La Plateforme

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2178.Aujourd'hui.

En orbite depuis une vingtaine d'années autour de la terre, l'unité satellitaire dénommée « La Plateforme » jouait son rôle à la perfection. Les scientifiques du monde entier l'avait conçue dans l'urgence afin de palier à la disparition du soleil. Alimentée par les pierres de feu, elle rayonnait par-delà l'espace pour recouvrir l'ensemble de la planète de ses rayons puissants et de sa chaleur salvatrice. Grâce à elle, la Terre avait survécu aux conditions climatiques désastreuses et aux inondations recouvrant la quasi-totalité des continents et modifiant à jamais sa structure et sa composition. La construction de la Plateforme n'avait pas juste sauvé la planète, elle avait également contribué à sauver des milliers de vies sur Terre et environ deux mille autres vies de privilégiés résidant à même le satellite.

La présidente martela le sol carrelé de ses hauts talons. Sa marche vive et saccadée, imitée par une tripotée de gardes lui enjambant le pas, ne laissait présager rien de bon. Après avoir traversé la Plateforme d'un bout à l'autre, elle passa son œil au scanner rétinien et une lourde porte s'ouvrit sur une immense rotonde d'une sobriété quasi-médicale et inaltérable.

Le laboratoire, d'une hauteur impressionnante, se constituait en alternance de grandes baies vitrées opaques et de murs carrelés blancs. Cette configuration donnait à la pièce une resplendissante chaleur et une lumière constante. Les murs supportaient des étagères métalliques sur lesquelles s'entreposaient des reliques et autres formes de pierres toutes plus précieuses les unes que les autres.Ces pierres reposaient sur un socle relié au mur, captant et transitant leurs ondes jusqu'au tableau de bord des chercheurs. Des consoles de contrôle étaient disposées au centre de la pièce,formant un arc de cercle.

Tout semblait positionné au millimètre près. Un périmètre de sécurité, tracé d'une ligne jaune au sol à un mètre des pierres,interdisait toute approche non-autorisée.

La présidente fit face aux cinq laborantins de la Plateforme. Elle tenait entre ses mains une petite pierre ovale de laquelle étincelait une lueur blanche. Avec précaution, elle la déposa sur un socle vide.

Un chercheur tapa quelques codes sur le clavier de son ordinateur et la pierre se matérialisa sur un écran camouflé dans la coupole de la rotonde. Celui-ci s'abaissa jusqu'à s'aligner à hauteur de l'assemblée. Tous observèrent avec insistance la représentation de la pierre.

Le chercheur grossit alors l'image pour visualiser l'énergie contenue à l'intérieur. Il tourna la pierre de feu et la retourna sous tous les angles afin d'en trouver le cœur. Une minuscule molécule se démarqua de la structure de l'objet par sa luminescence. Le chercheur appuya sur un bouton du tableau de contrôle et une fine aiguille sortit du socle pour transpercer la roche et aller se loger de façon chirurgicale en son noyau. Il aspira l'énergie avec précaution sous le regard impatient et angoissé de l'assemblée.

Une fois le prélèvement effectué, une jeune assistante récupéra le liquide et le plaça avec délicatesse sous le microscope. Les gestes nerveux et les soufflements agités de la présidente, de son escorte ainsi que de ses collègues déconcentrèrent l'assistante qui du s'y reprendre à deux fois pour analyser son échantillon. Elle notifia un « chut » à ses supérieurs, strict mais respectueux.

Elle reprit le travail avec plus d'aisance et mélangea au liquide phosphorescent une substance rouge contenant une dose élevée de souffre. L'interaction des deux matières produisit aussitôt une petite explosion qui projeta le microscope par-delà la table de laboratoire et brûla les mains gantées de la laborantine. Elle trempa sans attendre ses doigts brûlant dans un bol de glace.

—Encore un échec ! lâcha la présidente avec un accent russe très prononcé.

Elle fusilla du regard l'équipe de chercheurs tout en prenant sa tête entre ses mains. Elle jeta un dernier coup d'œil fugace à la pierre qu'ils venaient d'analyser et contempla l'univers depuis l'une des parois vitrées. Celui-ci restait imperturbable, intemporel mais avant tout inébranlable. On ne pouvait pas en dire autant de la Plateforme. Une inquiétude grandissante se lisait sur le visage de la présidente. Elle remercia néanmoins la détermination des chercheurs puis tourna les talons et sortit d'un pas précipité de la pièce, suivie de près par son escorte personnelle.

Diane,la jeune assistante, s'affala sur son siège, dépitée, tandis que son responsable ramassait les débris tombés au sol. Elle se précipita aussitôt vers lui et l'épaula dans la tâche. Il semblait encore plus anéanti qu'elle.

—Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? s'enquit-elle.

—Je l'ignore, répondit Ethan tout en tentant de reconstituer le microscope. Nous n'avons plus de substance viable. L'énergie solaire est instable, potentiellement dangereuse pour l'humanité et d'ici très peu de temps notre unique source d'énergie sera tarie...

—...On est tout proche ! s'insurgea Diane en relisant ses notes.On peut y arriver ! On doit créer une énergie de synthèse !

—Avec quoi ? On manque d'échantillons solaires ! Nous ne disposons plus que d'une seule pierre pour éclairer la Terre, faire fonctionner la Plateforme et poursuivre nos vaines expériences.

—La présidente doit envoyer une nouvelle équipe au sol. Il nous faut une autre pierre !

—La présidente a les mains liées et elle le sait, répondit Ethan sur un ton plus autoritaire qu'il ne l'aurait cru. Les téléportations consomment trop d'énergie pour renvoyer des voyageurs sur Terre. Et ceux qui y sont n'ont toujours rien trouvé depuis un an !

Le chercheur se reprit.

—On ne peut pas risquer nos faibles ressources pour si peu d'espoir.

—Si on ne fait rien, la Terre est condamnée !

—Ce n'est pas de notre ressort, s'excusa le chercheur.

Diane se releva et observa le cosmos depuis l'une des baies vitrées du laboratoire. La lumière s'estompait de plus en plus. Bientôt le monde serait plongé dans le chaos pour la seconde fois en vingt ans,à moins qu'ils ne trouvent une solution pour contenir la flamme.Cette fois, l'éclipse de l'Apocalypse détruirait la planète pour de bon.

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