Nous Sauver

30 - Late Messy Night.

Étendu dans mon lit, ou plutôt dans le lit d'Emman, je retournais tous les événements récents, sans m'empêcher de ressasser.
Et bien que l'apocalypse sévissait dans ma famille, c'était un détail extérieur qui m'accaparait le plus.
Le moment pimenté entre Emman et moi ne s'était pas du tout terminé comme je l'aurais voulu. Je ne compris pas comment mais son corps contre le mien, ses bras assoiffés m'agrippant de toutes ses forces, sa bouche quémandent des baisers de plus en plus profonds m'avait épouvantée.
C'était comme si plus rien ne m'atteignait si ce n'était le même horrible mot, rebondissant infatigablement contre les murs de ma cervelle : violée, violée, violée.
Je ne pouvais juste pas continuer. J'étais apeuré, comme un enfant, à l'idée de mal interpréter ses signes, entendre seulement que ce que je voudrais entendre, comprendre que ce que je voudrais comprendre.
Et alors que je m'étais éloignée précipitamment, la laissant pantelante, découverte jusqu'à la taille, dans sa petite culotte en dentelle couleur automne, les jambes écartées et pendantes par dessus le lit, tout mon être, tout mon corps, m'ordonnait de faire quelque chose. N'importe quoi. Qui implique ma peau contre la sienne. Mais mon cerveau était carrément pas d'accord. Et bien qu'Emman me fit remarquer que techniquement j'étais parfaitement fonctionnel, je ne pus me résoudre à quoi que ce soit.
Ainsi je me retrouvai, seul dans son lit tandis qu'elle avait pris ses cours et s'était installée dans la chambre de ses parents.
Quelle hérésie.
Il ne devait pas être loin de trois ou quatre heures maintenant et j'étais toujours incapable de me sortir cette scène de la tête. Je me levai pour aller aux toilettes, les yeux pas en face des trous à cause de la fatigue. Quel ne fut pas mon étonnement de voir la lumière percer sous la porte fermée du salon.
Ma première pensée fut qu'Emman veillait, incapable de dormir aussi. Peut-être même qu'elle bossait encore sur ses cours. C'était certain d'ailleurs. Ma main était sur la poignée quand j'entendis sangloter. Puis :

« Je suis foutue, Ryan ! Quoi que je fasse je suis foutue. Si je le dis à ma mère, je lui brise le cœur en plus de lui expliquer qui est Eliott ? Si je ne lui dis pas, je prends le risque qu'elle l'apprenne de quelqu'un d'autre et c'est le même résultat. »

Emman se tut un instant et je supposai que Ryan lui répondait, à l'autre bout du fil.
Un pas en avant, deux pas en arrière.
Je fermai les yeux sous le poids du chagrin. Comme d'habitude, Emman courait chez Ryan au lieu de me parler. L'amertume se déversa dans ma bouche et ma gorge.
Qu'est-ce qui engendrait chez elle ce comportement ? Pourquoi pensait-elle que son meilleur ami était plus apte à l'aider à gérer ses émotions alors qu'elle était fermée comme une huître avec moi ?

« OK et mes frères et sœurs ? Qu'est ce que j'en fais ? Non mais, arrête ! Tu sais très bien que le monde n'est pas tout blanc ou tout noir ! Je peux pas juste jeter l'information en l'air en me fichant des sentiments de tout le monde. Ou des répercutions. Depuis trois semaines je suis malade à la simple idée qu'il existe, qu'il est en parfaite santé, dans la même ville que nous. Mais au moins il ne savait pas que je le savais. Mais maintenant... Maintenant il sait. Il voulait me parler, Ryan, s'étrangla-t-elle. »

De nouveau il eût une pause, plus courte avant qu'Emman ne reprenne, en pleurant tout à fait.

« Ah ouais ? Et après ? J'explique que je le savais mais que j'ai rien voulu dire ? Sérieusement, Ryan ? Non, c'est pas ça que je t'ai demandé ! »

Dans tout ce foutoir, les sentiments et la famille d'Emman se trouvaient au second plan et je ne m'imaginais pas un seul instant la tourmente dans laquelle elle se trouvait.

« Eliott vient de voir son monde entier se retourner. Je vais pas lui rajouter mes problèmes en plus. Oh mon dieu, je te demande pas ton avis sur ma relation, Ryan ! Je te demande de m'aiguiller sur la manière de gérer ce bordel avec ma famille ! »