33a - Drugs...

9 2 0
                                    

« J'achèterai du café plus tard. Il faudra que tu te contentes de thé pour l'instant.

-Merci. »

Je tendis la tasse fumante à Eliott en souriant.

Je détestais le café.

Cette boisson ne présentait aucun intérêt pour moi : pas délicieuse, pas savoureuse, même pas une bonne odeur et addictive au possible. Rien que d'y penser je levai les yeux au ciel. Le thé par contre... Un breuvage exquis, aux différents goûts, réconfortant, excellent pour la santé.

Eliott bu une gorgée en grimaçant. Ça ne l'empêcha pas de s'enfoncer plus confortablement dans le fauteuil en en prenant une deuxième.

« Je suis désolée que tu aies dû assister à cette débâcle.

-Ce dont je suis désolé c'est que je n'ai jamais remarqué qu'il te faille autant... « d'aide » pour dormir. »

Je n'osais pas lever les yeux vers lui. Je me contentai d'observer avec attention les coussins touffus brodés de flocons de neige argentés.

« Je n'ai pas besoin d'aide pour dormir... D'habitude, ajoutai-je sous son regard froid. Mais c'est une période compliquée. Je ne peux pas assurer les cours, assurer au travail, assurer avec ma famille et assurer avec toi sans me reposer.

-C'est à cause de moi que tu... »

Je levai les yeux brusquement vers lui.

« Que je prends des médicaments. Ce n'est pas un gros mot, ni une insulte. Oui je prends des anxiolytiques. Et non, ce n'est pas à cause de toi. »

Ses yeux s'écarquillèrent sous mon attaque.

« Si ça ne tenait qu'à moi, je resterais dans mon lit, dans le noir, à ne rien faire. Je n'aurai pas plus de facilité à m'endormir, mais au moins je n'aurai pas besoin d'énergie. Mais malheureusement, ce n'est pas possible. Alors je prends -je prenais, merci Noah- mes médicaments pour m'aider à gérer, pour pouvoir avoir une vie normale.

-Mais tu pourrais...

-ça va faire cinq ans cette année, Eliott. »

Ma voix se brisa à la fin de ma phrase. Je baissai à nouveau les yeux sur les longs poils blancs du coussin avec lequel je jouais.

Je ne supportai plus qu'on essaie de me trouver des solutions, qu'on essaie de me réparer ou de me guérir. Je n'avais pas à être guérie. Je n'avais pas à être réparée. Les gens devaient juste me foutre la paix et me laisser gérer mes émotions et mes traumatismes toute seule parce que j'étais la seule à savoir ce qui me faisait le plus de bien. Ou à défaut de me faire du bien, de ne pas trop me faire trop de mal.

« J'ai déjà tout essayé. Du plus naturel au plus improbable, comme l'hypnose. Et prendre les médicaments c'est la seule chose qui me permet de dormir quand je suis en crise. Et là, je crise. Les flashs sont à leur pire, quasiment toutes les odeurs m'écœurent. Les cauchemars, les nausées, la perte d'appétit... J'ai besoin de dormir. Ces médicaments m'aidaient vraiment.

-Pourtant Noah semblait effrayé que tu en sois arrivé là...

-Parce qu'une fois j'ai déconné. J'en ai pris trop et j'ai fini à l'hôpital. Ils pensent encore que j'ai voulu me tuer... Mais ce n'est pas le cas ! Ajoutai-je précipitamment en voyant Eliott avoir un mouvement de recul. J'étais juste au pire de ma forme, épuisée, exténuée... Il fallait que je dorme et je me suis dit qu'en doublant la dose je dormirais plus vite et plus longtemps... »

Eliott gardait les yeux écarquillés, terrifié par ce que je disais.

Oh non ! Comment lui faire comprendre ?

« J'étais beaucoup plus jeune ! Et c'était encore nouveau... Je ne lisais même pas les notices des médicaments...

-Jure moi que tu n'essayais pas de mourir. Et que tu n'es pas suicidaire !

