IX- Quotidien mordant

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Au fur et à mesure que l'année avançait, j'ai pu me rendre compte de certaines choses qui m'ont peu à peu dégoûtée du choix de mon lieu de vie. Si on peut appeler ça un choix !

Et pourtant, le lieu de vie me paraissait idéale. Une belle maison située en plein milieu des champs à la campagne. Parfait pour prendre du recul par rapport à la ville et ses contraintes. Deux magnifiques chats noirs que j'ai connu chatons. Dont l'un étant celui que j'avais choisi de garder. Cette année, quand j'étais mal je le retrouvais sur mon bureau ou mon lit à me demander des câlins en ronronnant.

Tout d'abord, je vivais avec ma mère et son copain qui se destinaient à être végétariens. Les menus furent donc principalement composés de salade, courgette, melon, riz, carotte, et fromage. Soit de produits laitiers, de légumes et de fruits. Heureusement j'avais la cantine de mon lycée pour me rassasier de mon manque de vrais plats et de viande.

À table, la discussion tournait souvent sur les choses accomplies dans la journée. Mais quelque fois, cela tournait au désastre car ma mère avait le don de démoraliser quiconque en concluant les paroles de chacun. Même au-delà de cela, les paroles ne volaient pas haut. Ils étaient haineux cherchant toujours la petite bête pour avoir raison. Rien de constructif. Et plutôt très agaçant. Cela me gênait énormément d'avoir remarqué cela. J'en faisais une fixation. Ma sœur quant à elle rentrait d'internat en me disait :

-Arrête d'être coincée comme ça et de plus parler.

Cela faisait mal de l'entendre mais c'était comme ça, c'était ma manière de me protéger des adultes défaillants.

Quand ils parlaient cela s'entendait de ma chambre à l'étage. La maison étant très mal insonorisée. Alors oublies les révisions tranquilles sans bruit, les matins où tu te réveilles une fois que tu as suffisamment dormi, les coups de téléphones privés, et la joie de se sentir seule à la maison. Je les entendais répandre leur haine et lier une relation fausse et vaniteuse.

Ma mère avait choisi de faire une formation « pôle emploi » pour sept mois. Cette même année où elle avait fait le choix de nous héberger et d'être présente pour nous ! Autant vous dire qu'elle n'a pas rempli son devoir. Et qu'en prime, elle a fait une formation inutile qu'elle n'utilisera pas et nous a soulé tout le long avec. Comment ? En perdant son temps à recopier des cours sur l'ordinateur -même quand la formation fut terminée-, et en parlant à table des conflits de groupes présents dans sa formation comme une lycéenne.

Et il y a aussi ce problème que son copain a : si tu n'es pas plus vieux que lui, tu n'es pas qualifié pour remettre en doute ses paroles, ni dire quoi que ce soit dans une discussion normale ou lors d'une dispute. Chose très arrangeante pour lui. Vous devez vous demander si c'est vraiment possible d'être comme ça ? Croyez-moi ça l'est, on ne le remarque pas tout de suite, mais une fois vu, ça prend de plus en plus d'ampleur et nous dégoûte des personnes.

Puis, il avait également le problème des déplacements. Mon bus scolaire arrivait à la gare à 6h30. Cela signifiait qu'à 5h30 je devais être debout pour pouvoir avoir le temps de me préparer, de déjeuner et de prendre la route pour la gare. Personnellement j'aurais pu me lever plus tard s'il n'y avait que moi. Mais ma mère était chargée de m'emmener à la gare donc je devais préparer le petit déjeuner pour elle et moi, et faire en sorte qu'il dure vingt minutes pour au moins partager un moment avec elle avant de filer. Étonnamment cela m'agaçait plus que tout, je détestais ce petit rituel. Car finalement elle se levait toujours en retard -souvent parce qu'elle se couchait très tard-, baillait bruyamment -étonnant, car ce n'est pas elle qui se levait le plus tôt-. Ce qui avait le don de me mettre de mauvaise humeur. Mais je ne pouvais rien dire, j'étais jeune et dépendante.

Pour ce qui est d'aller au centre-ville, je devais prendre mon vélo. Au départ, l'idée plait mais au fil des remontées cela décourage. Oui, l'allée était en descente mais le retour te faisait regretter ton déplacement et encore plus si tu fais plusieurs allers-retours dans la journée avec un sac à dos chargé.

Vous pouvez penser que je suis une grosse flemmarde mais souvenez-vous de mes débuts : quand je me suis inscrite à l'aviron, malgré le chemin compliqué pour y aller que j'avais bien pris en reconnaissance, ma volonté de vouloir être déléguée, même si je savais que les conseils finissaient tard et que ça allait coincer parfois avec mes horaires de bus, mon envie de me faire des amies et d'avoir mon code tout en travaillant pour une association. Alors d'accord, tous se sont soldés en échec. Seulement parce qu'à la longue cela m'épuisait et oui, me démoralisait. L'effort était là mais la reconnaissance de mes proches et les réussites non. Comment continuer dans ce cas ? C'est surhumain.

Et enfin, il y avait ce problème de reconnaissance. Même en fin d'année j'ai eu le droit de la part de mes proches, a des remarques du style : "Mais qu'est-ce qu'il t'a tant épuisé cette année ?" ou "T'étais bien, à la maison, tranquille ". Les apparences sont trompeuses. Non je n'étais pas bien, j'étais surtout seule. J'ai eu le droit comme tout jeune habitant chez ses parents ou un parent a des crises de colère et des disputes dévastatrices. J'ai eu le droit à des moments de grands vides, où ton cœur semble chuter dans un gouffre sans fin, sans que tu puisses le retenir.

Au lycée, j'ai essayé d'avoir plus qu'une amie. Mais en vain. Là-bas, ça fonctionnait comme ça tu étais l'amie de la première personne que tu rencontrais en début d'année et on te calculait plus. Même s'il m'est arrivé souvent de parler avec d'autres personnes, elles étaient « l'amie de mon pote » et non mes amies. Cela signifie aucun bonjour le matin, juste de discuter comme ça ou quand il y a besoin.

Heureusement, j'ai tout de même ma famille qui m'a laissée lui parler de mes problèmes et permis d'évacuer. Car on devient aussi haineux que les gens qui nous entourent si on n'a pas de soutien extérieur solide.

Merci à mon amie du lycée de m'avoir laissée parler et aider à vivre des situations qui dans le cas étaient loin d'être simples. J'espère pouvoir être ton amie éternellement.

Merci à mes autres amies, qui n'étaient pas auprès de moi, mais qui m'ont permis de prendre du recul.

Vous m'avez énormément manqué. Sans vous je n'y serais pas arrivée.

Mon année de TerminaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant