Je la regardais dormir, elle était si jolie, surtout dans cette robe bleue clair. Je ne cessais de me rassurer en voyant sa poitrine monter et descendre lorsqu'elle s'arrêta de ronfler, elle dormait maintenant du sommeil du Juste. Mis à part sa beauté, je la regardais surtout pour ne plus voir la bouteille de vodka presque vide, encore ouverte, posée sur la petite table de notre salon. Cette bouteille m'énervait car je savais que Camélia la finirait, probablement dans la journée, puis elle irait en chercher une autre, dans cette même journée, et finirait une nouvelle fois par s'endormir sur ce canapé. Combien de fois ai-je pu m'endormir dans cet état lorsque je buvais quotidiennement? Pour me réveiller avec la bouche pâteuse et un mal de crâne horrible. Pas d'aspirine pour la gueule de bois, non, le mieux de tout, disait-on, était de boire un verre du dernier alcool bu la veille. Et un verre en entraînant un autre, c'est ainsi que je pouvais passer une semaine quasiment sans jamais dessoûler. Il était hors de question que la femme que j'aime en passe par là. Je m'imposais de fixer ma compagne dormir afin de ne pas rager inutilement sur cette bouteille. Soudain, me vint une idée, dans tous le films, les esprits arrivaient à faire bouger les objets s'ils se concentraient suffisamment, je n'avais qu'à essayer, affirmer ou infirmer la théorie du "concentre-toi et bouge-ça". J'avais toujours pensé que la télékinésie du revenant était un mythe, mais jusqu'ici, tout ce que je croyais savoir sur la mort était inexacte, alors pourquoi pas ça aussi? Je lâchais ma compagne et me concentrai sur la bouteille. Au premier essai, ma main passa au travers, comme elle le fit la veille, avant que Camélia ne tomba ivre, je sentais toujours la brûlure du liquide sur mon aura étirée. La seconde tentative fut exactement pareil. Pour la troisième, j'attendis avant de ressortir la main de la bouteille et pensai très fort "BOUGE!!" mais rien ne se produisit. Au bout de la sixième tentative, je me décourageais, râlant et insultant cette bouteille aussi bien que moi même. J'aurais pu me dire que ce que racontaient les films n'était que des salades, qu'ils en savaient pas plus que moi sur la mort et les règles qui régissaient ce qu'ils appelaient "l'au-delà" mais non, toute ma rage se déversait sur moi. Tout en pestant, une pointe de mon aura alla taper le bas de la bouteille, elle se déplaça de quelques millimètres, dans la mauvaise direction, se rapprochant du centre de la table mais ce n'était pas là l'essentiel pour le moment, elle avait bougé! Je passais l'heure suivante à faire revenir cette flèche qui avait tapé la bouteille mais en vain, je passais à nouveau à travers le verre. J'entendis mon réveil sonner, au loin quelque part, je me guidais au son et découvris qu'il provenait du sac à main de Camélia, son Longchamp préféré, celui avec la grande fleur dessus. On lui avait donc rendu mes affaires tels que mon portable, puisqu'il sonnait actuellement, ce qui ne dérageait pas le moins du monde ma compagne, et aussi mon portefeuille. Dans ce dernier devait toujours se trouver deux cachets et un morceau de boîte en carton fin, sur ce bout de carton, le nom du médicament qui m'avait aidé à arrêter de boire : ACAMPROSATE. Pour le moment ce détail ne servait à rien mais c'était toujours bon à savoir. Je retournais au salon, la sonnerie de mon réveil, un coq qui chantait, commençait sérieusement à m'énerver, tout comme cette fichue bouteille qui semblait fixée à la table basse. De rage, sachant très bien que cela ne servirait à rien, je donnais un coup de "bras" vers le récipient ouvert, il commença à basculer doucement, puis le poids du liquide fit le reste et la bouteille tomba sur la table à grand bruit, ce qui réveilla Camélia en sursaut. Le premier geste qu'elle fit, je ne le connaissais que trop bien, elle se frotta le front et les tempes, ma chérie avait la gueule de bois et pour tout avouer, cela m'amusa sur le coup. Elle repéra ensuite ce qui l'avait tiré de son sommeil, elle releva la bouteille, examina le liquide à l'intérieur et le vida dans l'un des deux verres qui eux, n'avaient pas bougés. Je fut peiné d'assister impuissant à ce geste. Elle prit ensuite conscience du réveil qui s'était remit à sonner dans son sac, elle réussit à se lever et à tituber jusqu'à lui. Elle éteignit le réveil, puis le téléphone et vint se replacer dans le canapé. Elle ajouta un trait de jus d'orange, si peu que l'on aurait dit un verre de sirop dilué, si elle le buvait comme ça, elle allait vite s'endormir à nouveau. Elle ne but une gorgée et fit la grimace, l'alcool était bien trop fort pour quelqu'un qui ne buvait pratiquement jamais et qui, de surcroît, se réveillait d'une cuite. Elle rajouta du jus de fruit puis reporta le verre à ses lèvres, après l'avoir levé au plafond, du côté de la baie vitrée où le jour commençait à percer. Inutile d'être connecté à elle pour savoir qu'elle venait de me porter un toast. Je la regardais boire, ne pouvant rien y faire mis à part être triste de la voir se mettre dans cet état. Triste et plein d'amour pour elle, j'aurai voulu la serrer dans mes bras une dernière fois, lui dire qu'elle s'en sortira, même sans moi, et de ne pas faire la bêtise que j'ai faite il y a tant d'années maintenant : Tomber dans l'alcoolisme. Comme je l'avais prédis, elle vida son verre et se remit à dormir de suite, ronflant de plus belle. Je me dis alors qu'à l'époque où je m'endormais de cette façon tous les jours, je devais être une plaie pour ses oreilles, elle qui dormait à côté de moi, aussi bien dans le lit que dans le canapé, tout dépendait de l'endroit où je m'écroulais.