Emman s'était enfermée dans sa chambre et j'attendais derrière sa porte un signe d'elle.« C'est bon là, je pense qu'il y a assez de distance entre nous, supposai-je en m'adossant contre le mur.
-Tu veux pas plutôt aller dans le salon ? »Je relâchai ma tête contre ledit mur.
J'avais vraiment vraiment envie de fumer et les gamineries d'Emman me mettait les nerfs en pelote. Nous avions discuté pendant des heures sur tout ce qui se passait, de ce que je ressentais, de ce qu'elle ressentais, mais il restait un sujet que nous connaissions tous les deux mais qu'elle avait bien pris soin de contourner. Si elle ne voulait pas en parler, très bien, mais là j'avais vraiment, vraiment besoin de fumer.
On était plus à une heure prés.« Si tu veux pas me parler tu n'es pas obligée.
-Non c'est bon. Juste si tu veux aller dans le salon.
-Je ne t'entendrais pas du salon.
-Je t'appelerai. »Quoi ?
« Quoi ?
-Je préfère t'appeler, Eliott, s'il te plaît.
-OK. »Sa voix était redevenue flippante. L'envie de nicotine disparue tandis que je m'apprêtais à entendre le pire.
« Le salon me va.
-Je vais appeler sur le fixe. »A moins d'être totalement retardé, il n'était pas difficile de saisir ce qu'elle avait vécue. Mon ventre se tordit rien que d'y penser. Je n'avais pas le droit de me sentir mal. Je n'avais pas le droit d'être celui qui aie mal. Je n'avais pas le droit d'avoir des nausées...
Le téléphone fixe sonna. Je laissai passer deux sonneries avant qu'Emman ne me ramène à la raison.« C'est moi qui appelle ! »
Je sais, Emman, je sais.
« Je t'écoute. Emman ? Ajoutai-je après de longues minutes sans qu'elle ne parle.
-Je suis là, souffla-t-elle.»Elle prit une grande inspiration et commença.
«C'était en novembre. Les jours étaient super courts. J'avais pas le droit de sortir toute seule. C'était école-maison et maison-école. A cette époque, il y avait ma sœur chez moi et on vivait dans un appartement plus grand, juste derrière République. Entre République et le Musée des Arts et Métiers. »
Emman prit une grande respiration à travers le combiner. Je ne voulais pas entendre ça. Je regrettais de lui avoir posé la question. Je regrettais d'avoir demander, d'avoir parler.
Pitiez, faîtes qu'il y aie eu plus de peur que de mal.
Les nausées revinrent, plus fortes.
Je savais que c'était faux.
« On était vendredi et j'avais fini les cours à 15h30. J'avais besoin d'aller acheter des serviettes hygiéniques, poursuivit-elle en souriant. J'osais pas demandé à ma mère ou à ma grand-mère ou même à mes sœurs de m'en acheter. »
Elle pouffa quelques secondes avant de reprendre :
« Aujourd'hui c'est limite si on se texte pas nos culottes quand l'une d'entre nous à un problème...
-J'avais pas besoin de savoir ça, assurai-je en essayant de la faire rire. Tu es tout bonnement écœurante. »Ça marcha. Pour une poignée de secondes seulement. Puis les respirations saccadées reprirent. J'étais incapable d'écouter ça plus longtemps. Pourtant je le devais. Je devais l'écouter, la soutenir, être là. N'importe quoi. Je me demandai soudain comment elle se sentait. Peut être que je la forçais à parler. Peut être qu'elle ne voulait rien partager.
« Si tu n'es pas prête à me le dire Emman, ne me le dis pas. Fais ce qui te fait te sentir le mieux.
-Je veux que tu saches qui je suis. Je ne veux pas te mentir.
-Je sais qui tu es. Et quoi qu'il se soit passé, ça ne défini absolument pas qui tu es.
-Et ce que je vaux ? Demanda-t-elle dans un sanglot. »
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Nous Sauver
Teen Fiction"Grandir est difficile. Grandir en étant aussi cassé que moi, c'est super méga ultra difficile. Quand je l'ai rencontré, je me suis dis que quelqu'un de normal serait bon pour moi. Quelqu'un qui n'avait pas l'âme en mille morceaux, c'était raf...