Chapitre 18

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Je suis réveillée peu avant l'aube, par ce rire. Ce rire reconnaissable entre mille et qui restera gravé dans ma mémoire pour l'éternité.

Celui de Sarah, un rire à la fois mélodieux et terrifiant. C'est un rire franc, honnête, et qui donne l'impression qu'elle s'amuse vraiment. C'est soit terrifiant qu'elle s'amuse dans l'arène, soit c'est une très bonne comédienne.

L'intensité du rire m'indique qu'elle n'est pas loin de moi. À moins qu'il n'y ait un écho ou des geais moqueur qui répètent ce bruit. Mais j'en doute et je dois arrêter de faire des théories farfelues. Je sais que c'est elle, qu'elle n'est pas loin et accompagnée : pourquoi rirait-elle toute seule ? Ils ont allumé un feu à quelques mètres de mon arbre. Ils n'ont pas peur, bien sûr que non, c'est Sarah. Une meurtrière, et nous ne sommes plus énormément dans l'arène. Je me détache de la branche et regarde derrière l'arbre pour voir qui est avec elle. C'est Maxe.

Je me sens trahie, je pensais que c'était mon allié ! Certes je n'ai été que gentille avec lui et nous ne nous sommes pas croisés depuis le début des jeux mais il a quand même dit qu'il m'aimait devant tout Panem ! Pourquoi s'est-il allié avec elle ? Peut-être pour éviter de se faire tuer. Mais il n'a pas besoin de ça ! Il a obtenu un 12 avec les Juges, c'est ridicule ! C'est plutôt elle qui a besoin de lui, mais il n'avait aucune raison d'accepter.

Je me demande quand s'est fait cette alliance puisque quand j'ai vu Sarah le 2ème jour, elle n'était accompagnée de personne. À moins qu'ils ne s'étaient séparés quelques instants, ou qu'il ait envoyé son allié tué une fillette, mais ce n'est pas son genre.

Il ne peut rien n'y avoir de romantique entre eux : Sarah ne serait jamais intéressée par un garçon comme Maxe, déjà, elle ne l'était pas par Gale, alors... Et en plus Maxe disait qu'il m'aimait il y a quelques jours, ses sentiments ne peuvent pas avoir changé aussi rapidement.

Cette alliance n'a aucun sens pour moi. Mais je pense avec un peu d'ironie que je me suis alliée avec le garçon du 2 et Maxe avec la fille du 2 alors que les autres alliances étaient entre membres de districts. Je me stoppe dans mes pensées qui n'ont aucun sens et aucune justification, je n'ai pas à être jalouse de quoi que ce soit. Et en plus j'ai Bastien, je l'aime et j'ai l'impression de le tromper à être jalouse de Sarah et son alliance avec Maxe.

Je décide d'agir avant de me faire repérer, il n'y a qu'une issue possible à leur proximité : la mort de l'un ou plusieurs d'entre nous. Je ne peux pas espérer que Sarah me laisse en vie si elle m'aperçoit, et je lui rends la pareille.

J'encoche une flèche et la tire sur Sarah, en plein dans la gorge. Leurs rires se coupent net. Elle l'enlève et se vide de son sang. Elle tombe par terre et Maxe ne la rattrape pas. Donc il s'en fiche d'elle. Mon ego est satisfait. Maxe prend un couteau et s'apprête à le jeter dans la direction d'où vient la flèche mais il me reconnaît et s'arrête dans son geste.

Je descends de l'arbre rapidement, je trébuche sur une branche à 2 mètres de hauteur et m'écroule par terre, je ne prends pas le temps de reprendre mes esprits et me lève rapidement sans penser à mon coccyx et toutes mes articulations qui me font souffrir. Puis je m'enfuis en courant. Le canon sonne. Je ne sais pas ce que fait Maxe, s'il me suit. Il aurait pu me tuer quand il m'avait vu dans l'arbre, ou quand je descendais, ou quand je me relevai ou encore quand je commençais à m'enfuir, mais il ne l'a pas fait. Je ne comprends pas, moi à sa place, je l'aurais fait. Mais j'aurais pu le tuer moi aussi, et je ne l'ai pas fait. Pourquoi ? On ne se doit rien.

Pour mon district. J'aurai dû voir ses parents en sachant que j'ai tué leur fils. Je peux juste espérer qu'il meure et que je n'aurai pas à le tuer. À une certaine distance de Maxe, je m'arrête et je reprends mon souffle. Je me désaltère et mange. Je décide de reprendre la traque du garçon du 11.

Il n'est pas mort de froid pendant la nuit. Ni de soif. Il devait avoir trouvé un point d'eau non loin de la corne, parce que ma gourde était vide quand je l'ai récupéré, à moins que si j'avais cherché plus longtemps, j'aurais trouvé de l'eau parmi les cadeaux.