-Je n'ai pas essayé de mourir. Et je ne suis pas suicidaire, répétai-je lentement pour qu'il assimile bien ce que je disais. J'étais juste dépassée par les événements. Et visiblement incapable de lire une notice d'utilisation. Je te le jure. »

Ses yeux ne me quittaient pas. Je m'approchai un peu de lui, posant ma main sur son visage. Sa peau était d'une douceur incroyable, comme d'habitude, bien qu'une barbe de quelques jours poussât sur sa mâchoire. Mon pouce caressa délicatement l'ourlet de sa bouche. Il sourit.

C'était la première fois aujourd'hui. Mes lèvres se soulevèrent aussi, enchantées par son joli visage.

Je me penchai lentement vers lui. Nos bouches se cherchèrent un moment, sans se trouver. Il attrapa mon genou et m'attira à lui. Ses grands bras m'entourèrent et je calais mon visage dans son cou. Sa peau s'imprégnait toujours des effluves citronnés mais son parfum s'était évanoui. Je sentis sa véritable odeur, cotonneuse, mon nez frottant contre sa peau.

« Où as-tu dormi ?

-Dans ton lit, souffla-t-il avec un sourire. Mais j'ai rangé ! »

Je me détachais de son corps en lui donnant une tape sur l'épaule. Savoir qu'il avait dormi dans mon lit faisait faire des sauts périlleux à mon estomac. C'était... Un peu trop intime. Ou peut être juste assez.

« Tu n'es pas rentré chez toi ?

-Non... Je pensais que tu allais revenir.

-N'essaie pas de me culpabiliser ! Je t'ai prévenu que j'étais occupée. »

Eliott s'éloigna de moi. Ses yeux se couvrirent légèrement. Ses longs cils effleurèrent ses joues. Mes entrailles se serrèrent J'espérais secrètement qu'il ne reparle pas des mots qu'il avait lâché. Visiblement, je n'y échapperais pas.

« Je pensais que tu avais pris peur. Après ce que je t'avais dit. Ce que je t'avais écrit, corrigea-t-il en souriant. »

Ce fut à moi d'éviter son regard. Quand j'ai lu les mots sur mon téléphone, mon réflexe a été de le verrouiller. Puis de le mettre en mode avion pour ne plus recevoir d'autre message.

Si l'univers comportait des mots qui me terrorisaient, c'était bien ceux-là.

« Je t'aime ».

Quelle connerie.

J'aimais aussi Eliott, mais je ne le criais pas à tue-tête. Parce qu'une fois formulés, ces simples mots se transformaient en promesse, en devoir, en contrat, en engagement, en tout ce que je ne croyais pas. Comme si une fois dis, nous n'existions plus en tant qu'individu mais comme un couple. Deux morceaux d'un tout. Et qu'on dépendait l'un de l'autre.

Mais ce n'était pas vrai.

Personne n'avait besoin de quelqu'un d'autre pour exister. Ce n'était que des chimères qu'on nous racontait pour continuer à perpétrer l'espèce humaine.

Et surtout... Personne ne restait éternellement. Tout le monde finissait par partir. Tout le monde partait toujours. Tout le monde me quittait toujours. Et promettre le contraire en m'assurant qu'on m'aimait, c'était mentir.

Mettre des mots sur ses sentiments et me les dire faisait d'Eliott un fou, et de moi celle qui allait le refroidir.

Sa main se posa sur les miennes, qui jouaient avec le coussin. Sa peau paraissait moins pale que la mienne, mais avec un sous ton beaucoup plus rose, alors que le mien était jaune. Il portait encore le pull de mon neveu. Que les vêtements d'un enfant de seize ans lui aille devrait surement m'inquiéter. 

« Je suis désolé si je suis allé trop vite.

-Ce n'est pas la question. Je veux juste... J'aurais préféré que tu t'abstiennes. »

Ses doigts quittèrent brusquement les miens. Je relevai la tête vers lui. Je l'avais blessé. Ses sourcils étaient froncés, sa mâchoire serrée. La peine m'envahit, acide au fond de ma trachée. Ma gorge se serra, ma poitrine aussi. Pourtant je restais impassible.

« Tu ne ressens pas la même chose. »

_____________


Oui oui une revenante !

La partie B est en brouillon, je la poste cet après midi.

Enjoy <3

Nous SauverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant