L'alcool n'était pas en cause, pas directement mais je vis que Camélia m'en voulait pour la chose la plus stupide qui soit : être mort. Elle se sentait seule, abandonnée, ce demandant ce qu'elle allait devenir maintenant sans moi. Elle doutait aussi que tout cela soit bien réel, se disant qu'elle devait simplement rêver, et qu'à six heures mon réveil la sortirait de ce cauchemar. Dans ce cas la première chose qu'elle ferait en ouvrant les yeux était de m'embrasser. Je fus touché par cette dernière pensée puis le sentiment d'être "en elle" s'estompa. Toujours ayant la sensation de flotter dans l'air, je la suivit quittant ainsi cet affreux bâtiment. Il y avait du vent dehors, nous étions sur la hauteur de l'une des célèbre collines d'Artois et mise à part l'hôpital, haut de quatre étages, rien ne bloquait les courants d'air. J'eus peur de me disperser sous la poussée éolienne, mais ce ne fut pas le cas et je me traitai d'idiot. Camélia se dirigeait déjà vers le parking, je la suivis une nouvelle fois, hésitant à retenter l'expérience du passage à travers elle. Une partie de moi voulait recommencer, savoir ce qu'elle comptait faire et si possible lui redonner de l'espoir, mais une autre partie ne voulait pas ressentir encore le sentiment ignoble de l'avoir une dernière fois déçue. Elle monta dans notre voiture, la Toyota que j'eus regretté de ne pas avoir prise, avec laquelle je ne serais pas mort. Je me glissais à travers la portière côté passager, un bref instant je sentis le goût du métal et de légers picotements un peu partout, sûrement dût au faible courant qui passait dans les câbles. ma compagne eut un dernier hoquet, se moucha puis démarra l'automobile et quitta le parking. Elle n'était pas du genre à faire des excès de vitesse, elle, alors le chemin du retour fut un peu long. J'essayais de la toucher, et cette fois-ci, je crus voir une espèce d'aura s'approcher d'elle, effleurer son bras, et tout de suite je sus à quoi elle pensait. Toutes les alarmes de mon âme se mirent à sonner, c'était une très mauvaise idée qu'elle avait là, elle le savait tout au fond d'elle, mais elle avait réussi à passer par dessus les avertissement de son subconscient. Nous gardions toujours au frais une bouteille de vodka, pour les grandes occasions telles que les anniversaire, les fêtes, Noël... Il devait bien y avoir trois mois qu'on n'y avait pas touché mais je vis, ou plutôt je ressentis que Camélia ne pensait qu'à ça : rentrer et s'en servir un grand verre. Or, comme nous le savions tous les deux, l'alcool n'était jamais la solution aux problèmes, bien au contraire. Elle se gara sur notre place habituelle, un espace réservé sur le parking privé de la résidence où nous habitions un grand appartement depuis que j'avais un travail fixe. Elle soupira, tenant le volant toujours à deux mains, comme étant agrippée à lui, je vis deux larmes couler de ses yeux qui étaient, d'ordinaire si jolis, rouler le long de ses joues, et tomber de son menton sur son ventre, faisant ainsi deux minuscules tâches sombres sur la robe bleue. Rien à voir avec le flot de mascara déversé sur ma chemise blanche. Elle descendit de la voiture, je la suivis, retrouvant le goût métallique en passant à travers la portière, je me demandai pourquoi je n'étais pas passé de son côté, la réponse me vint comme une évidence, si j'avais profiter de l'ouverture de sa porte, je l'aurai forcément touchée et donc connu ses moindres pensées. Je les connaissais déjà, savais qu'elles étaient pas très bonne mais ne voyais pas du tout comment faire pour l'en empêcher. Elle entra dans ce qui fut jusqu'à ce soir "notre" appartement, au deuxième étage, puis se dirigea directement vers le grand réfrigérateur de la cuisine. Elle en sortit la bouteille d'alcool au trois quart pleine, la brique de jus d'orange que j'avais entamé le matin même, et elle sortit du petit vaisselier en pin, que nous avions acheté ensemble mais je ne me rappelais plus où, deux grands verres au motif floral. Elle alla ensuite au salon, une vaste pièce meublé dans le style classique, un meuble de salon bas, une télé écran plat, une table basse en chêne qui pesait une tonne, et un grand canapé en cuir. Elle posa le tout sur la petite table, et s'écroula dans le divan de nouveau en larmes. Le plus pénible pour moi c'est que je ne pouvais rien faire pour la consoler, j'étais mal à l'aise, peiné de la voir ainsi. Une fois la crise un peu calmée, elle ouvrit la bouteille et remplit à moitié les deux verres, elle les combla de jus d'orange, en prit un et le fit cogner doucement sur le second.
"À la tienne mon chéri."
Dit-elle entre deux reniflement et vida le verre en quelques gorgées. Elle le posa brutalement sur la table, se saisit directement du second qu'elle fit aussi tinter contre le vide qui résonna plus fort.
"À toi mon tendre amour."
Elle le but aussi vite que le premier. Je connaissais bien ce rituel, d'ordinaire c'est moi qui aurai dit la deuxième réplique, puis on aurait bu une gorgée en se regardant dans les yeux et en souriant. Ce soir Camélia était seule et était loin de sourire. Elle tendait de nouveau la main vers la bouteille, je tentai alors, dans un geste inutile et désespéré, de m'en saisir avant elle. Je vis mon "aura" passer au travers, je sentis la brûlure de l'alcool et le nuage flou censé représenté mon bras ressortit de l'autre côté du litre alors que ma compagne s'en saisit aisément. Elle s'en resservit un verre tout aussi chargé que les deux premiers. Elle le but tout aussi vite mais sans préambule cette fois. Le verre vide claqua encore un coup sur la table et Camélia glissa sur le côté, c'était la première fois que je la voyais ivre. Elle s'endormi instantanément, ronflant bruyamment. Je ne pouvais détacher le regard de la bouteille qui était quasiment pleine il y avait encore une quinzaine de minutes, elle aurait eut de quoi se faire un dernier verre si elle n'était pas tombée d'ivresse.