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En guise d'adieu, Camélia plongea son regard marron et humide directement dans mes yeux bleus puis ces lèvres douces se posèrent sur les miennes, froides et sèches. Ce fut comme un électrochoc, j'eus soudain la sensation que mon corps se remettait à trembler comme durant ce mois d'horreur lorsque j'ai arrêter la boisson, il y avait dix ans maintenant mais sur le coup, je fus prit de panique. Evidemment mon corps physique n'eut pas le moindre frisson, je pensa alors que je devais souffrir d'une espèce de syndrome du membre fantôme, mais avec tout mon corps. Je réussis néanmoins à fermer les yeux, tout fut sombre pendant quelques instants, mais je gardais la sensations des lèvres de ma femme sur les miennes. Lorsqu'elle se sépara de moi, la lumière revint, je me vis sur une table métallique, toujours dans ma chemise blanche à  manches courtes, le bras gauche entaillé à une bonne douzaine d'endroits, je me souvins alors de la vitre du côté conducteur qui avait explosé, un hématome avait apparut sur mon front, large, violet et couvert de petites griffures, me revint aussi en mémoire le choc de ma tête contre la chaussée. Pour finir, une bosse de belle taille déformait mon cou, tirant du côté droit, juste en dessous de mes courts cheveux bruns. C'était ainsi que j'avais perdu la vie, me faisant le cou du lapin tout en voulant fuir, paniquant, de ma voiture accidentée. Quelle mort stupide ! L'heure n'était pas aux plaintes, quelque chose s'était passé lorsque Camélia m'avait embrassé, elle avait, pour dire les choses clairement, libéré mon âme de mon enveloppe physique morte. Quelle en était la raison, je l'ignorais totalement. Je me retournais vers elle, qui pleurait toujours sur mon corps, le jeune homme que j'avais vu alors que j'étais encore sur la table, j'étais sûr maintenant qu'il s'agissait d'un médecin légiste, essaya de la reculer mais elle se débattit brusquement et reposa sa tête sur mon torse immobile. J'avais envie de pleurer avec elle, m'approcha de la table, sans avoir la sensation de marcher, d'ailleurs je vis que je n'avais pas de "corps", pas même cette matière spectrale semi-transparente que l'on nous montre en général dans les films de fantômes, je n'étais plus qu'un esprit, une âme immatérielle. Je me blottis contre ma compagne, je sentis un frisson la parcourir lorsque je me collai à elle, elle redressa sa tête, reniflant, et regarda mon visage, celui de la table. Avait-elle senti ma présence? Elle m'embrassa une dernière fois et se détacha de mon corps, le laissant aux mains du légiste puis sortit sans un regard en arrière. Un policier l'attendait dans le couloir, nous le vîmes dès que nous eûmes franchis la lourde porte grise qui fermait la pièce où nous nous trouvions. Un panneau de plastique rouge vif portait l'inscription "salle d'autopsie N°2" en lettres blanches, je compris alors qu'il n'allait rien arriver de bon à mon enveloppe physique. Le flic bedonnant que je reconnus pour l'avoir vu sur le pont demanda à Camélia si elle se sentait assez bien pour répondre à quelques questions. Elle semblait hésiter à répondre. 

"Bien sûr que non, elle ne va pas bien, espèce d'abruti de gros flic !!" 

J'hurlais tout en sachant qu'aucun d'eux ne pouvaient m'entendre. Quoi que je vis Camélia regarder dans ma direction mais son regard se perdait au loin, à travers moi. Elle reporta son attention sur l'agent et hocha la tête, une seule fois. Il lui demanda de confirmer mon identité, ce qu'elle fit, puis il la prévint qu'il allait lui poser deux questions plus personnelles. 

"Buvait-il de l'alcool régulièrement?

- Non, dit-elle d'une voix que j'eus du mal à reconnaître. Il avait arrêté de boire il y a dix ans, il avait suivit un traitement pour ça. 

- Avait-il des tendances suicidaires? 

- Non, je ne pense pas, nous étions heureux !"

Elle se remit à pleurer, j'eus soudain envie de frapper le policier pour cela, une ampoule du couloir s'éteignit, cessant simplement de remplir sa fonction silencieusement. Comment ce gros flic pouvait poser ce genre de question à une jeune veuve de vingt-neuf ans ? Il se contenta d'hocher la tête, comme s'il était le policier le plus compréhensif du monde, la remercia rapidement, rangea le petit carnet qu'il tenait à la main et repartit. Une poussée de colère contre lui essaya de monter en moi mais je l'ignorai, nous étions seuls, ma compagne et moi, dans le hall de la morgue, j'eus envie de la serrer une nouvelle fois contre moi mais elle se mit en marche à son tour, me passant à travers. Quelle désagréable sensation ! En un éclair de quelques micro-secondes je fus comme transporté dans l'esprit de Camélia, je ressentis ce qu'elle ressentait, il y avait énormément de tristesse évidemment mais le pire c'était qu'il y avait aussi de la haine envers moi, elle m'en voulait.  

PROMESSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant