Camélia se réveilla en fin d'après-midi, elle semblait ne pas savoir où elle se trouvait, cette sensation là aussi je ne la connaissait que trop bien. Une alarme se déclencha au fond de moi lorsque je la vis se lever à grande peine, il était urgent de mettre un terme à cette descente aux enfers pour celle qui a partagé ma vie pendant plus de dix ans. Elle réussit à se traîner jusqu'aux toilettes, titubant, s'appuyant tour à tour sur les murs de chaque côté du couloir, je la laissa y aller seule, attendant dans le hall de l'entrée. De là où j'étais, j'aperçus sur le comptoir de cuisine mon portefeuille ouvert. J'étais certain que la solution s'y trouvait, en voyant les pilules, elle se souviendrait elle aussi du calvaire que nous avions vécus. Je gardais à l'esprit que la colère faisait bouger les objets mais il fallait que je trouve un moyen de la canaliser pour pouvoir utiliser ces objets au gré de ma volonté. Ne pouvant rien faire de concret devant ma compagne, je me promis d'essayer de faire bouger les choses à chaque fois que Camélia s'endormirait, espérant que j'arrive à contrôler ce phénomène assez vite. De retour dans son fauteuil, elle s'affaira à finir la bouteille de vin mousseux à la pêche, qui ne moussait plus beaucoup. Profitant qu'elle soit occupée, je me dirigeai vers la cuisine et resta planté devant le comptoir, un meuble à double portes blanc, sans tiroir, où nous rangions nos produits d'entretiens et quelques conserves de réserves, à me concentrer sur ce portefeuille de malheur et les deux cachets qui étaient coincés, probablement périmés et en miettes avec le temps, dans l'une des pochettes dédiées aux cartes et dont je ne me servais jamais pour ranger les miennes. J'entendis ma compagne pester lorsqu'elle eut fini sa bouteille, je ne l'imaginais pas être aussi grossière, elle qui avait toujours été un ange avec moi, même lorsque je passait des heures à la taquiner sur son accent parisien qu'elle avait parfois, ou sur ses blagues qui n'étaient pas drôles. À mon grand regret, j'entendis ensuite le "crac" signifiant qu'elle venait d'ouvrir la dernière bouteille qui lui restait, celle de vodka. Elle n'avait encore rien mangé de la journée mis à part quelques chips, je me doutais qu'elle ne tiendrait pas longtemps à ce rythme. Encore une fois, j'aurais préféré avoir tort mais au bout d'une heure, plus aucun son ne parvenait du salon, j'allais voir, elle s'était une nouvelle fois endormie, assise, le verre encore à la main. Je m'installais quelques instants à ses côtés, regardant son si joli visage, tout en pensant à la première fois où nous sommes partis en vacances, à Cassis. La première nuit, nous n'avions pas pu dormir, la route, le changement d'air, la chaleur, ou je ne sais quoi d'autre fit que nous ne dormions toujours pas à trois heures du matin. Pris de cette folie qui nous était propre, nous décidâmes d'aller faire un tour à la plage. Le ciel dégagé et la pleine lune nous offrait une visibilité parfaite, nous fîmes quelques aller-retours le long des vagues, puis nous nous arrêtâmes sur le sable, assez loin de toute habitation. Nous avons fait l'amour sur cette plage cette nuit là, tendrement, passionnément, nous étions tellement amoureux l'un de l'autre. Tout en me remémorant ce souvenir, une onde de mon aura lui caressa une mèche de cheveux, elle bougea et murmura:
"Laisse-moi dormir Ernest, je suis fatiguée."
Elle m'avait senti!!!