Je rejoins le ruisseau et décide de le longer pour espérer le trouver. Le soleil est au zénith. Je transpire énormément. Je m'assois pour me reposer, je bois entièrement ma gourde et la remplie et ajoute un comprimé d'iode pour qu'elle se purifie. Puis je mange, je finis un des sacs de provisions que j'avais ramené de la corne. Puis je continue de longer le ruisseau. J'arrive au lac, le même lac où je m'étais plongée après la pluie de sang. C'était il y a une semaine, et j'ai l'impression que c'était il y a une éternité. 2 semaines que j'ai été Moissonnée et pourtant j'ai l'impression de ne pas avoir vu ma famille, Bastien ou encore mon district, depuis des années. Comme si les jeux m'avaient fait vieillir en accéléré. Ou bien que ce que je considère comme des jours (du lever du soleil à son coucher) sont beaucoup plus long que dans les districts. Mais je n'ai pas besoin de dormir plus, donc on va conclure que je pers la notion du temps et que je deviens folle.

Je me baigne et commence à me détendre dans l'eau quand j'entends un bruit. C'est le garçon du 11, ma proie. Il m'a remarqué et a vu que je l'ai vu et il commence à fuir. Je sors rapidement de l'eau, récupère mes affaires que j'avais laissées sur la plage et recommence la chasse. Il est dix mètres devant moi. Je peux le rattraper, je peux l'avoir. Je lance un couteau et le touche à la jambe. Il hurle, il sait bien qu'il peut faire du bruit maintenant, je suis déjà là. Plus besoin d'être discret et de se cacher : je suis là. Faire du bruit attire des ennemis et il sait que ce ne sera plus s préoccupation dans quelques instants.

Il se retourne et me voit arriver dangereusement vers lui, il rampe à reculons et j'arrive à son niveau. Il pleure. J'ai de la peine pour lui. J'hésite et il en profite pour sortir un petit poignard de sa ceinture et le lance dans ma cuisse. Il se plante très bien et j'hurle de douleur et de rage. Il m'a vraiment énervé cette fois. J'aurais peut-être stoppé pour de vrai mon geste s'il était resté allongé, sans défense. Et il sait qu'il va perdre et mourir, mais il m'a tout de même poignardé pour diminuer mes chances de victoire. Sans hésiter je sors un autre couteau de ma ceinture et le lance. Il se plante dans son cœur. Ses muscles se relâchent, coup de canon. Nous sommes 4 : Kara, Olivier, Maxe et moi.

Je m'assois en tremblant. Je pose mon sac à côté de moi et sors la trousse à pharmacie. Je déteste cette vulnérabilité, n'importe lequel des 3 tributs restant pourrait arriver et m'achever. Mais je ne peux pas avancer, ou je me viderais de mon sang et mourrais. Et comme je ne peux pas bouger, l'hovercraft ne vient pas prendre le cadavre, qui commence à sentir, ce que la chaleur n'aide pas. J'enlève doucement le poignard de ma jambe en me mordant l'autre main pour ne pas hurler.

Je lave la blessure à l'eau, puis désinfecte. Je fais quelques points de suture et bande le tout. Je ne peux pas continuer. Je dois m'arrêter et me reposer avant d'affronter les derniers tributs. Je prends les affaires du garçon puis j'avance, lentement à cause de ma jambe. Je trouve une grotte. Je crois que c'est celle où j'ai dormi la première fois. J'entre dans la grotte, pose les 2 sacs et m'évanouis.

Quand je me réveille, la nuit tombe, aucun moyen de savoir si d'autres tributs sont morts. Je bois et mange. Puis je regarde ma blessure. Je pense au parachute que Gale avait reçu, et sa crème cicatrisante. Mais ce parachute lui était destiné, il était tombé quand sa jambe recommençait à saigner alors que mon bras avait presque cicatrisé. Il l'avait donc avec lui lors de l'incendie et de sa mort.

J'avais vu une photo de son grand-père, et il lui ressemblait énormément. Je pense à lui, je crois que je l'appréciais, je peux dire ça maintenant qu'il est mort, il refusait le Capitole, et il est mort pour ça. Même si nous étions sortis des jeux par un quelconque moyen, je ne l'aurai jamais revu, il venait du district 2. J'ai rêvé plusieurs fois de sortir de l'arène, pas comme vainqueur, mais comme Katniss lors de l'édition d'Expiation. Qu'ils nous sortiraient, on était les descendants de rebelles après tout et on aurait repris le flambeau, mais non, on nous laisse mourir ici. La rébellion n'est pas assez forte et je ne suis plus aussi sûre de gagner maintenant qu'au début. Il ne reste que les plus forts, et je ne sais pas si j'en fais partie. Mais il est certain que je fais partie des plus cruels.

Je m'endors mais je suis réveillée dans la nuit par l'hymne, qui affiche les visages de Sarah et du garçon du 11, Aiden. C'était le 8ème jour. Et je continue ma vilaine habitude pour m'endormir, je répète "Harr, Veronica, Quinn, Cassy, Toby, Jane, Yan, Brett, Glass, Sarah et Aiden. Harr, Veronica, Quinn, Cassy, Toby, Jane, Yan, Brett, Glass, Sarah et Aiden."

Les 76èmes Hunger GamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant