Chapitre 16

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Cela faisait maintenant trois longues heures que Caïn et ses petites protégées s'étaient mis en route. Le soleil n'était plus qu'un petit arc de cercle à l'horizon. Pour Caïn, ces heures de marche n'étaient rien. Il avait déjà fait de plus longs voyages dans des environnements plus hostiles. L'air doux qui balayait ses cheveux et son visage ainsi que l'odeur des arbres emplissant ces bois faisait de ce début d'aventure une simple balade relaxante.

Mais il sembla avoir oublié un détail : c'était la première fois pour les filles, en particulier pour les jumelles, qu'elles effectuaient une si longue marche. Caïn s'en rendit compte en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. Les filles étaient plus loin que d'habitude et montraient de subtils signes de fatigue et de douleurs. Caïn s'arrêta pour les attendre. Lorsqu'elles l'eu rejoint, il leur posa la question :

« Tout va bien ?

- Moi ça va, répondit Alice qui visiblement ne souffrait pas autant que ses amies.

- Moi aussi, mentit Manon dont ses pieds lui semblaient aussi lourds que de la pierre. »

Marion, elle, baissa les yeux et se tint nerveusement le bras et d'une toute petite voix mentit : « Ça va. » Mais Caïn devina le mensonge. Il vit les jambes de Marion trembler et son visage tenter de dissimuler la douleur.

Depuis tout le trajet, Marion n'avait quasiment pas prononcé un mot. Alice avait tenté d'engager la conversation, mais n'obtenait que des réponses brèves. Même Manon, qui était beaucoup plus bavarde, s'inquiéta de ce mutisme. Pourtant, la raison était évidente : Caïn l'impressionnait ou la terrorisait, elle ne savait pas. Il était tout ce qu'elle avait appris des créatures : grand, des cornes monstrueuses, des crocs pouvant vous transpercer la chair afin de vous dévorer, une apparence humaine pour passer inaperçue. Et pourtant, à aucun moment il n'avait montré le moindre signe de méchanceté envers elle et sa sœur. Une petite voix inconnue jusqu'alors, au plus profond d'elle-même, lui disait qu'elle n'avait rien à craindre de lui. Vraiment, elle était perdue entre ce qu'on lui avait appris et la réalité.

Caïn s'agenouilla devant elle. Marion évita son regard pour cacher ses sentiments. Il lui dit de la voix la plus rassurante possible:

« Tu as le droit d'être fatiguée, tu sais.

- C'est... Que... En tant que princesse...Commença t-elle.

- Être princesse ne t'interdit pas d'être fatiguée voyons. Tu es un être vivant, tu as tes limites.

- Mère nous a toujours appris qu'une princesse ne doit pas montrer ses faiblesses.

- Je suis d'accord, mais cela doit rester en deçà de l'absurdité. En temps de combat, je comprendrais, mais là tout va bien. Tu peux te reposer. »

Marion ferma les yeux et des larmes commencèrent à rouler sur ses joues. Des secousses lui prirent tout le corps. Caïn sourit et l'étreignit de ses bras puissants. Au début, elle fut surprise de ce geste, mais la peur fit place au réconfort. À son tour, elle enserra ses petits bras autour de son cou. Il lui dit tout doucement :

« Princesse, reine, duc... Tout ça ne sont que des titres. Tu es un être de chair, de sang, avec une pensée et des sentiments. Ces titres ne t'interdisent en aucun cas d'être ce que tu es.

- Dans ce cas...Oui je suis fatiguée, souffla t-elle. »

Alice et Manon regardaient la scène, émues. Les larmes commençaient à monter aux yeux de Manon quand Alice, qui essuyait les siens, lui donna un coup de coude :

« Tu vois, je t'avais dit que mon frère était sympa.

- Ah, mais moi je le sais depuis le début.

Une ombre dans la lumière Tome 1: HistiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant