Xiland : 12 ans plus tôt

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Travis prit son petit frère dans ses bras. La véhémence des vagues lui donnait le mal de mer. Les trois frères n'étaient partis sur les flots que depuis deux heures et déjà Gaby geignait et suppliait Daryl de rejoindre la terre ferme.

Si seulement je pouvais te jeter par-dessus bord, pensa Daryl. Ce serait déjà un problème en moins.

Travis regarda son grand-frère de travers.

-Je sais très bien à quoi tu penses ! répliqua l'adolescent.

-Le morveux ne nous cause que des problèmes, chuchota Daryl. Une bouche de plus à nourrir, plus de travail et encore moins de répit pour notre mère. On aurait du le tuer à la naissance.

Travis couvrit les oreilles du petit garçon.

-Il n'y est pour rien si maman est malade.

-Bien sûr que si, c'est un Viking, ils ne savent que détruire et faire du mal aux gens ! Tu es encore trop jeune pour comprendre.

-Je suis assez grand ! Et Gaby n'est qu'un enfant !

-Un monstre sous les traits d'un enfant ! précisa Daryl.

-Esta buene Daryl ! se fâcha Irene de son accent italien en s'écorchant le doigt sur un hameçon. Un jour où l'autre il va falloir que tu l'acceptes ! Pour ta mère, Gaby est un cadeau du ciel. Intègres-le et n'en parlons plus !

La femme du gouverneur se ressaisit et passa la tête par-dessus bord.Un mouvement saccadé remuait les flots et faisait tanguer la barque.Elle tira sur le filet, aidée des trois frères. Les poissons se débattaient et l'un d'eux, plus gros et plus vif que les autres,semblait contre-balancer le filet vers les profondeurs.

-Tirez plus fort ! s'adressa-t-elle aux garçons.

Au bout de quelques minutes, le butin frétilla dans la barque. Daryl observa la diversité de poissons et se frotta les mains. Ils avaient là un bel étalage à présenter sur le marché du village.

Un requin... Voilà qui remplirait bien leurs bourses ! Il n'était pas très gros mais les habitants en raffolaient. Daryl n'était pas des plus admiratifs de la viande de requin mais il était ravi à chaque fois que l'un d'eux sortait de l'eau. Un carnassier en moins et des baigneurs plus sereins.

De retour au port, Irene s'occupa de Gabriel tandis que les garçons s'empressèrent de charger les poissons sur le chariot et de courir présenter leur pêche à leur mère. Même si Irene avait fait le plus gros du travail, ils étaient fiers de partager leurs exploits avec elle !

Le gouverneur Umberto vint à leur rencontre, le visage fermé. Irene sut aussitôt que quelque chose n'allait pas. Il invita les trois frères à se joindre à lui et ils s'installèrent sur la plage à marée basse.

-C'est à propos de votre mère, commença celui-ci.

Daryl fronça les sourcils. Il n'aimait pas du tout l'intonation fébrile dans la voix du gouverneur.

-La fièvre l'a emporté. Nous avons fait repartir son cœur plusieurs fois mais ... elle était trop faible.

Irene s'approcha et posa une main sur l'épaule de son époux. Daryl, quant à lui, fixa le sable incapable de soutenir le regard du gouverneur.

-Je voulais vous l'annoncer en personne, reprit-il.

Tandis que Travis pleurait la mort de sa mère, Daryl fixait toujours le sable, imperturbable, se dandinant d'avant en arrière.

-Elle est où ma maman ? demanda le petit Gabriel.

Tous les regards se tournèrent vers lui. Il n'avait visiblement pas compris les paroles du gouverneur.

Daryl bondit sur ses deux jambes et attrapa le petit par le gilet. Il le traîna dans les airs et l'emmena vers l'océan. C'est alors qu'il s'accroupit et plongea la tête du garçon dans l'eau.

-Ne vois-tu pas que c'est de ta faute si elle est morte ?!aboya-t-il en noyant le petit de toutes ses forces.

Gabriel se débattit sans succès lorsque le gouverneur saisit Daryl par le col et le projeta en arrière. Irene attrapa aussitôt le petit garçon et fit pression sur ses poumons pour l'obliger à recracher l'eau salée.

Daryl fondit en larmes dans les bras du gouverneur. L'adolescent avait tué son père pour protéger Travis et maintenant sa mère, très malade depuis l'accouchement de Gaby, venait de rendre son dernier soupir.

Il se remémora les paroles de sa mère le jour où elle découvrit qu'elle était de nouveau enceinte. Elle avait d'abord pensé à se débarrasser de l'enfant. Au sein du groupe, personne n'accepterait le rejeton illégitime d'un viking. Mais à mesure que son ventre grossissait, elle n'avait plus qu'une idée en tête, donner vie à ce petit être innocent.

Si c'est une princesse, je l'appellerais Sissi. Et si c'est un ange, il s'appellera Gabriel.

Pour Daryl cela ne faisait aucun doute. L'ange Gabriel était la personnification du diable lui-même. Et Satan n'avait pas fini de faire parler de lui.

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