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Eliott se rince les mains et se tourne vers moi, laissant un bazar sans nom derrière lui. Il se glisse entre mes jambes et j'ai la chance d'être plus grande que lui pour quelques minutes. J'ai remarqué son changement de ton et de comportement des lors qu'il a mentionné son père. Je prends son visage entre mes mains.

« Tu n'as pas intérêt à me toucher avec tes mains mouillées.

-Y'en a qui apprécient, garantit-t-il. »

Il dépose un baiser sur mon décolleté, à hauteur de son visage, juste au-dessus de ma poitrine. La poussière, la sueur et la saleté forment une couche significative sur ma peau et un haut-le-cœur m'envahit.

« Je suis écœurée par la simple mais concrète idée que tu embrasses une peau couverte de crasse.

-On commande à manger et je vais me laver. »

Il embrasse de nouveau mon corps d'une propreté douteuse après m'avoir tendu mon téléphone. Je ne sais pas où est le sien mais il n'a pas voulu y jeter un œil depuis des heures.

« On peut aller manger quelque part si tu veux, je propose en faisant défiler les restaurants disponibles sur UberEats. Parce qu'il n'y a pas grand-chose.

-Se déplacer ? Physiquement ? Oh non. »

Ses baisers deviennent de plus en plus mécaniques à mesure qu'il somnole. Les minutes s'écoulent et il n'y a toujours rien d'intéressant.

« McDo ? je suggère. J'allume des bougies pour faire moins triste.»

Il hoche la tête avant de se décoller de moi et de se diriger vers la salle de bain. Il emprunte de nouveau les affaires de mon neveu sous mes moqueries.

Le salon est plongé dans le noir quand j'y entre, récalcitrante. Il est propre et je suis, au mieux, sale. J'enclenche les lumières du sapin, et sors les bougies. Je les installe au centre de la table, en me demandant où est le téléphone d'Eliott. Est-ce que je l'ai vu de la journée ?

L'eau se déclenche de l'autre côté du mur. J'ai vu chaque partie du corps d'Eliott individuellement mais le désir de le voir en entier devient presque insoutenable. Pendant que je joue avec le briquet, j'imagine sans peine l'eau brulante ruisseler sur son corps svelte, les lumières tamisées filtrées par les vitres teintées de la douche se reflétant sur sa peau opaline. C'est tellement facile de rendre cette simple douche romantique.

Et c'est aussi facile d'oublier pour quelques secondes. Juste l'imaginer me toucher. Ses mains sur moi. Sa bouche sur mon cou, explorant lentement l'échancrure de mon décolleté... Mon entre-jambe tressaute alors que je retiens de justesse un soupir trop prononcé.

Au même moment, un fracas éclate dans la salle de bain. Je reconnais les chutes en rafales de tous les flacons disposés dans la cabine de douche. Puis j'entends Eliott jurer. Je souris malgré moi. La légèreté de la situation me plait. Enfin j'ai l'impression d'émerger de l'océan pétrifiant dans lequel je me noyais depuis des semaines.

« Ça va ? je demande à travers la porte.

-Euh... Oui, oui. J'ai fait tomber quelques trucs. Avec mon coude. »

Je ris de bon cœur et ça injecte en moi une dose d'endorphine. Je finis par enfin commander et Eliott ne sort qu'après qu'on soit livré. J'ai même déjà installé les burgers dans les assiettes, sur la table basse, bougies allumées. Il porte ses cheveux complètement plaqués en arrière, dégageant entièrement son visage. Ils sont encore humides, tout comme ses cils trempés formant un halo foncé autour de ses yeux rougis par l'eau et le savon. Les vêtements sont un peu courts, lui donnant une allure juvénile.

« Qu'est-ce que tu es beau.

-Merci. »

Il sourit et se penche sur moi pour m'embrasser. Je l'esquive en riant.

« Je suis sale, dis-je d'un ton sans appel. Maintenant je vais devoir manger dans cette situation à cause de toi. Tu en as mis du temps.

-Désolé. »

Je vois ses joues rosirent. Il enfile ses lunettes et attrape les couverts au centre de la table. Un silence bizarre s'installe. Seuls les couverts tintent contre nos assiettes respectives. Il n'est pas difficile d'imaginer ce qu'il a fait dans la salle de bain. Je pense qu'il y a eu assez de drames et de sujets lourds pour aujourd'hui.

« J'espère que c'est à moi que tu pensais. »

Sa fourchette racle le grès provoquant un grincement de dent de ma part. Je le fixe, tentant de capter son regard.

« Ou pas. T'as le droit.

-Bien sûr que je pense à toi. A chaque fois. Mais je n'ai pas... Je voulais juste... De l'eau très froide.»

Il ne relève pas la tête, continuant de picorer ses frittes une à une. Je glousse malgré moi.

« Cool. »

Enfin il pose ses yeux sur moi. Mon estomac se tord. Je sais ce qu'il veut demander. Ce que je ne sais pas c'est si je veux en parler. Je le fixe en silence. Je ne vais pas me défiler. Je sais que je peux lui parler. Je sais que je ne cours aucun danger avec lui. Il se retient cependant et je ne pousse pas la conversation sur ce sujet plus loin.

« Il faut que tu ailes chercher tes affaires. Tu ne peux pas continuer de t'habiller dans du seize ans.

-Oui, confirme-t-il avec un sourire. J'irai m'acheter quelques pièces demain.

-Oh non ! Je travaille demain. J'aurais bien voulu venir.

-Tu finis à quelle heure ? »

Malgré moi, je laisse échapper un soupir assez dramatique.

« C'est bientôt Noël. Je n'ai aucune idée de mes horaires. Parce que mes horaires n'existent pas. Je suis l'esclave de mes frères jusqu'à ce que mort s'en suive. A chaque fois que je sors pour déjeuner, j'espère qu'une voiture va me rentrer dedans pour pouvoir sécher le travail.

-Oh.

-Normalement je ne bosse pas dimanche.

-On y retournera dimanche. Je t'offrirais une glace.

-C'est devenu de notoriété publique que je pourrais mourir pour ça ? »

Je lui demande en plaisantant, picorant mes nuggets.

« Vu la quantité de pots qu'il y a dans ton réfrigérateur...

-Hey ! Tu as fouillé dans mon frigo ! »

Je lui jette un bout de carton déchiré de la boîte de mon hamburger, hilare. Il me renvois l'emballage en papier de sa paille, m'expliquant qu'il cherchait simplement des glaçons.

« Je vais prendre une douche, j'annonce après avoir fini mon repas.

-Tu ne dois pas attendre deux heures après avoir mangé ?

-Je vais m'endormir d'ici deux heures. Couche toi, si tu veux. Je vais me laver les cheveux de toute façon. »

Il me regarde, ne comprenant rien à ce que je dis. Je m'écris, comme si c'était une évidence :

« Il me faut des heures pour m'occuper de mes cheveux ! »

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