Xiland : 18 ans plus tôt

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Des flèches enflammées vinrent s'abattre sur le village de Xiland dont la construction n'était achevée que depuis un mois.

—Les Vikings ! hurla l'un des villageois. Ils accostent !

L'aubergiste Caleb Drake sortit en trombe de sa hutte suivi de son fils Daryl alors âgé de quinze ans. Le feu pleuvait du ciel. Aux abords de la plage, le combat contre les envahisseurs avait déjà commencé. Des cris s'élevaient dans les airs, suivis de martèlement de pas courant dans toutes les directions. L'aubergiste retourna dans sa hutte, fouilla dans ses malles et sortit des explosifs qu'il ceintura à son pantalon. Il saisit un pistolet, s'assura qu'il était bien chargé et le remis à son fils.

—Viens, il faut se battre ! Rappelle-toi les cours de tirs que je t'ai donné !

Daryl acquiesça et serra fort son arme contre lui. L'aubergiste embrassa sa femme, la priant de rester cachée jusqu'à leur retour.

—Ne t'inquiète pas maman, nous allons les repousser ! dit Daryl sur un ton qui se voulait convaincant.

Sa mère le prit dans ses bras et le supplia de revenir en un seul morceau.

Un petit garçon de sept ans s'approcha à son tour de sa maman, lui fit un bisou puis parti rejoindre son père.

—Non Travis ! dit Caleb. Tu dois veiller sur ta mère !

—Mais je veux venir avec vous ! Moi aussi je sais tirer !Umberto et Irene m'ont appris !

Caleb marqua un temps d'arrêt. Le jeune couple n'avait aucune autorité sur ses enfants et encore moins celle de les instruire aux armes à feu. Il réglerait ça plus tard avec eux !

—Tu es trop jeune ! Tu restes ! Fin de la discussion !

Sans attendre davantage, Caleb s'aventura vers les falaises de l'île. Le père et le fils avaient pris soin de ne pas se faire repérer en traversant le village. Encore quelques mètres et ils seraient au plus proche des navires ennemis.

Un cri strident retentit non loin de leur planque et Caleb reconnut aussitôt les hurlements de la petite Kiara. La fillette pleurait si fort qu'elle ameuta vite toute une tripotée de Vikings aux abords du cabanon du jeune couple. Umberto avait délibérément opté pour une hutte à l'écart du village afin de ne pas déranger les résidents des pleurnicheries du bébé et jouir d'un peu de tranquillité.Daryl s'arma de son pistolet et se rua hors de sa cachette mais son père le retint in extremis.

—Ils vont les tuer papa ! Laisse-moi y aller !

—Irene n'aurait jamais commis une faute pareille..., dit-il avec une pointe d'hésitation. Ce n'est pas normal.

L'un des Viking ressorti du cabanon, furieux, muni d'un magnétophone. Il écrasa le matériel d'un violent coup de pied et les hurlements cessèrent aussitôt.

Umberto, Irene et la petite Kiara devaient déjà être loin. Leur ruse avait permis d'attirer les ennemis à l'extérieur du village, laissant un peu plus de temps aux autres habitants pour se préparer face aux envahisseurs.

Caleb courut jusqu'à la plage où deux navires Vikings étaient amarrés et confia une grenade à son fils. Le plan fut vite élaboré et les grenades disposées dans chacune des cales des navires abandonnés.

Daryl s'apprêta à dégoupiller et sortir en courant lorsqu'un bâton vint s'abattre dans son dos. Le garçon tomba au sol dans un bruit sourd.Il toussa, se retourna et découvrit un Viking penché au-dessus de lui, prêt à frapper à nouveau. Il saisit le bâton des deux mains et lui décocha un coup de pied dans le genou qui craqua et le fit tomber à son tour. Daryl n'attendit pas une seconde de plus. Il dégoupilla, lança la grenade dans un conduit et courut aussi vite qu'il put pour rejoindre la terre ferme, le Viking à ses trousses. A quelques enjambées du point d'arrivée, l'assaillant ramassa un poignard qu'il leva dans les airs, prêt à l'envoyer se nicher dans la colonne vertébrale du garçon qui courait toujours sans se retourner. Une détonation retentit et une balle percuta le Viking en pleine tête. Ce dernier tomba raide mort lorsque le navire explosa de l'intérieur.

Daryl regarda droit devant lui et découvrit avec stupeur son petit frère en position de tir. Travis se tenait là, sur le petit port d'attache, serrant avec une fermeté fébrile un fusil de chasse bien trop gros pour son petit gabarit tandis que le navire projetait des débris tout autour de lui. Daryl attrapa son petit frère et l'emmena à l'abri.

Au bout de quelques heures, le village était à feu et à sang et les envahisseurs repartaient  victorieux sur le dernier navire encore debout, kidnappant au passage de jeunes filles et emportant le plein de provisions. Les Vikings avaient fait de nombreuses victimes et laissé un traumatisme indélébile sur leur passage. Les villageois exécutaient les derniers envahisseurs avec un détachement qui glaça le sang des deux frères. Daryl entraîna son petit frère à travers le village, prenant soin d'éviter les flammes et de contourner les cadavres.

Lorsqu'ils regagnèrent leur hutte, leur père les attendaient de pied ferme.Ils découvrirent leur mère alitée en position feotale, à moitié-nue, pleurant toute les larmes de son corps, un Viking étendu raide mort au pied du lit.

—Espèce de petit ingrat ! hurla Caleb en corrigeant Travis d'un revers de main. Je t'avais pourtant dit de veiller sur ta mère !Pourquoi as-tu désobéis ?!

Travis n'eut pas le temps de répondre qu'une avalanche de coups s'abattit sur son petit corps frêle. L'enfant, incrédule de la situation,cherchait tant bien que mal ce qui avait pu mettre sa mère dans cet état. Daryl repoussa son père à plusieurs reprises, implorant l'aide de sa mère qui pleurait toujours. Mais plus Daryl le priait d'arrêter, plus Caleb s'acharnait sur l'enfant à présent recouvert de bleus. Le petit garçon recevait les coups sans pleurer, tout du moins il s'efforçait de ne rien laisser paraître malgré les sanglots. Ce n'était pas la première fois que son père levait la main sur lui, sur son grand frère ou encore sur sa mère.

Mais c'était la dernière.

Daryl attrapa le fusil de chasse et assomma son père qui tomba à genou.Du sang ruissela le long de son crâne tandis que sa mère, apaisée,se redressa. Elle resta assise sur son matelas sans bouger. Des larmes coulaient toujours le long de son visage mais elle ne pleurait plus. Elle resta impassible en observant son époux s'éteindre à petit feu devant elle. Allongé sur le sol, ses membres tremblèrent à n'en plus finir et sa respiration saccadée s'arrêta.

Caleb ne frapperait plus jamais personne.

Puis elle ouvrit ses bras pour accueillir ses deux enfants et les rassura d'une caresse dans les cheveux.

—Nous sommes en sécurité maintenant, souffla-t-elle en balayant du regard les corps du Viking et de son mari étendus par terre. Une nouvelle vie s'offre à nous. Je vous aime plus que tout mes chéris...

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