand votre santé ne va pas fort, un regard de cocker battu, souriant sans joie, et surtout évitant de vous regarder, ou alors d'un rapide coup d'œil. par chez nous, beaucoup étaient alcooliques, peu le reconnaissaient, rare étaient ceux qui se l'avouaient, et presque aucun ne faisait appel à son médecin de famille pour se faire soigner, préférant les cures de désintoxication du centre psychiatrique du coin, plus anonyme. Cures qui me paraissaient inutile car la majorité de ceux que je connaissais et ayant passer par là replongeaient dès leur sortie. Après m'avoir posé quelques questions, le vieux médecin me proposa un traitement à base d'anxiolytiques et d'Acamprosate, il ajouta un somnifère, me précisant bien de ne pas abuser de ce dernier, enfin il ajouta une boîte de vitamine b1, afin d'éviter les éventuelles crise de delirium. Je repartis de son cabinet tremblant de plus belle et me disant que ses pilules n'y changeraient rien. J'avais tort.