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Après un rapide passage aux toilettes, "plus on boit, plus on pisse" avait l'habitude de dire l'un de mes amis alcoolique, elle vint dans la cuisine. Je la regardais s'avancer, j'aurais retenu mon souffle si j'en avais encore eut un. Elle passa devant le comptoir, remis le stylo à sa place, question de routine et pensa aux lasagnes achetées le matin. Elle sortit une assiette du meuble situé au dessus de l'évier, mit la portion de pâtes dedans et le tout dans le micro-onde situé sur l'étagère près du frigo. Elle repartit au salon, je la suivis, désespéré qu'elle ne vit pas le message. Ma compagne se servait un nouveau verre mais la dose d'alcool fut raisonnable cette fois. Je la touchai du bout de mon aura et vis qu'elle avait faim, elle comptait bien manger sa part de lasagnes avant de se remettre à boire, ce qui dans un sens me faisait plaisir. J'avais déjà testé mille astuces pour dessoûler, du café salé au litre d'eau bu cul-sec, il n'y avait que deux choses qui fonctionnaient réellement : le sommeil et la nourriture. Une fois son verre finit, nous entendîmes l'appareil dans la cuisine émettre son tintement de clochette. Elle se dirigea d'un pas nonchalant dans la cuisine, sortit l'assiette du micro-onde à l'aide d'un torchon à vaisselle et se retourna pour la poser sur le comptoir. Elle laissa tomber son repas sur le sol lorsqu'elle vit le petit bout de carton et les cachets, qui comme je l'avais pensé, étaient en miettes. D'un pas vif, elle retourna au salon, mais bifurqua soudainement vers les toilettes. Je l'entendis rendre bruyamment. J'eus une dernière pensée pour notre première nuit à Cassis afin de pouvoir dessiner un cœur dans la sauce de l'assiette tombée. Elle revint dans la cuisine, tenant la bouteille de vodka par le goulot, elle l'ouvrit, laissant tomber le bouchon puis la vida complètement dans l'évier. Elle prit le bout de carton, l'examina, regarda le stylo qu'elle venait de remettre en place machinalement puis fit le tour de la pièce. 

"Je t'aime Ernest"

Déclara-t-elle à la pièce qui devait lui sembler vide, puis posa les yeux sur l'assiette, vis le dessin et ajouta :

"Et je t'aimerai toujours"

Je n'entendis cette dernière réplique qu'en murmure, je commençais à m'évaporer, mon aura, mon enveloppe ayant de moins en moins de volume, bien que je ne me sentais pas à l'étroit, puis juste avant que tout ne devienne noir, je la vis regarder une nouvelle fois le mot, des larmes roulant sur ses joues. Il y avait huit lettres, écrites en majuscule, comme celles d'un enfant qui apprend à écrire, maladroites et tremblantes, huit lettres, un simple mot:

"PROMESSE"

Je venais de tenir la plus importante de toute mon existence : celle de toujours être là pour la femme que j'aime. Je partais serein. 

FIN

PROMESSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant